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| Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? | |
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Auteur | Message |
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p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Sam 23 Mai 2020 - 10:28 | |
| Bonjour à tous,
J'aborde un sujet assez méconnu dans la France "de l'intérieur", comme on disait ici.
De 1872 à 1918, les alsaciens mosellans, appelés Alsaciens-Lorrains (AL), devenus sujets de l'empereur du nouveau Reich allemand fondé sur les ruines de la défaite française de 1871, avaient eu de facto des obligations liées à leur nouvelle nationalité. Parmi elles, tous les hommes de 18 à 45 ans étaient soumis en temps de paix à la conscription militaire, puis à partir de fin juillet 1914 sont devenus mobilisables.
On pourrait croire que ces AL soient regroupés dans des unités spécifiquement régionales telles que par exemple le 4 Lothringisches Infanterie Regiment Nr. 136 de Strasbourg, le 2 Ober-Elsässiches Feld Artillerie Regiment Nr 51 ou le 1. Lothringisches Feld Artillerie Regiment Nr 33 de Metz. En fait il n'en est rien et les AL étaient tout simplement envoyés et surtout dispersés dans tous les régiments du Reich. Ainsi le IR 136 était essentiellement constitué d'effectifs allemands, plutôt de Saar-Pfalz, et il y avait moins de 10 AL par compagnie. Le but surtout était de former ces nouveaux allemands du sud-ouest de l'Empire à la "Kultur" germanique. Du reste, dès le début de la guerre, l'état-major allemand doutait de la "fiabilité" de ces AL.
Si certains AL ont pu participer à la guerre à l'ouest, rapidement diverses mesures et circulaires ont été mises en place par l'état major allemand à la fois pour ne pas leur confier de responsabilités et de grade important, et aussi pour les envoyer sur le front est.
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| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Sam 23 Mai 2020 - 11:14 | |
| Dès le début du conflit, certains AL ont fui le Reich et ont contracté un engagement dans l'armée française. D'autres ont délibérément rejoint les lignes françaises, comme par exemple le Dragonner Julien Cheltiez, que j'ai déjà évoqué ici, et qui dès le 11 août traversait avec son cheval les lignes allemandes et rejoignit les lignes françaises pour être fait prisonnier. Quelques jours après, il s'engageait dans la légion, sous nom d'emprunt, puis passait dans les chasseurs à cheval et enfin aux chasseurs à pied dans les rangs desquels il sera tué sur la Somme en 1916. A signaler que la désertion étant punie de mort, il fallait être sûr de son coup pour déserter, et les désertions avaient le plus souvent lieu à la faveur d'un mouvement de repli. Dès décembre 1914, les prisonniers AL étaient gardés dans des camps spéciaux pour AL, il y en avait trois en France, le premier à Saint Rambert sur Loire, un autre à Lourdes et un dernier enfin à Monistrol. Les prisonniers pouvaient y contracter un engagement dans l'armée française et partir en Afrique ou Afrique du Nord, ou demander à combattre sur le front français. Dans ce cas, ils avaient un nom d'emprunt, qui leur évitait les pires ennuis en cas de capture par les Allemands. Julien Cheltiez, l'ancien du Dragoner Regiment Nr 9, est alors devenu Julien Chanzon. Revenons à 1914. Dès le 31 juillet le Kriegsgefahrzustand, état de danger de guerre est instauré en AL et suspend toutes les dispositions d'application de la constitution de l'AL accordée le 31 mai 1911. L'AL passe donc sous dictature militaire. 220.000 AL sont appelés sous les drapeaux, à partir de la classe 1869. 8000 hommes sont volontaires tandis que 3.000 passent la frontière, pour ne pas porter l'uniforme honni. Il ne faut pas oublier que dans les parties francophones, tout comme dans les parties de langue francique en Moselle ou langue allémanique en Alsace (deux langues anciennes datant de l'époque franque et allamane, d'origine germanique, l'attachement à la France était très fort, les AL n'hésitaient pas à traverser la frontière pour aller voir la revue du 14 juillet en France. De plus la fameuse affaire de Saverne en 1913, ou des AL avaient été discriminés pour leur origine par un officier prussien est un autre exemple de cette identité française marquée. Au total, 380.000 hommes auront été mobilisés durant le conflit, ce qui n'est pas négligeable. Dès le 5 août 1914, la loi d'engagement des AL leur permettant d'obtenir la nationalité française était votée. Rapidement, devant les défections des AL, l'Allemagne réagissait le 15 mars 1915 par un rapport du général Mandel prescrivait: "l'éloignement des AL douteux au point de vue politique des troupes stationnées à l'ouest", entérinant leur envoi vers l'est. La pression s'accentue à l'arrière, et outre les réquisitions de toute nature ou l'hébergement de troupes, le 2 septembre 1915, les noms de 247 communes sont germanisés. Mon village, Woippy, devient Wappingen, Vigy ou nord-est de Metz, devient Wiggigen, Pournoy-la Grasse à l'est de Metz, devient Großprunach, Lesse dans le Saulnois Lesch...Etc.. Les AL qui avaient pu vivre à peu près normalement jusqu'en 1914, et profitant des avancées sociales des lois d'empire, se trouvaient désormais forcés à la Kultur allemande, et la langue allemande devenait obligatoire (le français était encore enseigné dans les écoles avant 1914, dans les zones où il était "Muttersprache", langue maternelle). Le 11 janvier 1916, von Mandel envoie une nouvelle circulaire pour éloigner les AL du front ouest. Enfin, le 31 janvier 1916, une ordonnance impériale déchoit tous les AL exilés de la nationalité allemande si ils ne reviennent pas sur le territoire de l'empire. Cependant, avec les accords de paix conclus avec la Russie en automne 1917, de nombreuses unités rejoindront le front est, emportant avec eux les AL faisant partie de leur effectifs, ce qui permettra la désertion de beaucoup d'entre eux au printemps et en été 1918. Sur les 380.000 mobilisés, 50.000 ne reviendront pas, 150.000 seront blessés et 30.000 faits prisonniers. Je vais ensuite aborder les parcours de quelques alsaciens lorrains dont Albert Domange dont voici le portrait en 1990 et en octobre 1916, classe 1897. ...A suivre. Cordialement. P. Lamy |
| | | kugeltoff
Nombre de messages : 93 Age : 58 Localisation : Rhone-Alpes Date d'inscription : 26/03/2019
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Sam 23 Mai 2020 - 14:11 | |
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| | | Vauquois
Nombre de messages : 1739 Localisation : région Chamalo Date d'inscription : 08/01/2018
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Sam 23 Mai 2020 - 14:43 | |
| - p.lamy a écrit:
Le 11 janvier 1916, von Mandel envoie une nouvelle circulaire pour éloigner les AL du front ouest. Enfin, le 31 janvier 1916, une ordonnance impériale déchoit tous les AL exilés de la nationalité allemande si ils ne reviennent pas sur le territoire de l'empire. Cependant, avec les accords de paix conclus avec la Russie en automne 1917, de nombreuses unités rejoindront le front est, emportant avec eux les AL faisant partie de leur effectifs, ce qui permettra la désertion de beaucoup d'entre eux au printemps et en été 1918.
P. Lamy Bonjour, ...de nombreuses unités rejoignent le front Ouest si je comprends bien. Cordialement |
| | | le Graf
Nombre de messages : 7015 Age : 63 Localisation : sur HM et pour longtemps Date d'inscription : 12/07/2006
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Sam 23 Mai 2020 - 15:06 | |
| - p.lamy a écrit:
la langue allemande devenait obligatoire (le français était encore enseigné dans les écoles avant 1914, dans les zones où il était "Muttersprache", langue maternelle). Cordialement. P. Lamy Bonjour, je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. Jusqu'en 1918, le français est encore utilisé pour l'état civil (souvent billingue) et beaucoup de documents officiels , un journal de Metz (La Gazette Lorraine) était publié en français tout comme une grosse partie des publicités. Les soldats pouvait écrire en français sur leur correspondance jusqu'en 1915. Après cette date, pour des problèmes de censure et d'espionnage, l'allemand devenait obligatoire pour les correspondances des militaires des AL. La désertion était puni de mort dans toutes les armées en 14-18. Mon grand-père paternel, né Ernst Siegel en 1888 à Niederwillers a quitté l'Allemagne en 1910 plus pour une histoire de famille que de haine pour l'allemand. Il fera son Service avant 1914 dans un régiment d'artillerie et pendant la guerre prendra le nom d'Ernest Lelorrain pour la durée de la guerre. Les autres hommes de la familles n'ont pas déserté pour la simple est bonne raison , né bien après 1871, ils ne connaissaient que l'empire allemand et vivaient relativement bien. Les riches familles insdustrielles lorraines ou alsaciennes, ont mis leur oeufs dans plusieurs paniers, la famille de Wendel par exemple qui excerça en Allemagne , France et Luxembourg histoire d'être sûr d'être du bon côté. Post 1918, de riches famille bourgeoise de l'Est ont acheté post-morten la nationalité de leur enfants mort à la guerre sous l'unforme feldgrau et ce défunt se retrouva enterré dans un cimetière français. Eric |
| | | peguy
Nombre de messages : 3238 Age : 60 Localisation : seine et marne Date d'inscription : 24/12/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Sam 23 Mai 2020 - 21:58 | |
| Bonjour Sujet qui me passionne et qui me fait aimer les régions annexées... je conseille ce livre Cahiers d'un survivant de Richet..Alsacien de Saint Ulrich |
| | | zabmarcus
Nombre de messages : 1327 Localisation : Au sud du nord de l'est presque à l'ouest Date d'inscription : 23/12/2019
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Dim 24 Mai 2020 - 7:16 | |
| Bonjour, Passionnant, il y a un peu de mon histoire familiale passée la dedans. Merci À bientôt |
| | | Jasta
Nombre de messages : 2149 Localisation : Au bord du Rhin... Date d'inscription : 05/01/2007
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Dim 24 Mai 2020 - 9:27 | |
| Bonjour, Sujet complexe et encore parfois délicat, voire même douloureux… Deux de mes aïeux (à l'origine de ma passion) ont combattu sous l'uniforme feldgrau en 14-18... - Camille Birlinger, originaire de Lutterbach, service militaire dans l'artillerie hessoise puis Landsturm hessoise en 14-17 sur le front est. Titulaire de la croix du combattant française. - Joseph Heim, originaire de Riedisheim, 10 ans à la Légion étrangère, condamné par les autorités allemande pour désertion, landsturm prussienne en 14-18, condamnation par les autorités française pour désertion. Ni médaille ni pension. Pour ma part je recommande la lecture de l'excellent ouvrage des frères Grandhomme: "Alsaciens-Lorrains dans la Grande Guerre" (2013). PS: Je n'aime pas l'appelation de "Malgré-nous" pour "ceux de 14. Même si ce terme fit son apparition dans les années d'après guerre, il désigne surtout les incorporés de force de la génération suivante ... |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Dim 24 Mai 2020 - 19:23 | |
| Bonjour à tous. Merci d'avoir vu la coquille, c'est bien retour sur le front ouest en 1918 Pour la langue française, sujet éminemment compliqué certes. Effectivement dans les faits l'allemand devenu obligatoire n'empêcha pas certaines publications en français en zone francophone. Pour le courrier, je sais que la langue française ne semble pas avoir été interdite tout le temps. J'ai déjà parlé sur ce forum de cet important lot de lettres écrites par une femme de Vigy (nord est de Metz), à son mari Landsturm en Silésie orientale, Ostpreussen et Pologne. Le lot, que j'ai désormais déposé aux AD 57, comprenait des lettres de Marie, l'épouse, plus de 850 courriers, et les réponses de son mari Emile, ainsi que des correspondances d'amis et connaissances, des feuilles de ravitaillement et d'impôt de guerre, etc... Il y avait un Jagdschein de 1911 (permis de chasse, avec curieusement les mêmes dates d'ouverture pour les différents gibiers que de nos jours...). Les correspondances des années 1915, 1916, 1918 sont entièrement rédigées en français par l'épouse, seule une partie de l'année 1917 est rédigée en allemand. Les réponses de l'époux sont en 1915 en français. Mais il s'agissait de lettres sous enveloppe, qui étaient ouvertes par la censure et portaient la mention "gepruft". J'ai utilisé l'appellation malgré-nous qui est celle qui a été utilisée juste après guerre lors de la création de l'association éponyme qui avait pour but de défendre les droits de ces incorporés de 14-18 dans l'armée allemande. L'incorporation de force est inversement plutôt pour 1942-1945. Après, cette terminologie continuera toujours à faire débat...Du reste les français d'Alsace et Moselle ne sont pas les seuls concernés, les allemands ayant levé des contingents dans d'autres pays européens. Il faut aussi savoir que les AL qui pouvaient prouver par leurs papiers militaires ou le témoignage de 3 autres personnes leur incorporation dans l'armée allemande et une présence en première ligne d'au moins 6 mois, pouvaient être titulaire de la carte de combattant et recevoir également la carte du combattant, avec la pension de guerre qui y était liée. Souvent les AL faits prisonniers perdaient leur Miltarpaß lors de la période d'internement, et ces fameux dossiers de demande de carte de combattant disponibles aux AD permettent parfois de reconstituer certains parcours. Voici le diplôme de mon AGP originaire du Bistcherland (est mosellan), classe 1878, décédé en 1940 Ce que je veux surtout faire connaître c'est la destinée particulière des habitants de ces trois départements du nord-est... A suivre... P. Lamy ... |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Dim 24 Mai 2020 - 20:56 | |
| Je ne l'ai pas indiqué, mais merci aux régionaux de leurs contributions. Avant d'aborder les récits, voici deux documents émis par la Xe armée (française) traduction de documents allemands capturés par la France en juin et juillet 1918, deux notes de la VIIe armée allemande et de la 42e division allemande; merci à Guy François de nous avoir permis leur connaissance. Ces notes ont été publiées respectivement dans le "Bulletin de renseignements de la Xe armée" du 20 juin 1918, et dans le même bulletin, mais du 23 juillet 1918.Elles traduisent toutes deux la confiance relative accordée par les Allemands aux AL : Effectivement, les publications de Jean Noël Grandhomme, pour lesquels il a utilisé certains de mes récits sont très bien faites. Outre les textes qu'il a publiés dans les revues historiques il y a ces trois ouvrages, dont le premier a été signalé: "Les Alsaciens Lorrains dans la grande guerre" - La Nuée Bleue -2013 "Ultimes Sentinelles" - La Nuée Bleue - 2006, belle succession de récits d'après une enquête menée au début des années 1990 lorsqu'il était jeune historiant à l'université de Strasbourg, et "Testament du dernier Poilu d'Alsace, André Grappe" - PUN Strasbourg - 1999 Autres documents : Le numéro 58 Hors Série des Saisons d'Alsace La Grande Guerre en Alsace - 1914-1918 Numéro spécial - DNA novembre 2013, est très bien fait également. Plus fouillé et plus large, "La Lorraine annexé- 1871-1918" François Roth - Editions Serpenoise, première parution en 1974 et réédité plusieurs fois, la dernière il y une douzaine d'années. L'auteur y développe tous les aspects de l'annexion mosellene, notamment cette embellie économique qui a profité aux annexés avec notamment le développement des mines de fer et charbon en Moselle et de la sidérurgie, avec les dynasties de Wendel, ou Thyssen qui s'est implantée en Moselle après 1900, ou la création par exemple de la ville purement industrielle de Stahlheim devenue Amnéville après 1918. Comme le souligne Jasta, le capitalisme industriel ne fait pas grand cas des nationalismes et des frontières, mais a malgré tout profité grandement aux populations des "provinces annexées". Les industriels paternalistes avaient aussi un rôle social, avec l'instauration de caisses de retraite dès avant 1910 ou par exemple ce jeton "Familialkuche Thyssen Werke" que j'ai trouvé dans mon jardin (cuisine familiale des établissements Thyssen). Albert Domange de ST Privat la Montagne, cité plus haut m'a indiqué qu'il gagnait à lui seul plus d'argent à la mine de Fer Ida de Sainte-Marie aux Chênes que deux de ses frères et son père qui travaillaient comme carriers à Malancourt (Moselle). Les anciens que j'ai connus ne sont jamais plaints de cette vie qui s'est grandement améliorée de 1880 à 1914, et une certaine liberté était accordée aux AL. Les agriculteurs et maraîchers alentour de Metz ou de Bitche ont gagné beaucoup en approvisionnant les garnisons militaires de ces deux villes, j'ai même entendu que les jardiniers de Devant-les-Ponts, près de Metz, cultivaient des pommes de terre sous serre pour les militaires. L'état de danger de guerre instauré en août 1914 et plaçant l'AL sous dictature militaire a tout balayé. A bientôt pour la suite. Bonne soirée à tous. P. Lamy |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Lun 25 Mai 2020 - 12:59 | |
| Bonjour à tous, pour revenir au terme "malgré-nous", l'association des "malgré-nous lorrains sous l'uniforme allemand et mutilés" a été créée en 1920 à Metz par André Bellard et Henri Pincemaille. Voici un exemple de soldat lorrain, originaire de Delme, dans le Saulnois en Moselle annexée(au sud-est de Metz). Paul Kleine, alias Marcel Desprès, mle 6537, né le 26 janvier 1883 à Delme, s'est engagé volontaire le 14 janvier 1915 pour la durée de la guerre à l'intendance militaire de Marseille. Il recouvre la nationalité française par récepissé du ministère de la justice du 27 décembre 1918. il sera affecté dans l'artillerie, au 38e RA, puis 115e RAL en août 1916, puis au 18e RA en avril 1918. Curieusement sa fiche matricule porte un papillon avec l'indication de l'état-civil "officiel" de Marcel Desprè s, né à Thônes en Haute Savoie le 1er juin 1881, fils de Ferdinand et Marguerite Hotier, domiciliés à Thônes, canton du dit lieu. Voici sa plaque d'identité retrouvée par un petit neveu il y a quelques années, début de l'enquête qui a permis de retrouver sa fiche matricule au bureau de recrutement des EV de Marseille... Il est dans le registre sous le nom de Kleine Paul avec à côté et entre parenthèses la mention Desprès Marcel. Comme Julien Cheltiez déjà évoqué plus haut, Paul Kleine sera incorporé en premier au "1er étranger Bel Abbès" Cordialement. P. Lamy |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Lun 25 Mai 2020 - 13:18 | |
| ...On estime qu'environ 17.000 AL ont contracté un engagement dans l'armée française, y compris les engagements après désertion de l'armée impériale.
Petit rappel au sujet du recrutement AL dans l'armée allemande durant le conflit : Durant la guerre, et devant les besoins en hommes nés des hécatombes causées par cette guerre moderne, les âges d’incorporation dans l’armée du Kaiser seront progressivement baissés et les jeunes hommes nés jusqu’en 1900 seront enrôlés sous l’uniforme allemand. La classe 1914 (nés en 1894) sera mobilisée entre septembre et décembre 1914. La classe 1915, entre avril et juillet 1915, la classe 1916 entre août et novembre 1915, la classe 1917 de mars à novembre 1916, la classe 1918 entre septembre 1916 et janvier 1917, la classe 1919 en partie en janvier et février 1917, mais l’essentiel entre mai et juin 1917, et la classe 1920 en juin 1918 (cas de mon grand-père paternel né le 31 janvier 1900, qui n'a heureusement pas connu le feu.) A l’origine -et en principe-, les AL se regroupent dans quatre corps d’armée, XVe (Strasbourg), XVIe (Metz), XXIe (Saarbrücken) et dans la XIVe région (Karlsruhe – duché de Bade). Sur les 13.25 millions d’hommes mobilisés par l'Allemagne, 380.000 étaient AL. 29.000 seront faits prisonniers soit 7.6 % de l’effectif, dans la moyenne des autres soldats allemands. Durant la guerre, les AL seront dirigés vers tous les autres régiments allemands. Pour l’essentiel, et suite à des directives de l’état-major allemand, les AL seront dirigés vers le front est. « Tous les AL employés comme secrétaires, ordonnances, etc…Seront relevés de leurs fonctions et envoyés sur le front.
Après l’armistice signé avec les Russes fin 1917, les régiments allemands et leurs hommes AL retournent en France à la fin de l’hiver, en prévision des offensives que Lundendorf veut mener contre les Anglais et Français afin de rompre le front ouest avant l’arrivée massive des soldats américains sur ce front. Au camp de Beverloo, en Belgique, plaque tournante des rapatriements vers l’ouest, une mutinerie d’AL éclate, et elle entraînera par représailles la dissémination des recrues AL par petits paquets dans de nombreux régiments (Ordre du Generaleutnant Woide du 13 mai 1918).
Revenons à mes anciens... Entre 1990 et 1994, j’ai mené une vaste enquête à l’aide d’une liste de l’ONAC, afin de pouvoir recueillir des témoignages d’anciens combattants encore vivants et j’ai pu avoir la chance d’en rencontrer une douzaine. Auparavant j'avais envoyé une centaine de courriers de contact et vu en tout une vingtaine de personnes dont certaines n'ayant participé à 14-18, car étant trop jeunes, cette liste ONAC de 1988 comportait des erreurs. Deux témoignages ont été déjà présentés ici (Louis Schweitzer, alsacien au IR 92 et Albert Domange au IR 136). Deux autres de ces anciens ont servi dans l’armée française, Jean Billet, au 70e BCA, pour lequel j'ai développé un long post en rubrique "parcours de régiments " et Jean Suby au 28e RAC. Très jeunes lors de leur incorporation, beaucoup de mes Lorrains n’avaient qu’une idée en tête : déserter pour rejoindre les lignes alliées et être faits prisonniers. Jetés dans la fournaise d’un horrible conflit qui a marqué un brutal changement de monde pour les années qui l’ont suivi, certains ont mis des années à se remettre physiquement de cette période de leur jeunesse qui les a marqués pour toute leur vie. Tous étaient alors en très bonne santé, choyés par leurs proches. Un peu étonnés de ma démarche, ils se sont livrés sans concessions et m’ont raconté leur histoire, que parfois leurs enfants ne connaissaient pas.
A suivre...
P. lamy
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| | | LeXav
Nombre de messages : 11028 Localisation : France Date d'inscription : 05/07/2009
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Lun 25 Mai 2020 - 13:34 | |
| Bonjour
J'ai lu avec intérêt ce post , même si je suis beaucoup moins concerné que les Alsaciens/Lorrains Je note sur la plaque ID de Kleine Paul alias Marcel Després la mention L devant le matricule. C'est assez intéressant ca sauf erreur de ma part il devrait y avoir mentionné L.M comme liste matricule , ce qui serait assez logique dans son cas puisque Marseille n'était pas le centre d'incorporation naturel de sa commune de naissance.
Pour mémoire le "versement" d'un soldat dans cette liste se fait pour les causes suivantes :
Si l'on croise les textes officiels de 1888 (où la mentions LM apparait), ceux de 1895 et 1910 , 4 catégories de personnes sont concernées :
*Les étrangers franchement naturalisés, *les "omis" (ceux passés à travers la conscription), *les personnes ayant déménagé (domicile ailleurs que dans leur subdivisions de naissance) *les exemptés contractant un engagement volontaire
Ils sont alors inscrit sur une liste spécifique à leur nouvelle Subdivision de recrutement la Liste Matricule . C'est un outil administratif militaire permettant de les classer et de les retrouver le cas échéant. Cette mention apparaît sur la plaque avec le n° sur la liste.
Le cas des conscrits des régions annexées rentre donc je pense dans ce cadre mais dans lequel précisément ??? omis (par la force des choses) ?domicile ailleurs que dans leur subdivisions de naissance?étrangers franchement naturalisés (je ne pense pas car vu de France ils sont annexés mais encore français) |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Lun 25 Mai 2020 - 17:22 | |
| Bonjour Xavier,
cela pourrait effectivement correspondre à "Français fraîchement naturalisés", ce qui a été décidé à la chambre des députés pour les AL déserteurs ou insoumis dès 1914, afin de "rétribuer" leur engagement dans l'armée française par l'obtention de la dite nationalité, qu'ils auraient de touts façons obtenue en 1918 (Création de 4 types de cartes d'identité, type A, B, C ou D, correspondant à la nationalité, le A s'appliquant aux AL nés de parents d'origine française avant l'annexion).
Ces tracasseries administratives ont bien sûr perduré et dans les années 1970 il fallait encore fournir un "certificat de réintégration dans la nationalité française" pour certaines démarches administratives. Ces certificats ont trouvé leur origine dans le bon vouloir des édiles municipaux au début des années 1920 qui décidaient de la nationalité de leurs administrés...Mais c'est une autre histoire, compliquée parfois...
Cordialement P. Lamy |
| | | verdun79
Nombre de messages : 4386 Age : 69 Localisation : Deux-Sèvres Date d'inscription : 29/08/2006
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Lun 25 Mai 2020 - 18:38 | |
| Bonjour,
Mon arrière-grand-père, Pierre Menon, est né en 1869, à Sierck-les-Bains (Moselle). En 1870, il est devenu allemand avec l'annexion de l'Alsace-Lorraine. A l'âge de 20 ans, il n'a pas répondu à sa convocation, pour effectuer son service militaire en Allemagne. Quand les gendarmes sont venus le chercher, il s'est débattu, leur a faussé compagnie et s'est enfui... en France. Il a demandé à faire son service militaire en France, mais étant allemand, cela lui a été refusé. Il a donc contracté un engagement dans la Légion étrangère et a fait campagne au Maroc et au Tonkin en particulier. Il a ainsi obtenu sa naturalisation française, s'est installé dans la Meuse et a été mobilisé au sein d'un régiment de territoriale. Puis, étant âgé et père de sept enfants, il a terminé la guerre dans l'industrie sidérurgique. Après la guerre, il est revenu s'installer en Lorraine où il est resté jusqu'en 1940. L'arrivée des allemands lui a valu l'expulsion de Moselle vers la Meuse, étant jugé indigne de résider sur une terre allemande, en raison de sa désertion... de 1889. Il n'a pu se réinstaller en Moselle qu'après la Libération. J'ai retrouvé sa fiche militaire sur Internet, localisée... en Algérie.
Cordialement.
Verdun79
Dernière édition par verdun79 le Jeu 28 Mai 2020 - 9:33, édité 1 fois |
| | | PETIT DIABLOTIN
Nombre de messages : 2263 Age : 59 Localisation : ISERE Date d'inscription : 06/11/2016
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Lun 25 Mai 2020 - 19:18 | |
| Bonsoir Patrice et à tous, Merci beaucoup pour ce post sur un sujet qui m'est vraiment inconnu sur cette période. Bonne soirée à tout à chacun. Jean-luc |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mar 26 Mai 2020 - 8:50 | |
| Bonjour à tous,
verdun79, encore un parcours typique de ces Lorrains qui ont changé 5 fois de nationalité !
Les Allemands Nazis ont expulsé des dizaines de milliers d'Alsaciens Lorrains à l'automne 1940, jugés indésirables parce que mettant "en danger la sécurité du Reich". Par ce genre d'antécédent de Pierre Menon, et surtout dans les régions les plus francophones, il y a eu une véritable hémorragie démographique, en une heure, 2000 Fr par personne, 50 kg de bagages par personnes et "Raus". Et pour ceux qui sont restés, les fils ont été enrôlés de force, par décision des Gauleiter d'Alsace et du Gau Westmark fin août 1942. Destination principale : l'enfer de Russie.
Cordialement. P. Lamy |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mar 26 Mai 2020 - 9:07 | |
| Jean-Luc, c'est une page de l'histoire de nos trois départements assez méconnue en "France de l'intérieur", avec un bis repetita de 1940 à 1945, les derniers villages ayant été libérés le 17 mars 1945. Et jusqu'à très récemment les Mosellans ou Alsaciens qui travaillaient dans les autres départements limitrophes pouvaient avoir droit aux sobriquets de "Boches" ou "casques à pointe"...
Pour revenir au post, je vais également utiliser des extraits du récit rédigé par le grand-père à ma compagne, Pierre Grandidier de Lesse, dans le Saulnois (Moselle), né en juillet 1899, enrôlé en novembre 1917, car ayant bénéficié d'un report pour travaux agricoles à la ferme familiale qui comptait plus de 100 ha à l'époque. Il avait été incorporé au IR 70 à Saarbrücken, puis versé au printemps 1918 au IR 60. Il a déserté en septembre 1918...Et a été expulsé en novembre 1940, avec toute sa famille, cette désertion en étant en partie la cause...
Cordialement. P. Lamy |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mar 26 Mai 2020 - 13:07 | |
| Bonjour, je continue : ...Si pour l’essentiel, ces combattants sont partis à la date qui leur était imposée, certains ont tenté d’influencer le choix de leur régiment afin de se rapprocher de la France, ou d’être dans des unités où le risque face au danger était plus faible. Louis Schweitzer, originaire de Reichshoffen en Alsace où il est né en 1893 a lui été incorporé avec sa classe d’âge le 12 octobre 1913 au Braunschweigisches Infanterie Regiment 92. Il avait choisi l’infanterie pour deux ans, peu désireux de passer beaucoup de temps sous l’uniforme allemand, car l’artillerie ou la Marine prenaient trois années. Charles Penin, de Moyenvic, bien que né en 1899, se porte volontaire pour être musicien dans les pionniers de la Garde dès 1916 et est incorporé à Graudenz. Il est envoyé ensuite sur le front de l’est près de Kovno. Victor Klein, quant à lui, né en 1896 à Evange près de Breistroff la Grande, est appelé en novembre 1915 pour être incorporé dans la Garde à Berlin, en raison de sa grande taille. Au moment du comptage des partants qui devaient être deux cents, on dénombre 205 recrues. Prétextant des motifs agricoles, il indique que ses parents ont fait une demande pour qu’il soit retardé et il s’adresse à l’officier recruteur. Finalement, avec quatre autres recrues, ils sont dirigés vers une autre caserne où « on demande des soldats pour l’artillerie, enfin tout ce qui n’était pas l’infanterie (il avait perdu un frère tombé en Argonne au Printemps). Alors là, je suis parti comme volontaire vers Königsberg en Ost Preußen ». Joseph Losson, est incorporé le 13 mars 1916, au Grenadier Regiment König Friedrich Wilhelm (2 Ostpreußisches) Nr. 3. Charles Courteaux, né en février 1898 est incorporé en novembre 1916 au Graf Tauentzien Von Vittemberg (3 Brandenburgisches) Infanterie Regiment Nr. 20. Paul Christophe, né en septembre 1899 à Marieulles est appelé à se présenter à Metz en juin 1917, il n’avait pas encore 18 ans. Rassemblé caserne Ney, il fait le trajet à pied vers la gare sous escorte avec d’autres recrues et rejoint Leignitz où il est incorporé au Grenadiere Regiment König Wilhelm I(2 Westpreußiches) Nr 7. Jean Weber de Kanfen, est incorporé en décembre 1916 du côté de Winsdorf, près de Berlin, au Infanterie Regiment 419, un des nombreux régiments créés durant la guerre. Albert Domange, né le 11 novembre 1897 à Saint-Privat la montagne, est incorporé en octobre 1916 au Grenadiere Regiment König Friedrich der Große (3 Ostpreußiches) Nr 4. Albert Domange 2e en partant de la gauche, premier rang- Carte photo d'octobre 1916. Les recrues paraissent très jeunes... Au dos de la carte photo figure le Brief Stempel et son adresse manuscrite : 1 Rekruten Depot du Ersatz Grenadier Regiment Nr 4. Il indique son adresse"Musk. Albert Domange, 1 Rekruten Depot - Grenadier Regt Nr 4 - 3 Zug, II Abt." Enfin, Edouard Hugnet, né en février 1893, avait devancé l’appel et terminait son service au Feld Artillerie Nr 33 de Metz en juillet 1914, pour aller travailler aux usines de Rombas. « Un jour, en revenant de l’atelier, j’ai reçu mon ordre de départ. Nous n’étions au courant de rien et ne savions pas que la guerre était imminente. Je me suis rendu à Metz, j’y ai retrouvé mes copains de régiment avec lesquels nous sommes allés boire un coup. Après plusieurs chopines, nous avons rejoint la caserne, nous avons retrouvé nos compagnies respectives, avons reçu notre uniforme et sommes partis » Pour Paul Christophe, « Un nommé Beauchat de Noisseville rédigea un texte sur un morceau de papier par lequel il expliquait que nous étions un train de Lorrains et que nous profiterions de la première occasion pour déserter » Ce dernier perdit son papier qu’il voulait lancer à des prisonniers français travaillant sur les voies. « Ce papier fut ramassé et parvint au lieutenant d’accompagnement du transport, qui fit enfermer Beauchat dans un compartiment gardé. En arrivant à notre caserne de Leignitz, près de Breslau, en Silésie, nous fûmes rassemblés en cercle dans la grande cour. Un capitaine nous sermonna, et Beauchat fut enfermé neuf semaines » Sa formation comportât quelques brimades d’un sous-officier de garnison, qu’il ne vit d’ailleurs jamais au front. En février 1918, Paul Christophe quitte la garnison pour rejoindre le front français. Jean Weber suit six semaines de formation militaire « Nous dormions dans de grands baraquements construits sur des terrains sableux, il y avait environ dix à quinze AL par compagnie. On le voit bien, les AL étaient considérés comme troupe douteuse et ces soldats étaient répartis dans les compagnies pour éviter de trop les grouper. Pour Albert Domange, les classes sont difficiles : "on nous a emmenés dans un camp de baraques en planches entouré de fils de fer barbelé. Nous sommes restés là six semaines sans sortir en ville et en faisant de l’exercice dans la boue. Le matin, c’était café noir et pain sec, le midi ½ litre de soupe chaude avec 5 ou 6 « colraves » de la grosseur de la moitié d’un poing, 3 ou 4 morceaux de pommes de terre et un morceau de viande comme le pouce, et le soir une fois par semaine des pommes de terre cuites à l’eau et un hareng. J’ai perdu 100 g par jour durant cette période, tellement la nourriture était bonne, les porcs n’en auraient pas voulu." jeunes recrues de retour de l'entraînement en 1917 ou 1918Pierre Grandidier, "la discipline et l'entraînement étaient très durs. La nourriture laissait beaucoup à désirer. Nous étions que quelques lorrains, des Alsaciens, des Berlinois et une partie de Sarrois. Ce mélange se supportait assez bien, mais les Sarrois étaient les moins bien et les plus patriotes. Pendant les premiers mois, nous avions un service dur avec beaucoup d'exercices sur le champ de manœuvres du côté de Spicheren. pour cela, nous avions encore les anciennes tenues de drap bleu, avec des boutons de cuivre à astiquer. Ce qui nous ennuyait le plus c'était les "Revues" (appel) : revues d'armes, de tenues, de chaussures, etc.. On vivait toujours sous tension. La formation terminée, il était procédé à une cérémonie que les Lorrains appréhendaient beaucoup, la prestation du serment militaire au drapeau (Fahneneid) Comme je ne voulais pas faire de faux serment et qu'heureusement on était en groupe, j'ai remué les lèvres sans parler. Au mois d'avril ou mai 1918, je suis allé faire un stage de 15 jours dans un "Sturmkommando" au pays de Baden, à Leiselheim près de Sasbach, en face de Marckolsheim, pour être initié dans l'emploi des différentes grenades, lance-flammes et autres armements" A suivre. Cordialement. P. Lamy
Dernière édition par p.lamy le Ven 29 Mai 2020 - 13:43, édité 2 fois |
| | | Sapigneul51
Nombre de messages : 285 Age : 51 Localisation : Aisne Date d'inscription : 20/10/2011
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mar 26 Mai 2020 - 13:24 | |
| De nombreux A-L ont servis dans les écoutes. Leurs connaissances de l'allemand et de ses patois étaient importantes. On leur changeait leur identité pour éviter toutes représailles si jamais ils étaient capturés par les allemands car ils auraient été considérés comme des traîtres à l'Allemagne. Exemple, le sapeur télégraphiste Pierre Binder, incorporé au 8e Régiment du Génie, prendra le nom de Paul Buisson. |
| | | Sapigneul51
Nombre de messages : 285 Age : 51 Localisation : Aisne Date d'inscription : 20/10/2011
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mar 26 Mai 2020 - 13:31 | |
| Pour ce qui est des "Malgré nous"... Si certains A-L ont été de réels malgré nous, d'autres se sentaient plus allemands que français. Dans certains villages alsaciens, les poilus n'ont pas toujours été bien accueillis et ont été bien plus vu comme des envahisseurs. Ce sera toujours l'éternel problème de la double identité. Les A-L ont été considérés avec méfiance par les allemands tout comme également parfois par les français. De nombreux A-L ont été envoyés sur le front de l'Est par les allemands "par sécurité" pour éviter qu'ils ne se rapprochent trop des français.
Certains déserteurs alsaciens de l'armée allemande ayant trouvé refuge en Suisse seront... livrés aux allemands par la Police suisse. La "neutralité" suisse est une notion parfois élastique... |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mer 27 Mai 2020 - 7:12 | |
| Bonjour à tous.
David, effectivement, on ne peut pas généraliser d'un côté ou de l'autre. Les jeunes recrues durant la guerre n'avaient connu que l'annexion. Si elle avait encore duré quelques décennies, les AL se seraient sans doute sentis plus Allemands que Français. La langue française était encore enseignée dans les zones où elle était Muttersprache, langue maternelle, mais pas ailleurs. Louis Schweitzer n'a pas appris le français à l'école, mais par des cours particuliers par le maître à la demande de ses parents, car il était en zone germanophone. C'est la volonté parentale qui développera en lui des sentiments francophiles, il écrivit à ses parents que si son régiment partait vers la France en août 1914, il profiterait de la première occasion pour déserter. Mais cette pensée n'était évidemment pas celle de tous les AL, qui ne connaissaient que la vie "allemande".
Je sais que cette "double nationalité" de coeur a pu poser des cas de conscience. Albert Domange, quand il apprit qu'il allait partir à l'assaut des lignes françaises au printemps 1918 a été très troublé et en parlait encore en 1990, car il avait des cousins et de la famille côté français,dans les cités industrielles meurthe et mosellanes toutes proches de son village mosellan de St Privat. Les frontières sont une invention administrative et politique, mais qui ne résistent pas aux échanges entre individus, on le voit encore aujourd'hui ou beaucoup de Mosellans ou Alsaciens sont travailleurs frontaliers ou par la généalogie qui montre les mélanges familiaux transfrontaliers dans "les marches de l'est".
La position très particulière des AL durant les deux conflits n'en a pas fini d'ébranler les familles et le plus souvent ces parcours de soldats étaient inconnus des proches, comme un passé maudit qu'il fallait oublier. Le retour à la France c'est traduit par une "francisation" très violente et les Allemands vivant depuis longtemps en AL ont été expulsés sans ménagement par les autorités françaises. Un Allemand (natif) marié à une française (lorraine ou alsacienne), c'est leurs enfants qui en subiront les effets jusqu'en 39-40 avec dans certains cas des internements ou des enrôlements dans des unités de "travailleurs étrangers". C'est une histoire très compliquée faite de beaucoup de drames familiaux...Et cela suscite des débats encore aujourd'hui.
Je passe cette parenthèse pour revenir à l'histoire cette soirée.
Cordialement. P. Lamy P. Lamy |
| | | CLOVIS 57
Nombre de messages : 15193 Age : 69 Localisation : Reichsland Date d'inscription : 24/09/2010
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mer 27 Mai 2020 - 7:54 | |
| Petit aparté, dans ce patriotisme "partagé", en Alsace ou en Lorraine annexée. Il faut intégrer l'histoire des Huguenots et des Camisards, chassés de France et recueillis par les protestants germains lors de la révocation de l’édit Nantes vers 1700. Que se soit lors de la première annexion, ou lors de la deuxième, les protestants Alsaciens étaient plutôt d'obédience teutonique et les catholiques, d'obédience patriotique gallo-romaine. |
| | | p.lamy
Nombre de messages : 2159 Age : 62 Localisation : 57 Date d'inscription : 07/03/2008
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mer 27 Mai 2020 - 9:10 | |
| Bonjour,
merci Clovis de cette précision, en fait les racines culturelles plongent très loin dans le temps, et c'est vrai que la Moselle romane est de forte influence catholique, j'y reviendrai par le récit de Pierre Grandidier. La religion est bien délaissée aujourd'hui, mais avait une place de première importance en AL, de plus le clergé en Moselle formait un contre-pouvoir, et dès août 1914, de nombreux curés francophiles ont été internés dans la forteresse allemande d'Erbenbreistein. L'influence catholique était par exemple moins marquée en France avec le sud-ouest qui était très "socialiste". Les curés étaient un des deux personnages importants du village, avec le maire, et leur influence sur les individus était très grande, les rythmes religieux interdisant même les travaux agricoles certains jours. Particularité, le pays de Bitche, à la limité autrefois du duché de Lorraine qui avait jusqu'en 1939 une très forte influence catholique, car entouré de régions protestantes en Alsace et Saar-Pfalz.
A noter aussi la forte proportion de patronymes à consonance française en Allemagne près des frontières françaises, suite à l'émigration des Huguenots après la révocation de l'Edit de Nantes. En fait les régions frontalières sont les véritables éponges de l'histoire, avec des mouvements de population liés au changements politiques et religieux des différents pays limitrophes...Et cela pendant des siècles.
Cordialement. P. Lamy
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| | | CLOVIS 57
Nombre de messages : 15193 Age : 69 Localisation : Reichsland Date d'inscription : 24/09/2010
| Sujet: Re: Les Alsaciens-Lorrains en 14-18, Malgré-Nous ? Mer 27 Mai 2020 - 9:22 | |
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