Quelques raretés de l'armement français de la Grande Guerre

Bonsoir,

L'armement d'appoint a fait figurer quelques raretés dans l'armement français de la Grande Guerre. Plusieurs phases du conflit ont vu l'introduction d'armes achetées à l'étranger:

-dès l'automne 1914, la France (comme la Grande-Bretagne) achète à l'étranger des quantités variables mais assez faibles d'armes longues tant pour compléter les dotations de troupes de seconde ligne que pour interdire à l’ennemi d'effectuer des achats similaires. Ces achats sont surtout effectués aux États-Unis et au Japon et concernent des armes immédiatement disponibles.

-au printemps 1915, les achats concernent beaucoup d'armes de poing à fabriquer et des marchés importants sont alors signés avec l'Espagne et les Etats-Unis. De même, des armes longues sont commandées en quantité importante aux USA.

-pendant toute la guerre, des petits marchés complémentaires sont passés aux USA pour des armes destinées surtout à l'aviation.

-enfin depuis 1914, des marchés importants de fourniture de mitrailleuses sont passés aux USA (mitrailleuse Colt), en Grande-Bretagne et au Canada (mitrailleuses Vickers et Lewis d'aviation) et au Danemark (mitrailleuse légère Madsen).

Je commence donc à publier des documents et photographies datant de la Grande Guerre pour illustrer quelques raretés de cet armement d'appoint.

Pour commencer, quelques armes de poing:

-à tout seigneur, tout honneur, le pistolet automatique Colt modèle 1911 dit en France à cette époque de "11,25 mm". Les premiers modèles arrivent dès 1915 et sont attribués prioritairement à l'aviation. On lit souvent que ces armes sont destinées à l'Artillerie Spéciale mais c'est bien l'aviation qui en a reçu le plus grand nombre, PA livrés en petits lots de 1915 à 1918:
-la couverture de l'Instruction du 27 août 1915:



-une photographie d'une table d'armuriers d'aviation, on y voit, outre une mitrailleuse allemande, un jumelage de Lewis d'aviation, une mitrailleuse Vickers, une carabine Winchester "automatique" en 351 Winchester SL (Self Loading), un pistolet automatique type "Ruby" en 7,65 mm et un pistolet automatique Colt modèle 1911 de calibre 45 Colt dit alors de "11,25 mm":



Si ce sujet intéresse, je continuerai par quelques modèles de la "quincaillerie" espagnole de 1915 avant d'aborder les armes longues.
Cordialement,
Guy François.

Salut Guy,
Oui toujours intéressant comme sujet
A+

Bonsoir Guy. L'armement a ses adeptes dont je fais partie. Merci.  Alain

Bonsoir,
Un sujet très intéressant comme à votre habitude.

Hâte de lire la suite !

Merci et bonne soirée.
Bien cordialement.

Bonsoir,

Je passe rapidement sur les pistolets automatiques espagnols dont la variété des modèles fait la joie des collectionneurs. Dès la fin de 1914, les premiers modèles achetés sont mis en service, les grands marchés du printemps suivant aboutiront à la livraison jusqu'en 1918 de plus de 1.000.000 de ces pistolets de calibre 7,65 mm dont la qualité est variable en fonction des constructeurs.

Les premiers modèles font l'objet d'une Instruction spéciale puis, en janvier 1916, une Instruction définitive regroupera tous ces modèles espagnols en les classant en deux catégories seulement, le type Ruby (appellation générique regroupant tous les modèles de ce type) et le modèle Star.
Deux exemples des premières instructions:

-le modèle "Destroyer", Instruction d'avril 1915:






-le modèle Astra, Instruction du 24 décembre 1915:






-le type Ruby, illustré dans l'Instruction du 20 janvier 1916:





Les photographies de ces armes en service se rencontrent le plus souvent au sein des unités franches: Corps Franc de 1915 à 1917, Grenadiers d'élite en 1917-1918, ces derniers existant partout mais masquant en fait dans certaines unités les anciens "Corps Francs" dont le nouveau généralissime, le général Pétain, a supprimé officiellement l'existence en 1917.

Ici, une photographie assez précoce de 1915 montre quelques membres d'un "Corps Franc Divisionnaire" (ainsi désigné au dos de la photographie) malheureusement non formellement identifié. Ces gaillards portent des couteaux à cran d'arrêt et montrent avec ostentation leurs pistolets "genre Ruby". Les deux étoiles ornant la Croix de Guerre du gradé prouvent qu'il ne s'agit pas de quelconques tartarins de caserne:



Dans ce sujet, je termine provisoirement les pistolets automatiques espagnols. Je reviendrai plus tard sur les pistolets américains Savage et les revolvers Colt New Service ainsi que sur les revolvers "92 espagnols" car je me limite dans ce sujet aux seuls documents contemporains de la Grande Guerre et ceux-ci sont rares ainsi que les photographies d'époque! Donc, concernant les pistolets automatiques Star, ils constituent assurément les meilleurs exemples de la fabrication espagnole de qualité.

Il en existe deux variantes principales avec canon court et long. Avec leur faux-air de "Mannlicher", ils avaient tout pour séduire les officiers. En effet, au tournant du siècle le pistolet automatique Mannlicher, merveilleusement fabriqué, avait la faveur des officiers français et la Section Technique de l'Artillerie en conseillait même l'adoption. Il ne pouvait alors être question d'acheter autre chose que du matériel "français" face à "l'ennemi qui nous regarde" mais la production française en ce domaine du pistolet automatique souffrait vraiment d'un manque d'imagination au regard de celle des belges, allemands, autrichiens et américains!

En tout état de cause, la production du Star de 1915 à 1918 est de l'ordre de 26.000 unités. Beaucoup d'officiers d'artillerie l'ont utilisé (la gestion et la production des armes légères est du domaine de l'Artillerie!) mais on le trouve aussi dans les autres armes et, après la guerre, dans la Gendarmerie.

Voici deux schémas tirés de l'Instruction du 20 janvier 1916 précitée:



Avant d'étudier les grands marchés d'armes longues, je mentionne aussi pour mémoire le marché japonais, signé dès août 1914 auprès de cet allié, plus préoccupé de conquérir les bases allemandes d'Extrême-Orient que de participer à la guerre sur le front occidental...

A la fin août 1914, des missions françaises présentes aux USA et au Japon commandent des armes longues immédiatement disponibles, ces achats concernent 27.000 fusils aux USA (nous y reviendrons) et 50.000 au Japon. Les anglais agissent de même à cette époque.
Les japonais nous proposent donc 50.000 fusils d'infanterie Arisaka du modèle 38 (de l'ère Meiji) ce qui correspond au "modèle 1905", fusil chambré en 6,5 mm japonais. Ces fusils sont rapidement chargés sur un cargo et doivent débarquer à Bordeaux où les services de l'artillerie sont chargés de les réceptionner.

Pendant ce transport, les événements ont progressé, le Gouvernement et les grands services du Ministère de la Guerre ont quitté Paris, menacé d'un siège, pour gagner Bordeaux.
La Direction de l'Artillerie fait imprimer hâtivement à Bordeaux une Instruction sur le fusil japonais modèle 1905 destinée à accompagner les armes livrées aux Corps de Troupe.

Cette Instruction a manifestement été rédigée dans la hâte par des officiers d'artillerie, débordés par de multiples problèmes en ces tragiques semaines d'août à octobre 1914, loin de leur documentation habituelle.
On y trouve une superbe faute d'orthographe dans le titre "fusil japonnais"! Pareille faute serait inimaginable en temps de paix (et même plus tard au cours de la guerre) où le moindre écrit soumis à la signature du Ministre ou du Directeur de l'Artillerie est lu et relu par au moins une demi-douzaine d'officiers différents.

Cette Instruction est rarissime car, au début novembre 1914, une conférence franco-anglaise sur les besoins des Armées alliées montre que nos alliés britanniques, qui envisagent de mettre sur pied une grande Armée, sont encore plus dépourvus que nous en matière d'armement d'infanterie. Dans ces conditions, la France cède à la Grande-Bretagne ses 50.000 fusils Arisaka qui armeront alors des recrues de la "nouvelle" Armée en formation et peut-être aussi quelques unités combattantes. La question de savoir si ces fusils ont débarqué à Bordeaux ou si le navire les transportant a été redirigé en mer vers un port britannique n'est pas résolue (à ce jour du moins!).

Voici la couverture de l'Instruction et la planche illustrant la description du fusil Arisaka modèle 1905:





Dans le prochain sujet, nous "attaquerons" du plus concret: les fusils divers produits pour nous par Remington.

Cordialement,
Guy François.

Sujet très passionnant
Merci du travail accompli en attendant la suite.
Bravo

Bonsoir,

En 1914, comme en 1870, la France se tourne vers un des plus gros constructeur d'armes individuelles des USA, la Société Remington, pour commander des fusils et carabines d'appoint.

En effet, en 1870, Remington a livré à la France d'abord des armes immédiatement disponibles (3.680 fusils Remington Rolling Block chambrés en 433 Espagnol) et de surplus (16.275 Springfield transformés Remington en 50/70, 19.120 Sprinfield transformés Remington en calibre 58 et 20.016 carabines Remington n° 1 et n° 2). Mais ce sont surtout les fusils Remington Rolling Block en 44 Egyptien qui jouent le plus grand rôle. D'abord acquis sur des exemplaires disponibles à livrer au gouvernement égyptien, ce fusil, assurément le meilleur de la guerre franco-prussienne, est construit en 1870-71 à grande cadence pour la France qui en reçoit pas moins de 109.100 exemplaires. Plusieurs milliers de ces fusils arrivent après les hostilités mais ils arment avant l'armistice de 1871 des unités entières de la 2e Armée de la Loire et de l'Armée du Nord. Ces armes très appréciées demeurent en service dans l'Armée française jusqu'à l'aube des années 1880.

Tout naturellement, en août 1914, la mission française d'achat d'armes se tourne vers Remington qui fournit d'abord des armes immédiatement disponibles avant de recevoir un grand marché de Remington Rolling Block chambrés en 8 mm Lebel. Ce type de fusil était toujours construit en très grande série avant la guerre de 1914 soit pour armer des pays "pauvres" d'Amérique centrale, d'Afrique et d'Asie, soit pour constituer l'armement de troupes de seconde ligne ou d'étapes de grandes armées d'Amérique centrale ou du Sud où le Remington Rolling Block est le plus souvent chambré en calibre 7 mm Mauser.

Dans ces conditions, Remington a fourni à la France:

-1: des carabines Remington en 7 mm Mauser en assez faible quantités (de l'ordre de 2 ou 3.000 exemplaires). La seule quantité exacte relevée est un lot de 796 carabines Remington en 7 mm débarqué à Bordeaux fin 1914, lot maintenu au Parc Annexe de Bordeaux et envoyé le 5 mai 1915 au Parc d'Artillerie de Vincennes pour armer des unités d'artillerie et des chauffeurs du Service Automobile:





Voici un chauffeur de camion, "Tringlot" de la TM-212, armé de cette carabine en 1915:




-2: des fusils Remington Rolling Block en 7 mm Mauser en quantités modestes de l'ordre de 2 à 3.000 exemplaires. Ces armes équipent surtout des escadrons du Train et des chauffeurs du Service Automobile:



Ici, des alpins appartenant au 14e Escadron du Train sont armés de fusils Remington dans le secteur des Vosges:




-3: des carabines Lee-Remington, provenant d'un lot destiné à Cuba, chambrées en calibre 30-40 Krag. Ces armes au nombre de 1.152 exemplaires ont d'abord subi l'effacement des inscriptions cubaines au sein des usines Remington et ont été envoyées à Bordeaux. En mai 1915, le lot entier de ces carabines est envoyé au Parc de Vincennes pour armer des sections de transport du Service Automobile.

Une double curiosité est à noter, la France désigne ce modèle comme modèle "Lée-Remington" (avec accent), le "Lee" américain est alors imprononçable pour un gosier français, d'autre part, l'artillerie a donné à ce modèle l'appellation de "modèle 1887". Cette dernière erreur provient de l'examen d'un brevet mentionné en gravure sur l'arme (brevet de 1887) car, aux USA et à Cuba, ce modèle est connu comme modèle 1899 ce qui correspond bien au type et au calibre de cette carabine:





Sur cette photographie de la Section TM-212, un chauffeur de camion pose armé de sa carabine Lee-Remington:





(à suivre pour le Remington modèle 1914).

Cordialement,
Guy François.

bonjour, ces manuels et ces photos sont des raretés, j'ai une belle panoplie de notices et manuels mais je n'ai jamais croisé ceux-ci!
merci pour ce post

Bonjour Guy,

il n'y a vraiment rien à dire : quand vous participez à un sujet ou bien quand on vous pose une question, vous êtes vraiment précis et passionnant.

Merci beaucoup pour ce sujet qui nous en apprend beaucoup.

Daneck

Bonjour,

Voilà un sujet fort intéressant, et comme je les aime. Documents, et photos de Poilus avec armement, que je ne n'avais jamais vu auparavant. Dorénavant, je ferai plus attention, et j'observerai plus encore les photos dans le détail lors de mes futurs sorties.

Merci de partager ceux là.

Yves

Bonsoir,

on apprend tous les jours sur ce forum : merci pour le partage de ces informations.
Cordialement

Bonjour,
Merci pour ces informations très intéressantes !
J'aurai une question : le pistolet 7,65 Destroyer est-il le même que le Euby ?
Bertrand

Bonsoir,

Concernant le pistolet "Destroyer", objet de la notice publiée, il est de même principe que le "Ruby" (copie simplifiée de Browning) mais le modèle illustré est plus petit (bien que chambré en 7,65 mm), une autre version du "Destroyer" est plus proche du Ruby, la variété des PA espagnols est infinie!

Je poursuis sur les productions Remington pour la France.

-4: Fusil Remington modèle 1914, chambré pour la cartouche modèle 1886 D (a.m) Lebel:

Le 19 novembre 1914, la mission française aux USA passe avec la "Remington Arms Union Metallic Cartridge Company" d'Ilion une commande de 100.000 fusils Remington type Rolling Block chambrés en 8 mm Lebel à livrer dans un délai d'un an. Malgré la puissance de production des usines Remington, ce marché va prendre du retard:

-2 mars 1915: envoi du 1er lot de fusils Remington modèle 1914 en 8 mm.
-1er juin 1915: 5.680 seulement sont livrés.
-25 juillet 1915: 12.480 livrés.
-1er novembre 1915: 34.819 livrés (le marché devrait être honoré à cette date).
-1er mars 1916: 55.518 livrés.
-1er mai 1916: 61.118 livrés.
-1er août 1916: 97.118 livrés.
-1er septembre 1916: marché honoré avec la livraison de 100.291 fusils.

D'abord stockés en Réserve Ministérielle, la distribution des fusils aux unités ne commence qu'en février 1916.
La majorité des fusils Remington en 8 mm a été attribuée à l'Artillerie Lourde, à l'Artillerie Lourde à Grande Puissance et à l'Artillerie de Défense Contre-Aéronefs toutes ces subdivisions de l'artillerie étant en croissance considérable en 1916. Les Sections de Commis et Ouvriers Militaires d'Administration (SCOA) de l'Intendance en ont aussi perçus, ainsi la 6e Section COA en reçoit 599 en 1916 à Verdun.
Quelques Sections de Chemin de Fer de Campagne ont commencé à percevoir ce fusil mais en janvier 1917, les approvisionnements en fusils Remington sont sur le point d'être épuisés. Dans ces conditions, les nouvelles unités d'Artillerie Lourde formées en 1917 perçoivent alors provisoirement des fusils modèle 1907-15 (car la production des mousquetons est encore insuffisante et ne deviendra suffisante qu'en 1918) et les nouvelles SCOA et SCFC doivent se contenter de recevoir des armes modèle 1874.

Quelques documents d'époque:

-Instruction du 10 mai 1915 sur les fusils Remington de 7 mm et 8 mm:





-Recrues du 108e R.A.L en formation, tous sont équipés du fusil Remington modèle 1914:



-Artilleurs du Groupe A du 284e Régiment d'Artillerie Lourde à Tracteurs (R.A.L.T), la fourragère indique un cliché postérieur au 1er mars 1919 mais l'indication "Groupe A" (structure provisoire d'organisation) date le cliché de 1919. A noter qu'un artilleur est équipé du Remington et qu'un autre a reçu en 1917 un fusil 07-15 (car en 1918, l'A.L reçoit de nouveau des mousquetons):



-cette photographie tardive (vers 1925, à coup sûr après le 1er janvier 1924, date de création du régiment), montre des recrues du 405e R.A.D.C.A tous équipés du fusil Remington. Après la guerre, l'artillerie de D.C.A est la seule subdivision de l'artillerie à avoir conservé assez longtemps le fusil Remington en 8 mm (j'ai encore une photo de 1931!):



-5: Fusil Remington du modèle français 1907-15:

La France passe à Remington un marché de 250.000 fusils modèle 1907-15 le 27 mars 1915 (signé le 2 avril 1915) prévoyant la production de 1.000 fusils par jour à compter de novembre 1915.
Ce contrat est violemment combattu au Parlement, surtout à la Commission du Sénat, qui s'étonne du prix très élevé des fusils à 168,35 francs l'unité et les 1.000 cartouches à 207,20 francs. Les Sénateurs remarquent qu'au même moment, "on" a marchandé âprement le contrat pour le même fusil à la firme française Delaunay-Belleville dont le marché prévoit le prix de 125 francs l'unité (à peine plus cher que les fusils 07-15 produits dans les Manufactures d'Armes françaises!).

Ce contrat se déroule mal, les premiers fusils ne sont présentés qu'en mars 1916 et 2.000 fusils seulement arrivent en juin 1916 alors que 40.000 auraient dû être déjà produits! On en compte que 3.000 en septembre 1916 et le marché est résilié ce même mois. Il semble que les contrôleurs français d'artillerie aient presque systématiquement rejeté les fusils produits au prétexte que toutes les pièces n'étaient pas interchangeables avec celles produites en France. La société Remington a-t-elle été confrontée à des normes métriques particulièrement étroites et difficiles à maîtriser ou les contrôleurs ont-ils fait du zèle pour faire capoter ce marché ruineux pour nos finances? La réponse à cette énigme n'est pas évidente mais il faut aussi remarquer qu'à l'été 1916, la crise des fusils est surmontée car nos manufactures ont fourni un effort de production considérable, notamment pour la production du fusil modèle 07-15...

Faute d'une improbable photographie d'un 07-15 Remington identifié à coup sûr, j'illustre ce paragraphe par une photographie d'un soldat des Brigades russes en France auxquelles ont été versés à leur arrivée 27.000 fusils modèle 1907-15 "made in France"!



-6: Pour en terminer avec Remington, il faut noter que la mission d'achat aux USA a raflé une petite quantité de carabines Remington du commerce en calibres 32 et 35 Remington. Ces carabines "automatiques", on dirait de nos jours "semi-automatiques", ont été données à l'aviation. Leur carrière a été brève car l'aviation a peu à peu "standardisé" son parc de carabines automatiques en ne conservant que la Winchester en 351 SL. Les carabines Remington ont alors servi à l'instruction mais leur nombre a été faible (quelques dizaines, peut-être une ou deux centaines, sans certitude). Je n'ai pas trouvé de photographies d'époque ni d'Instruction officielle relatives à ces rares carabines.

(à suivre pour Winchester!).
Cordialement,
Guy François.

Bonjour
Merci pour la réponse et pour le complément d'informations.
Bertrand

Bonsoir,

La firme Winchester a été consultée par la mission d'achat française dès le mois d'août 1914 et, le 20 septembre 1914, un marché de carabines Winchester 94 en calibre 30 WCF (plus connu sous l'appellation de "30-30") est signé pour la fourniture de 15.100 carabines. Ces armes du commerce sont modifiées, à la demande de l'Armée française, par l'adjonction d'une hausse réglable (graduée en mètres jusqu'à 1.000 m) et de battants de crosse permettant le port de l'arme en bandoulière.

En France, la carabine Winchester 94 reçoit l'appellation réglementaire de "Mousqueton Winchester". Ces mousquetons sont livrés par l'intermédiaire de la société Remington qui les met en caisse et les livre à Bordeaux où le Parc annexe de Bordeaux les prend en compte et les livre aux Parcs d'Artillerie désignés par le Ministre de la Guerre pour affectation à des unités en formation.

La première affectation de "Mousquetons" Winchester est prononcée en avril 1915 et concerne 3.400 armes destinées aux unités de la voie de 0,60 m (Compagnies d'Exploitation des chemins de fer à voie de 0,60 m gérées par l'Artillerie). Plus logiquement, l'Artillerie désigne bientôt ses unités de la voie de 0,60 m sous le vocable de "Batteries" (en remplacement de l'appellation initiale de "Compagnies") et les 3.400 premiers mousquetons Winchester sont donc affectés à compter d'avril 1915 à des batteries spécialisées de Régiments d'Artillerie à Pied, surtout du 10e R.A.P.
Un mois plus tard, 1.000 mousquetons Winchester sont encore envoyés au Parc d'Artillerie de Vincennes pour armer des batteries de voie de 0,60 m en formation à l’École de la voie de 0,60 m de Jouy-en-Josas.

Ensuite, les mousquetons Winchester seront surtout affectés à des unités du Train et constituent l'armement de nombreuses Sections TM. Des petites quantités vont aussi à l'aviation et à l'aérostation mais sont surtout des armes affectées aux chauffeurs de véhicules. En effet, les chauffeurs reçoivent leur armement là où ils sont formés, surtout en région parisienne. Aussi si certaines unités reçoivent un armement homogène avec une affectation "en bloc" de personnels, d'autres reçoivent des personnels complémentaires qui arrivent avec leur armement perçu là où ils ont été formés. Cette situation n'est pas grave concernant des personnels n'ayant pas, en principe, à rencontrer l'ennemi.
Chaque personnel reçoit une arme avec 100 cartouches (et parfois 40 seulement), le recomplétement des cartouches de calibres "rares" n'étant pas évident ni simple.
Ceci explique aussi que sur une seule photographie de personnels de la Section TM-212 où l'on distingue avec netteté les armes de 14 militaires, on recense: 5 carabines de cavalerie modèle 1874 Gras, 3 carabines de Gendarmerie à Pied modèle 1874 Gras, 4 carabines Lee-Remington, 1 carabine 7 mm Remington et 1 mousqueton Winchester! Par contre, sur une autre photographie d'une Section TM, malheureusement non déterminée, on ne distingue que des mousquetons Winchester (au moins 11)!

Quelques documents:

-Instruction du 30 Avril 1915 concernant le mousqueton Winchester:





-Une belle photographie d'un artilleur prise lors de l'offensive des Flandres d'août 1917. Cette photographie appartient à un lot montrant une unité d'Artillerie Lourde à Grande Puissance armée de 240 modèle 1916 Saint-Chamond. Les matériels gagnent leur emplacement de tir par la voie de 0,60 m et il est possible que cet artilleur appartienne à une batterie spécialisée "voie de 0,60 m".

Cette photographie, souvent "piratée", a été diffusée à très grande échelle puisque j'ai autorisé un ami américain à la publier pour illustrer un petit article paru dans la Revue de la NRA (tirage entre 1 ou 2 millions d'exemplaires, parfois même davantage!):



-une photo de la Section TM-212 montrant un porteur de "mousqueton Winchester":



-une autre photographie d'une Section TM non identifiée où les personnels semblent uniformément équipés du mousqueton Winchester:



A noter qu'en janvier 1918, 9.690 mousquetons Winchester sont en service au sein des Armées françaises. Les autres exemplaires doivent être en réserve ministérielle car les pertes n'ont pu être que négligeables compte-tenu de la nature du service des unités ayant cette arme en dotation. On ne peut exclure une affectation par le ministre de la Guerre de lots de mousquetons Winchester à des Armées alliées mais aucune archive n'a été trouvée à ce sujet.

(à suivre pour un court sujet sur les carabines "automatiques" Winchester d'aviation).
Cordialement,
Guy François.

Bonjour et merci pour la communication notamment des rares photos de votre collection! pas facile à trouver!

Bonjour

Un grand bravo pour la qualité des photos présentées...de plus je ne connaissais pas l utilisation de la carabine Lee Remington 1887.

Un grand bravo

Bonsoir,

Merci pour vos commentaires!

Voici une autre carabine Lee-Remington, toujours à la Section TM-212. A noter que son camarade a hérité, lui, d'une carabine de Gendarmerie à Pied modèle 1874:



Concernant les commandes à Winchester, il convient de noter les importantes livraisons de carabines "automatiques" (on dirait de nos jours "semi-automatiques") des calibres 351 SL et 401 SL ("Self Loading").
Les quantités les plus importantes concernent la Winchester 351 SL model 1907, arme très moderne qui annonce avec plus de trente ans d'avance la légendaire "carabine US M1".

Dès août-septembre 1914, les carabines automatiques Winchester arrivent à l'aviation du Camp Retranché de Paris car le président du syndicat des armuriers de Paris livre sur réquisition 37 carabines automatiques Winchester (et un pistolet Mauser avec crosse) au C.E Charet, commandant l'aviation du C.R.P.
Ensuite, les missions d'achat commanderont à Winchester plusieurs centaines de ces carabines en 351 SL et 401 SL. En 1916, le nombre devenu suffisant des carabines en calibre 351 SL fait mettre en réserve et à l'instruction les carabines en 401 SL. En 1918, le nombre des carabines automatiques de l'aviation est de 3.119 exemplaires, soit une quantité nettement supérieure aux chiffres circulant ça et là depuis plus de 40 ans.

La carabine Winchester est attribuée aux équipages des avions bi ou tri-places pour servir d'arme de secours en cas d'enrayage de la (ou des) mitrailleuse(s) de bord.On la trouve aussi dans la nacelle des aérostiers et il existe au moins une relation d'un combat où l'observateur d'un ballon français vide son chargeur sur un avion allemand le mitraillant ce qui implique un beau courage, heureusement les mitrailleuses du sol règlent le compte de l'assaillant.
Cette carabine demeure en service après la guerre, on la trouve même en service au Levant dans les unités d'intervention rapides du désert syrien où les équipages des automitrailleuses légères du désert (A.M.L.D) circulent dans de puissantes automobiles Chenard et Walcker, équipées chacune de 2 FM modèle 1924 (puis mle 1924-29) et d'une carabine automatique Winchester (en plus de mousquetons) pour traquer les pillards de tribus insoumises.
Je n'ai malheureusement pas trouvé l'Instruction relative à cette arme et ne peux l'illustrer qu'avec peu de documents originaux:

-un document où un soldat allemand présente la carabine Winchester 351 SL d'un avion français biplace abattu:



-le schéma d'une cartouche de 351 SL tiré d'un "Cours supérieur des munitions" de l'Ecole Centrale de Pyrotechnie de Bourges (on notera que la date inscrite au culot est une "coquille" du texte):



-une inscription de boîte de munitions de fabrication française tirée du même Cours de l'ECP (d'autres munitions viennent directement des achats aux USA):



L'étude continuera avec des armes automatiques "rares".
Cordialement,
Guy François.

Très bon sujet. Merci.

Je m'interroge sur le pistolet type Astra. C'est quel modèle exactement? merci

Laurent

Guy-François, sujet très intéressant. Nous eûmes la même démarche en 1870, mais plutôt avec les U.S.A ou les British.

majkejevrosime a écrit:

Très bon sujet.Je m'interroge sur le pistolet type Astra. C'est quel modèle exactement? merci

Faut-pas, y'qu'a d'mander...
ASTRA-Star 1914.
https://www.youtube.com/watch?v=m5GmBMHhdfw
https://fr.wikipedia.org/wiki/Star_mod%C3%A8le_1914

Bonsoir,

Concernant la question de Laurent, l'Instruction du 24 décembre 1915 décrit les pistolets Astra de modèle "Browning simplifié", c'est à dire des modèles qui seront désignés peu après "pistolet automatique genre Ruby" dans la grande instruction du 20 janvier 1916 qui remplace toutres les instructiions précédentes concernant les PA espagnols calibre 7,65 mm.

Les pistolets Astra de 7,65 mm sont de loin les meilleurs pistolets genre Ruby fournis par l'Espagne car cette société est justement réputée. Les Astra de 7,65 mm sont de deux modèles (à chargeur de 7 ou 9 coups, longueur de canon plus courte pour le 7 coups). Certes la qualité de fabrication n'est pas comparable à des modèles américains ou belges mais les pistolets d'un même lot ont des pièces interchangeables ce qui n'est pas toujours le cas pour les "petits producteurs" espagnols de PA genre Ruby.

Les premières armes livrées ont fait l'objet d'instructions particulières précoces, ainsi l'Instruction du PA "Destroyer" date d'avril 1915, donc avant la signature des grands marchés espagnols.

Les armes de poing espagnoles et américaines ont d'abord été achetées par petits lots en fonction des disponibilités des fabricants. Ces premières armes proviennent de stocks disponibles de "grands" fabricants espagnols et américains et sont donc de bonne qualité commerciale:

-la première trace que j'ai relevée est un lot de 180 revolvers espagnols livrés au Parc Auxiliaire de Place de Bayonne en décembre 1914. La marque n'est pas indiquée mais il est précisé que ces revolvers sont chambrés pour notre cartouche de 8 mm 1892. Il ne s'agit pas encore à cette date des grands marchés de revolvers type "92 espagnols" dont nous reparlerons et qui ont été livrés bien plus tard.

-de même, le 17 février 1915, le Parc d'Artillerie de Vincennes indique qu'il propose aux officiers des "revolvers Colt" au prix de 47,50 francs (les officiers s'équipent eux-même après avoir reçu leur allocation de "première mise"). Il s'agit en fait d'un lot de 100 revolvers Colt "New Service" en calibre 38. Nos ancêtres étaient des connaisseurs, plus de 1.000 officiers demandent à acquérir ce modèle de Colt à la surprise des "administratifs" qui n'avaient pas précisé le volume des disponibilités et qui doivent expliquer en hâte que ce "revolver" n'est pas un pistolet automatique et qu'il est de même nature que le revolver 1892!

-en juin 1915, 5.000 pistolets automatiques Chobert sont livrés aux Parcs d'Artillerie de Vincennes et Versailles en provenance de Bayonne.Il s'agit d'un marché spécial négocié entre Mr Chobert et la Section Technique de l'Artillerie. Les essais de nombreux pistolets sont défectueux et ces pistolets ne seront distribués qu'en août 1915. Ces pistolets proviennent probablement de plusieurs fournisseurs espagnols.

Pour résumer, les PA de 7,65 et autres armes de poing commandés avant le printemps 1915 arrivent par petits lots délivrés aux Parcs d'Artillerie pour alimenter les demandes des unités existantes ou à créer. A partir du deuxième semestre 1915, les armes espagnoles arriveront par grandes quantités, toutes transitent par le P.A.P de Bayonne qui prononce la recette des lots et attribue les armes aux Parcs d'Artillerie sur ordre ministériel en fonction des besoins exprimés par les Régions et le C.R.P auprès du Ministre de la Guerre.

La période de la fin 1914 au premier semestre 1915 demeure mal connue, c'est la plus intéressante car c'est à cette époque qu'ont été livrées les armes les plus rares et qu'ont été éditées des Instructions pour des modèles d'armes venues d'ailleurs. Je publierai en fin d'étude quelques pages de l'Instruction réglementaire du Colt New Service manifestement inspirée d'une notice du constructeur Colt. La quantité totale de ces revolvers Colt calibre 38 a été assez faible.

En complément, je publie aussi l'introduction de l'Instruction du 20 janvier 1916 qui précise bien les appellations des autres principaux  modèles de PA type Rubis, dont plusieurs avaient fait l'objet d'Instructions particulières en 1915 (notamment le "Destroyer" et le "genre Astra"):



Cordialement,
Guy François.

Ce sujet est très intéressant! Merci énormément du partage!

J'ai pour ma part vu cette photo de l'utilisation des petites carabines winchester semi-auto:



Vu ailleurs, ce Français avec un Colt 1911



Est-ce que quelqu'un à des infos sur la commande des pistolets Savage 1907?

Le scan (complet?) du livret sur l'Arisaka type 38:

FANTASTIQUE !!!!!
je connaissais pour 1870/71 mais je n'imaginais pas que les français avaient utilisé tous ces armements étranger en 14-18...

reg a écrit:

FANTASTIQUE !!!!!

Oui en effet, dommage que ça ne passionne pas plus les foules que cela...

A ma connaissance, la liste est la suivante:
-Pistolet Colt 1911 en 45acp
-Pistolet type Ruby en 7,65br
-Revolver espagnol copie S&W Military & Police en 8mm
-Revolver espagnol copie Colt (j'ai un trou de mémoire sur le modèle) en 8mm
-Pistolet Star 1914 version dite "de troupe" (canon de 14cm, 9 coups) en 7,65br
-Pistolet Star 1914 version dite "d'officier" (canon de 12cm, 7 coups) en 7,65br
-Pistolet Savage 1907 en 7,65br

-fusil Remington Rolling-block en 7mm
-carabine Remington Rolling-block en 7mm
-fusil Remington Rolling-block en 8mm Lebel
-Remington a aussi fait des fusil Berthier 07-15 mais la qualité laissait à désirer et je ne crois pas que l'AF les ait réceptionnés
-Winchester 1894 en 30-30
-carabine semi-automatiques Winchester 1905 en 32SL
-carabine semi-automatiques Winchester 1907 en 351SL
-carabine semi-automatiques Winchester 1910 en 401SL
-carabine lee-remington en 30-40krag

-FM Madsen (il y a eu pas mal de tests de ces armes, même après guerre, mais jamais adoptée officiellement)
-FM Lewis pour l'aviation
-Mitrailleuse Colt, mais plus pour l'entrainement dans les camps

J'en oubli sûrement....

Bonsoir,

A rajouter à la liste des armes utilisées en quantités substantielles par l'Armée française:

-Colt New Service, calibre 38, de fabrication américaine (il existe une instruction officielle française).

-les armes allemandes de prise: fusils modèles 1888 et 1898, mitrailleuse MG-08, ces armes apparaissent dans l'Instruction sur l'Armement en service..

-quant à la mitrailleuse Colt, livrée à la France à 1001 exemplaires, elle est employée en quantité dans l'aviation: armement de quelques avions mais surtout emploi par les Sections de mitrailleuses chargées de la défense des ballons captifs.

-pour ce qui est des fusils 07-15 fabriqués par Remington, la qualité de fabrication est bonne mais certaines petites pièces ne sont pas rigoureusement interchangeables avec les pièces françaises. Les officiers d'artillerie chargés du contrôle n'ont pas procédé à l'acceptation en recette pour ces motifs. Mais la vraie explication est qu'ils avaient reçu la consigne "officieuse" de rejeter ces armes pour les raisons suivantes:
-Remington a pris beaucoup de retard dans la réalisation de ce marché. Quand la production allait devenir enfin notable, la France ne souffrait plus de la crainte d'un déficit de fusils car la production de nos manufactures était devenue suffisante.
-la principale raison est surtout que le prix demandé par Remington était de beaucoup supérieur au prix de revient dans nos manufactures d'autant que le cours du change nous était très défavorable.

Cordialement,
Guy François.