La chope de bière « fût » au réserviste de l’armée impériale allemande ce que
la quille était pour l’appelé
du contingent français.
Chope et quille marquaient
la fin de l’accomplissement
du service militaire.
L’usage voulait en effet que le soldat concrétise
la fin de son service actif par l’achat d’un objet à caractère personnel.
La chope de réserviste constitue ce témoignage
du temps passé au sein de l’institution militaire. Unique, elle symbolise l’unité et
la garnison d’affectation.
Afin d’appréhender les subtilités qui sommeillent dans cet objet, je vous propose cette analyse à travers l’histoire d’un régiment :
Le 8ème régiment d’infanterie wurtembergeois 126 I.) GénéralitésI.A) Classification Tripartite Il existe au moins 15 modèles de chopes pour ce régiment. Chaque modèle comptant un nombre infini de variantes. Mais nous pouvons les classer en trois parties :
Les régimentaires : Celles réalisées uniquement pour ce régiment.
Les régionales : Un nombre restreint de modèle a été crée pour le royaume
du Wurtemberg – ou pour les régiments de
la garnison de STRASBOURG.
Les impériales :
La grande majorité des modèles affectés au
126 peuvent se rencontrer dans d’autres unités de l’Empire allemand. Il suffisait de changer quelques détails liés au régiment et sa garnison.
I.B) Aspect général de la chopeI.B.1) Origines du régiment.L’armée impériale allemande est un modèle d’organisation et de discipline. Bien que réunissant les contingents de 26 états souverains sous l’égide de
la Prusse, cette armée constitue un ensemble homogène et cohérent. Chaque région donne naissance à un corps d’armée - 24 au total + un corps de
la garde impériale. Le Wurtemberg appartient au XIIIème corps et détache au XVème corps, après
la guerre 1870-71, son 8ème régiment – rebaptisé IR
126. Le“8eme wurttembergeois” a toujours retenu cette désignation même si, dans le cadre de
la numérotation “prussienne” adoptée en 1871 par tous les états fédéraux de l´Empire allemand sauf
la Bavière, il fut désigné IR
126.
L´unité parente“ ou originale de ce que fut plus tard le JR
126 avait été établie le 18 mars 1716. Elle devint plus tard le 8eme IR wurttembergeois renommée “8. Württembergisches Infanterie-Regiment Nr.
126“ en 1871 et „8. Württembergisches Infanterie-Regiment Nr.
126 Großherzog Friedrich von Baden“ à partir
du 25 avril 1891, date à laquelle Frederick 1r de Bade fut nommé Colonel honorifique („Regimentschef“), une fonction qu'il exerçait de 1891 jusqu'à 1907. A partir de 1909 son fils „Friedrich II.“ de Bade assuma à son tour, cette fonction . Le JR
126 « était le seul régiment württembergeois à être stationné dans
la région
du 15eme Corps d'armée (Alsace).
On retrouvera sur
la chope souvent au moins un élément qui rappelle le Wurtemberg.
I.B.2) Origines du service obligatoire dans l’armée impériale.La conscription adoptée par
la Prusse seule en 1801 fut généralement copiée par les autres états fédéraux de l´empire allemande après 1874. A cette époque le service obligatoire était de 3 ans dans toutes les armes. Par
la loi décrétée en 1893
la durée
du service obligatoire fut réduite à 2 ans pour les troupes non montées – dont particulièrement l´infanterie – tout en retenant le service de 3 ans pour
la cavalerie, les éléments de l´artillerie montée (donc à cheval) et
la marine.
Les “volontaires d´un an” furent prédestinés à devenir des officiers de
la réserve.
Les deux années de conscription apparaissent quasiment toujours sur
la chope I.B.3) La fabrication.(
La fabrication): Généralement,
la période d´apparition des chopes de réservistes se situe entre 1890 et 1914. Il est difficile de déterminer avec précision une date où les chopes devenaient plus élancées et riches en couleurs – notamment par l´adoption des procédés de fabrication en masse (usage de décalcomanies) – Mais c'est vers 1905 que l'on rencontre des chopes avec ce changement d´apparence Il ne faut pas oublier que des vieux stocks furent utilisés jusqu'à l´épuisement.
Les chopes d’infanterie ont été à 98 % fabriquées en faïence. Il en existe en gré. Ces dernières sont parfois estampées sur le fond extérieur par les initiales
du fabricant.
Celles en faïence ont presque toujours un fond avec lithophanie (l’exception étant toujours de règle, il existe au moins un modèle connu sans cette spécificité). Ces litho représentent des scènes de retrouvailles, de chasse, et plus rarement un ange, un souverain (liste non exhaustive) Les lithos sur les « anciennes chopes » (donc celles datant des années 1890 jusqu'à environ 1905) montrent normalement des scènes (“civiles”) de
la vie rurale bavaroise et/ou Tyrolienne et, ensuite, exclusivement des scènes d´adieu où sont représentés un soldat et une jeune fille (sa copine de
la ville de garnison).
Ce modèle de
chope n'a pas de lithophanie.
…… Une liste des noms des soldats (Nom
du propriétaire inclus) figure normalement sur chaque côté de l'anse de
la chope ( sur les “anciennes chopes” cette “liste des camarades” peut être située aux deux côtés
du motif central). Il existe cependant aussi des chopes sans cette liste.
La dénomination RESERVIST suivi
du nom est
la règle pour ce régiment. Parfois le dernier grade ou
la fonction apparait comme suit : RESERVIST Geftr pour un « Gefreiter» TAMBOUR ou HÖRNIST pour un musicien etc
Parfois le nom est suivi d’un chiffre romain MULLER II. Vous avez devinez pourquoi ? c’est facile !!
L’anse est pratiquement toujours de forme arrondie. (
La encore, je possède deux modèles avec une forme angulaire). Les dernières fabrications ont
la particularité d’avoir un relief de tête de soldat coiffé d’une « Mütze » en haut de l’anse .
Les nuances des couvercles normalement en étain (clair - foncé – mat – brillant - aspect bronzé ….etc……….) varient selon les alliages. L´intérieur
du couvercle d´une
chope de réserviste doit être brillant et c´est bien un (parmi d´autres) indice(s) de l'authenticité de
la chope.
Un sujet est généralement soudé sur le couvercle. Un aigle est souvent représentatif des chopes les plus anciennes. Quelques exemplaires de 1912 à 1914 ont un couvercle dévissable qui recèle une patte en verre.
Avant 1900, les poussoirs de couvercles sont divers (gland, feuille de chêne etc…) mais à partir de cette date
la chope est quasiment toujours dotée d’un poussoir de couvercle avec le blason
du Wurtemberg.
II.) Particularités de certaines chopes II.A) GARNISON A STRASBOURG. Au cours de
la guerre 1870-71 , le 8ème régiment
du Wurtemberg participait au siège de STRASBOURG. Cette guerre se traduisait par
la perte de l’Alsace et une partie de
la Lorraine. De 1877 – 1885 le 2eme Bataillon
du régiment fut stationné dans
la Caserne Schweisguth Schlettstadt (Séléstat) et de même son 3ème Bataillon de 1885 – 1888. Autrement le régiment était toujours à Straßburg-i/E.
Le nom allemand de
la caserne
du JR
126 à STRASBOURG fut „Margarethen-Kaserne“ A l´époque, le mot „Kaserne“ pouvait aussi être écrit „Caserne“.
Nous retrouvons donc les symboles de cette garnison sur de nombreuses chopes de ce régiment.
La chope la plus ancienne de ce régiment que j’ai pu rencontrer est de 1893. Cette date correspond en fait à l’année de construction
du dernier bâtiment de
la caserne
du IR
126.
II.A.1) La Margareth Kaserne Cette caserne était composée de trois bâtiments principaux.
La caserne se nomme à présent caserne Ganeval et seul subsiste le bâtiment III en partie occupé par les compagnons
du devoir et
la gendarmerie. Habitat de notre « Musketier » durant 2 ans, il est normal de voir figurer ce bâtiment en bonne place sur certaines chopes.
II.A.2) La cathédrale Par sa forme atypique à une flèche, elle symbolise
la ville de STRASBOURG et est présente sur de nombreuses chopes
II.A.3) La petite France Certaines fenêtres de
la caserne donnaient sur les ponts couverts de
la petite France. On retrouve ceux-ci dessinés sur quelques chopes.
II.B) LES SOUVERAINS II.B.1) Le roi du Wurtemberg.II.B.2) Grossherzog Friedrich II von Baden. Le IR 126 porte son nom. [/u]Ces souverains ont une place importante dans le monde militaire et leurs portraits figurent en bonne place sur de nombreuses chopes de ce régiment.
II.C) TRADITIONS – EVENEMENTS II.C.1) La patte d’épaule Cet élément de reconnaissance d’un régiment est souvent mis en avant sur nombreuses chopes
II.C.2) Anniversaire du régiment L´unité parente“ ou originale de ce que fut plus tard le JR
126 avait été établie le 18 mars 1716. En 1906 le régiment fête son 190ème anniversaire. Une
chope est crée pour commémorer cet évènement et sera proposée à
la vente aux appelés présents durant cette période.
Et en 1916 son 200ème …..
II.C.3) Zeppelin Pour sa première expédition, le ZEPPELIN passe au dessus de STRASBOURG le 4 août 1908 en direction de KARLSRUHE. A partir de cette date le Zeppelin est présent sur de nombreuses chopes.
II.C.4) Tenue Sur les chopes
du IR
126 de 1902 les dessins de soldats apparaissent en vareuse 1895. C’est apparemment à cette date que les nouvelles tuniques sont livrées au sein
du régiment. Je ne connais pas de
chope du 126 avec des soldats dessinés en tenue 07-10. Je ne connais pas de
chope du IR
126 spécifique à certaines fonctions (musicien – boulanger etc…..) Par contre pour un tambour ou un clairon de ce régiment l’instrument et les épaulettes de musiciens étaient ajoutés sur une silhouette.
II.C.5) Mitrailleurs Le 1 octobre 1913, le régiment reçut sa compagnie de mitrailleuses en tant que 13eme Cie. Dès lors une
chope sera disponible pour les réservistes. Ce sont des soldats de l’incorporation de 1912 qui se verront affectés dans cette unité. Cependant beaucoup de ces soldats « libérables » en 1914 ne connaitront pas
la joie de
la réserve.
III.) Eléments utiles pour les collectionneurs III.A) Les copies La collection c’est comme les champignons – on ne prend que ce dont on est sûr. Les copies de chopes ne peuvent tromper que les amateurs non éclairés.
A l’heure de
la rédaction de cette fiche, il n’existe pas de copie de
chope du 126. Par contre une copie dangereuse pour les non initiés circule actuellement sur le marché allemand. Lorsqu’elle est annoncée comme copie elle affiche les 70 euros. C’est une Wurtembergeoise reproduite à partir d’une bonne
chope de
la garnison de ULM. Même le « moineau » symbole de
la ville constitue le poussoir comme à l’origine. Tout est reproduit sur
la base d’une originale à des détails prêts ex : . Lithophanie avec soldat dont les jambes sont trop arrondies. Ecritures latines etc…. Ce sont surtout les matières utilisées et les couleurs qui ne trompent pas l’œil averti. Ici une GR123
Ci –dessus couvercles et sujets le premier est une copie le second est original. Bien regarder les détails des figurines et
la soudure sur le socle –
La lithophanie est quand même bien réalisée mais des détails ne trompent pas l'oeil averti.
La fausse
Une vrai
Ci-dessous regardez bien
la différence dans les détails.
Sur
la fausse
chope GR 123
Sur
la vrai IR120
Voir aussi
http://www.reservistenkrug.de/replikas.htmlN’hésitez donc pas à faire appel à des collectionneurs si vous voulez acquérir une
chope.
III.B) La collection autour de la chopeCertaines collections regroupent les spécimens les plus rares. Rareté liée - à l’unité (Aérostiers – U-boot – etc) - à
la fonction (boulanger….)
D’autres collections se concentrent sur une région (Alsace par exemple) une ville ou plus rarement un régiment.
De nombreux collectionneurs de militaria allemand première guerre ont au moins une
chope de réserviste qui côtoie un objet
du même régiment (coiffure par exemple ).
L’idéal serait de trouver un ensemble d’objets
du même réserviste (
chope – pipe – tasse – cane – gourde –tableau).
Ce qui est sympa aussi c’est d’avoir deux chopes similaires du même régiment même compagnie même année.Deux soeurs même régiment même compagnie même année.
La namenliste est
la même. Celle avec le liseré bleu provient d'une famille de Bavière. Volonté
du propriétaire ? ou hasard de fabrication.
La lithophanie est différente.
Deux autres
Notez qu'un drapeau n'est pas peint.
La namenliste est
la même. Les couvercles ont les mêmes défauts. :albino:
Deux autres de mitrailleurs :
III.C) Avantages du réservika et estimations. Madame accepte plus facilement ce genre d’achat que de
la « ferraille ». Mais attention en cas de scène de ménage…. ça casse…..
Vous possédez un objet unique qui en cas de vol sera plus facilement identifiable.
Le prix a baissé depuis
la commercialisation par le net. Mais attention n’acceptez aucun défaut sur ce genre d’objet qui doit être nec plus ultra. Mieux vaut payer un peu plus cher pour une belle pièce sans défaut. Les infanteries sont un peu boudées (sauf les mitrailleurs) mais les régiments qui étaient implantés en Alsace et Lorraine sont plus recherchées par les collectionneurs français. Compter dans les 250 350 € pour une
chope parfaite sans défaut.
Des rumeurs de marchands circulent comme quoi lorsque le fond est cassé c'est que le soldat à cassé sa pipe pour le Vaterland.
Une
chope à fond cassé vaut 50 €. Je ne parle pas de qqs micro fêlures qui ne font pas baisser le prix.
Autre rumeur de marchands : Le soldat achetait sa
chope et faisait ajouter un couvercle par
la suite chez lui quand il était fortuné. Faux
la chope était livrée avec son couvercle.
J'espère vous avoir éclairé sur un sujet passionnant riche en couleurs et en histoire
Quelques rectifications sur mon exposé ont été proposées par Peter Meinlschmidt - qu'il soit ici remercié.
J'ai intégré toutes ses remarques dans la nouvelle refonte de l'exposé. Il est à l'origine d'un formidable ouvrage de 330 pages consacré aux chopes. En format 21X29,7 avec de très nombreuses photos couleurs. En Allemand. Il est encore disponible et vous pouvez contacter l'auteur pour les modalités (il parle et écrit le français couramment.
petermeinl@gmx.de Je voulais aussi ajouter
Peter Meinlschmidt a été à l’origine d’un autre livre intitulé "Kompaktübersicht über die Truppenteile
der Alten Armee (1870 - 1914)"
C’est un aperçu complet sur les unités de l´Armée impériale allemande (1870 - 1914)". Pour celui qui voudrait mieux comprendre
la composition détaillée de cette armée, devrait posséder cet ouvrage. Il a été réalisé avec l´aide
du Prince Franz von Hohenzollern lequel avait permis à l’auteur d’accéder à sa bibliothèque dans le château de Sigmaringen.
Ouvrage de référence et aide-mémoire sur l´ensemble des unités (sauf
la marine) de l´Armée impériale allemande durant
la période 1870 – 1914, 246 pages, (sans illustrations)
Ce qui distingue cet ouvrage écrit par un collectionneur de chopes de réservistes et de militaria allemands, des autres publications de ce type, est le fait qu´il ne reflète pas seulement l´état de l´Armée des années 1913 et 1914, mais contient l´évolution de chaque unité à travers une période de considération de plus de 40 ans tout en détaillant l´année ou
la date de son établissement (dans certains cas aussi des références de l´historique (avant 1870) ainsi que les changements les plus importants survenus (tels que changement
du nom, de
la désignation, mention et changements
du « Commandeur » (Colonel honorifique), distinctions, le cas échéant date d´affectation de
la Compagnie de mitrailleurs, changement de
la ville de garnison, couleur et inscription des pattes d´épaule, autres spécificités, le cas échéant, leurs sobriquets et l´obtention
du prix de tir impérial ou royal. Tous ces renseignements sont donnés en forme brève et concise.
Chaque arme ou corps de troupes est successivement décrite, détaillant l´uniforme et les effectifs.
Les écoles d´entrainement et d´éducation, les magasins d´habillement, les camps d´entrainement et établissements militaires spéciaux sont également décrits.
Bien que cet ouvrage soit écrit en allemand, les noms et dates sont bien compréhensibles sans nécessairement savoir l´allemand.
Il est à 30 euro port inclus. Vous pouvez contacter l´auteur par Email:
petermeinl@gmx.de
Quelques nouveautés :