Voici un casque dont la recherche du contexte de perte par son porteur a été ardue, et pour cause, son unité d’appartenance n’a pas produit le précieux historique régimentaire et sa fiche a été égarée par la Croix Rouge...
Mais un peu de logique et surtout le recours à de grands connaisseurs de l’armée allemande (merci notamment à Staffy68), il a été possible de reconstituer assez précisément l’ensemble des éléments nécessaires !
Le casque n'est pas régimenté mais comporte dans la bombe de précieuses informations permettant d’identifier porteur et unité, A Bock, 10/71. La mention à 71 ne peut renvoyer ici au JR 71 ou RJR 71 qui n'ont pas de lien avec le Schwarzburg Rudolstadt car le casque comporte la plaque et cocarde de Land de cet état.
Le nom un peu atténué
En effet, le bataillon de Schwarzburg Rudolstadt a équipé en partie le III/LIR71. Equipées après celles d’active et de réserve, ces unités de Landwehr ont souvent hérité des fonds de tiroir en termes de matériel. Il n’est donc pas surprenant de voir ici un casque avec une plaque à vis. Il peut s’agir d’un vieux modèle 91 ou 88 exhumé des réserves pour la mobilisation.
Dans les VL se trouve bien un Albin Bock de la 10/LIR71. Il est mentionné à deux reprises, d’abord porté disparu puis fait prisonnier.
https://des.genealogy.net/search/show/311775https://des.genealogy.net/search/show/2579164La date de publication de la première VL porte sur la période du 8 au 25 septembre 1914. La reconstitution de l’historique du LIR 71 par d’autres historiques permet de déterminer le combat qui a vu la capture de Bock.
Le LIR 71 fait partie de ces nombreuses unités de Landwehr destinés à intégrer les garnisons de guerre des places de l’Empire. Pour le LIR 71, cela sera la place de Strassburg in Elsass. La mobilisation à Gera se passe sans difficulté notable et le LIR 71 part par train en direction de Strasbourg. Le voyage se passe bien, les hommes sont impressionnés par la grande aide de la population et des autorités durant le voyage et les nombreuses manifestations de patriotisme, la foule envahit les quais ou les ponts. Le régiment est composé de nombreux hommes du 2ème ban de la Landwehr mariés avec enfants, et qui comprennent les enjeux de la guerre.
Le LIR 71 arrive le 10 aout à Strasbourg puis bénéficie de 14 jours de calme, permettant l’instruction des hommes, ce qui n’est pas tache aisée car une bonne partie des officiers et sous-officiers n’ont plus pratiqués et sont éloignés des techniques modernes. Les hommes sont employés aux travaux d’Armierung et subissent des exercices d’alarme, car les Français entrés en Alsace au sud. La situation devient inquiétante, la place se prépare au combat. Mais les Allemands vont décider de contre-attaquer bien avant que les Français puissent s’approcher de la place. La garnison de guerre va être mobilisée dans ce cadre.
C’est ainsi que le 25 août, le LIR 71 part avec 1 Ersatz Batterie FAR 51 par train jusqu’à Sélestat puis, à pied, jusqu’à Chatenois. Les Allemands doivent en effet faire face à une offensive française dans ce secteur, qui occupe le fond de la vallée et Sainte Marie aux Mines. Pour barrer la route aux Français et sécuriser la voie ferrée qui suit cette vallée, le LIR 71 doit dans un premier temps assurer la garde de cette voie en s’appuyant sur un train blindé mis sur pied.
A Liepvre, l’historique indique que des habitants ont tiré sur les colonnes, le II/LIR 71 y est détaché pour assurer la sécurité.
Le 26 aout à 9 H, ordre est donné aux I et II, au stab et à la moitié du III et à l’ersatz Batterie d’aller à Sainte Marie, évacué par les Français, pour se mettre sous les ordres du commandant de la bay 7. Erzatz Division, von Benzino. Le train blindé est utilisé pour le transport. Le régiment reçoit ensuite l’ordre de marcher jusqu’au col de Sainte Marie. Au col, le II est laissé en sécurisation du col et les 6 autres K reçoivent à 17H20 l’ordre de marcher jusqu’à Wisenbach atteint à 18H30.
Le 27 aout à 4H, les unités du LIR 71 poursuivent leur marche sur Laveline Coinchimont Saulcy. Les batteries du FAR 51 s’installent au N et S de Coinche. Le demi bataillon du III reste en protection et I et II marche sur la Planchette. Les Bavarois aimeraient l’appui de l’ersatz batterie mais elle ne peut avancer suffisamment à cause des tirs ennemies. Les I et II/IR 71 rippent leur progression vers Entre deux Eaux et Saulcy. Jusqu’au 29 août, les I et II attaquent vers Saint Leonard puis sur le secteur Sainte Marguerite Remenont (position 29 aout) puis retraite sur la Planchette ùu le demi III est retrouvé.
Le 30 aout à 7H30, le régiment reçoit l’ordre d’aller sur Saint Dié assurer les gardes via des postes.
Le 31 août, le III/LIR 71 d’Albin Bock est mis à disposition du Korps Eberhardt. Eberhardt, qui était le gouverneur de la place de Strasbourg, se voit confié les troupes constituant l’aile gauche de la VII Armee, soit près de 3 divisions constituées d’unités très disparates, de réserve, de Landwehr et même de Landsturm. Le III/LIR 71 va faire partie d’un groupement de circonstance avec les I et II/LIR120 et les I et III/LIR80 et diverses unités d’artillerie, de cavalerie et pionniers sous le nom de Brigade Rekowski. Cette brigade constitue la droite du Korps Eberhardt, formée également de la bay Ersatz Division et de la 30. Reserve Division.
Le III/LIR 71 reste au col de Sainte Marie et à Wisembach jusqu’à 2 septembre pour sécuriser les lieux. Il va participer à la bataille de Saint-Dié, ville qu’occuperont les Allemands due fin août jusqu’au 10 septembre. Le III/LIR 71 participe aux opérations visant à traverser le massif montagneux jusqu’à Fraize en prenant au préalable les cols.
Le III/LIR 71 apparaît en bas à droite.
Ainsi le 3 septembre, il marche sur Wisembach puis Québrux jusqu’à la hauteur 1027 atteinte le 4 sept. (le col du Pré de Raves).
Le 5 septembre, toutes les unités du Korps Eberhardt attaquent vers le sud-ouest. Dans ce cadre, le III/LIR 71 va marcher vers l’ouest à partir de la hauteur 1027 en suivant la route qui descend du col et longe le ruisseau qui coule vers le Gros Rein. L’avance se fait de la manière suivante, la 11 K avance sur la route, la 12 K au nord et les 10 et 9 K gravissent les pentes abruptes nouvelle. Les unités subissent des tirs sur les têtes de colonne à la maison forestière du Gros Rein. Les ennemis, infanterie et chasseurs alpins, sont très bien retranchés et presque invisibles car ils sont dans des arbres ou sur des positions dominantes. Les compagnies progressent difficilement jusqu’aux pentes ouest du Grand Rein et tiennent jusque 15H et l’arrivée de l’ordre de repli. Ce dernier se fait via la hauteur 1027 puis sur Laveline. Les pertes restent légères, 1 off, 4 sous-off, 7 morts. Blessés 1 sous off et 20 hommes blessés. 4 hommes disparus
Le 7 septembre, dans le cadre d’une nouvelle offensive générale, le LIR 71 retourne au combat dans le même secteur.
D’après l’historique du LIR120, le 7 sept, Eberhardt donne l’ordre de reprendre le bois de Mandray, perdu le 5. Les unités du détachement Rekowski observent que l’attaque principale, celle des Bavarois de la 9 Ersatz Bay brigade n’avance pas assez vite, et envoie ses troupes en appui. Les premières unités dont le III/LIR 120 progressent bien depuis leur secteur de départ Gros Rein Les Chaumettes. Il attaque vers la halle aux journaux, passe sur les champs de bataille du 5 sept où les cadavres français et du bay JR 15 sont encore présents. Les sommets sont atteints vers 21 H puis la forêt de le Chipal. L’ennemi se sauve. A la droite du III/LIR120, devant l’aile gauche 9 E Bay B, l’ennemi commence à se désagréger. Il faut renforcer l’aile droite du III/LIR 120. Pour cela, le III/LIR 71 va être employé. Il se trouve alors sur les pentes sud du Gros Rein. Le III/LIR71 est venu de Laveline et y rejoint le II/120 de Verpillères. L’historique du LIR 120 précise que ces troupes sont fatiguées, elles n’ont pas eu de repos depuis 4 jours sont donc à peine capable de se battre. Pour rechercher la liaison avec le III/LIR 120 qui est avant, il est nécessaire de franchir le ruisseau de la Morthe. L’Oberst Breyer ordonne en fin d’après-midi au ½ II/120 et III/LIR71 d’avancer. Ces deux unités souffrent de violents tirs d’artillerie depuis la Rossberg, au sud. Les hommes progressent dans d’épaisses forêts et avec l’obscurité, les troupes ne trouvent pas la liaison et ont des pertes.
Elles reculent finalement au début de la nuit sur les positions de départ car se maintenir dans la forêt est jugé trop dangereux.
Le 8 septembre, le front est tenu, des contre-attaques françaises sont rejetées. Le 9 septembre, l’ordre de suspendre l’offensive sur St Die arrive et le LIR 71 fait retraite le 10 sur col de Ste Marie.
Notre porteur étant mentionné dans les combats à partir du 8 septembre, il a donc survécu à cette première série de bataille. Le front va commencer à se figer, les Korps Eberhardt reçoit l’ordre maintenant de tenir la frontière. Des offensives très localisées ont encore lieu pour essayer d’adapter le front en constitution. C’est au cours de l’une d’elle qu’Albin Bock va être fait prisonnier, la seule attaque d’importance dans le secteur du LIR 71 entre le 8 et le 25 septembre, l’attaque du bois de la Garde le 23 septembre 1914.
Le front forme dans ce secteur un angle droit. Les Allemands sont installés sur le col de Sainte-Marie (où se trouve le III/LIR 71) mais aussi sur les hauteurs au nord de ce dernier, sur la ligne de hauteur au nord de Frapelle, Herbaupaire et Lusse (bay Ers Div). Ils y ont aménagé des positions défensives avec réseau de barbelés. Les Français ont conscience de ces défenses puisque le JMO du 343ème RI indique que « la Cie de Gemaingoutte (21ème compagnie) … signale en outre que Wissembach a été évacué par l’ennemi l’importance extraordinaire des retranchements construits par l’ennemi au col de Sainte-Marie aux Mines. », secteur tenu par le III/LIR71. Les Français sont alors sur une ligne Neuviller Bertrimoutier (41 Division) Bonipaire Gemaingoutte La Truche (66 division réserve).
Le III/LIR 71 est juste au-dessus du nom "col de Saint Marie"
Avec l’abondon de Wissembach, les Français vont décider de tenter de prendre les position allemandes au nord. Les Français font face en occupant la hauteur portant le bois de La Garde et décident dans un premier temps d’occuper ce secteur vide d’ennemi.
Le 21 septembre, la 66ème division reçoit l’ordre d’aller occuper les hauteurs du Bois de la Garde. Elle doit en dévaler sur Lesseux et Lusse, en liaison avec le 41ème division qui attaquera sur la rive droite de la Fave (Bonipaire) en direction de Provenchères. L’attaque sera appuyée par des batteries de montagne et un groupe alpin. Des troupes montent dans le bois comme le 21 septembre 1914, le 343ème Régiment d’Infanterie. Les troupes d’attaque de la 66 Division sont composées du groupe alpin du 13ème bataillon, de deux compagnies de montagne, d’un bataillon et des MG du 281ème et de deux bataillons du 343ème RI. Les positions des unités sont 13ème groupe alpin à l’E de Bonipaire, devant marcher par le bois de la Garde vers l’Est de Lesseux (via bois camp des Romains), bataillon du 281ème au NE de Bonipaire objectif point haut du camp des Romains, au centre. DEt 2 C du 343ème se portent de Gemaingoutte vers Wissembach « avec mission de couvrir le flanc droit du détachement contre toute attaque venant du col de Sainte Marie » ; 6 autres C s’installent derrière les unités des 281/13 pour l’attaque. Les premiers objectifs sont Lesseux, crête au sud d’Herbaupaire. Le 22 septembre, une première attaque des 343, 281ème RI et du 13ème BCA échoue contre les positions de la bay Ers Div échoue, occasionnant des pertes. Le 343ème RI y déplore par exemple 19 tués et 31 blessés.
Le 23, les Français relancent leur attaque. La 24ème compagnie du 343ème RI coopère avec le 13ème bataillon de chasseurs à une attaque partielle sur le Bois du Chéna.
Les Allemands décident alors d’une attaque de flanc depuis les positions du col de Sainte-Marie pour soulager le secteur attaqué et surprendre l’adversaire. Le III/LIR71 va y être mobilisé. Il s’agit d’une attaque en deux colonnes :
- la première, II/LIR 120 + ½ I/LIR120, avance à travers Chaume de Lusse sur bois de lagarde pour attaquer sur son flanc l’ennemi qui est face à la Division Benzino.
- la seconde colonne LIR 80/71 est envoyée depuis le sud via le col via Wisembach sur le bois de Lagarde.
Des patrouilles de cavalerie assurent la liaison entre les deux colonnes qui progressent. L’attaque ne bénéficie pas d’appui, notamment pas d’unités spécifiques de montagne pour l’artillerie ou les MG ;
Mais les Français sont prudents et des unités ont été laissées en flanc garde sur la droite face à l’axe de progression des assaillants. Ainsi la première colonne va se heurter à des éléments du 13ème BCA vers Chaigne et la seconde à la 21ème C du 343 RI, qui se trouve pile sur le chemin des assaillants de la deuxième colonne. Les positions des Français sont juste en lisière de la forêt du bois de Lagarde. Les ordres ont été donnés pour que de solides positions soient établies : JMO du 343ème RI « Le 23 septembre, en attendant l’ordre d’attaque, les troupes, y compris celles de Wissembach, se retranchent sur place »
Les deux colonnes se heurtent à ces flanc-garde. Les hommes du LIR120 reçoivent des coups de feu à la Chaigne. Les tranchées de la Chaigne sont prises, les alpins du 13ème chasseur battent en retraite vers les bois. Au sud, le même déroulé se reproduit, le LIR 71 arrive à prendre les positions françaises, dont les occupants battent en retraite vers le bois. Les Allemands les poursuivent et entrent à leur tour dans le bois de Lagarde pour ne pas laisser de répit aux Français. S’en suivent de violents combats rapprochés dans les bois. Le JMO du 343ème RI indique que « une section de la 21ème Cie (section sous-lieutenant Gineste) a été fortement attaquée et a éprouvé quelques pertes ».
A 16H, les colonnes reçoivent l’information que l’ennemi a reculé partout mais s’est installé sur une seconde position de résistance, solide, prêt à résister. La nuit s’approche, la liaison entre les deux colonnes n’est pas trouvée, la position est jugée dangereuse. Et les hommes n’ont pas de ravitaillement. Au regard de ces éléments, à 23 H, l’ordre de retraite est donné par l’OberLtn Breyer. Les pertes sont importantes, par exemple dans la première colonne, celle du LIR 120, on déplore 16 tués, 36 blessés. Celle de la deuxième colonne dont le III/LIR 71 ne sont pas connues mais la confusion provoquée par l’épaisse forêt, la tombée de la nuit permet de comprendre comment Bock a pu être capturé par les Français. D’ailleurs, les assaillants eux-mêmes reviennent avec quelques prisonniers français. Bock est évacué très vite vers l’arrière avec son casque qui devient un trophée.
Le 24 les colonnes reviennent mais trouvent le bois de Lagarde réoccupé par l’ennemi. Le Korps Eberhardt n’a pas de réserve et doit tenir la frontière. L’ordre de retraite sur les positions initiales et de créer des positions défensives met fin aux attaques allemandes.