Voici un couvre casque de la Garde, sans numéro ou lettre comme il se doit. Il a la particularité d’être nominatif grâce à sa nominette. Il s’agit de Richard Zobel, âgé de 23 ans de la 7/ Koenigin Elisabeth Garde-Grenadier-Regiment Nr. 3 (KEGGR 3). Le KEGGR3 fait partie de la 3. Garde-Infanterie-Brigade (3 GIB).
Zobel avait une petite tête car son couvre casque tient sur un casque taille 52. Il avait d'ailleurs resserré le CC au milieu des côtés par une petite couture.
Zobel est indiqué comme porté disparu dans la VL.
http://des.genealogy.net/search/show/110819Seul son nom est mentionné et la VL fait référence à des batailles fin août, début septembre et octobre. Heureusement sa fiche CICR est bien plus complète.
Il s’agit de Richard Zobel qui est porté disparu dans l’attaque d’Hébuterne depuis le 6 octobre 1914. On y apprend qu’il a 24 ans au moment de ces combats et vient de Bavière. Il porte le grade de Gefreiter d. R.
Richard Zobel est l’une des nombreuses victimes de l’attaque du 6 octobre 1914 sur le village d’Hébuterne, qui héritera à cette occasion du nom de Tombeau de la Garde, comme l’indique l’historique du 37ème RI. Il s’agit d’une référence à Saint-Privat en 1870. Pourtant à Hébuterne, seuls 4 bataillons, le 2. Garde Regiment zu Fuss (2. GRzF), de la 2. Garde-Infanterie-Brigade (2GIB), et le 2ème bataillon du Koenigin Elisabeth Garde-Grenadier-Regiment Nr. 3 (II/KEGGR 3) où se trouve la compagnie de Zoble, de la 3. Garde-Infanterie-Brigade (3 GIB), attaquent le village.
Hébuterne et la « course à la mer »Fin septembre, le Garde-Korps va participer à la série de batailles que les deux armées ennemies se livrent dans leurs tentatives mutuelles de débordement de leurs ailes droites (la course à la mer). Dans ce cadre, la 6. Armee est arrivée dans le secteur de Bapaume le 16 septembre, et a besoin de renfort face à l’allongement continu de ses lignes vers le Nord. Les autres Armee proches doivent détacher un corps d’armée. Pour la 2. Armee, cela va être le Garde-Korps, qui est alors dans le secteur de Reims. Le 29 septembre, la 1. Garde-Infanterie-Division, dont fait partie le 2. GRzF, part à pied puis en train vers Saint-Quentin. Le 30 septembre, la 2. Garde-Infanterie-Division, dont fait partie Zobel et le II/KEGGR 3, est transportée par train depuis Guignicourt vers Saint-Quentin et Cambrai, où ses différents éléments débarquent les 1er et 2 octobre. Placé sous les ordres de la 6. Armee, le Garde-Korps doit s’intercaler entre, au sud, le XIV. Reserve-Korps et au nord, les IV. Korps et le I. bay Reserve-Korps.
Les 1. et la 2. Garde-Infanterie-Division marchent par conséquent sur Bapaume qui est atteint le matin du 2 octobre. Mais la ville n’est qu’une étape puisque l’objectif est de poursuivre vers l’ouest pour engager l’ennemi.
La 6. Armee veut essayer de déborder l’aile droite alliée par une offensive générale dans le secteur Arras-Bapaume. Les I. bay. Res Korps et IV. Korps attaquent au nord. Pour le Garde-Korps, l’objectif est d’avancer sur un axe Achiet-le-Grand, Puisieux-au-Mont, Forceville. Les hommes apprennent qu’ils vont faire face à des adversaires de faible valeur, des unités d’infanterie territoriale. C’est ce que claironne l’ordre d’attaque de la 1. Garde-Infanterie-Division pour le 3 octobre : « L’offensive contre les troupes ennemies faibles et de valeur médiocre est à poursuivre avec la plus extrême énergie. » Mais cet avantage est compensé par le fait que le front d’attaque présente de nombreux petits villages qui peuvent être aisément fortifiés…
En face de la Garde se trouve effectivement la 88ème Division d’infanterie territoriale, composée d’hommes venant de Loire-inférieure et de Vendée. Cette unité fait partie du groupe de divisions territoriales créé le 16 août 1914 et chargé d’opérer dans le Nord de la France. Mi-septembre, il est dans le secteur de Péronne et, début octobre, se trouve en face du Garde-Korps.
Des premiers jours de combats encourageants…Le 3 octobre, les unités lancent leur attaque. Courcelles, Bucquoy et Ablainzevelle puis Puisieux (où le KEGGR 3 fait 250 prisonniers dont 1 officier d’état-major) tombent. Au nord, la 1. GIB fait face à une forte garnison ennemie à Ayette, et le village ne tombe que vers 15H. A 18H40, les hauteurs entre Gommecourt et Puisieux sont atteintes.
La situation est assez favorable, le Res XIV. Korps est arrivé au sud de Puisieux et a établi la liaison. Au nord, la 4. GIB a atteint la ferme de Rettemoy, et la 1. GIB Essarts-les-Bucquoy.
5 octobre : premiers échecs devant Hébuterne
Le 5 octobre, l’offensive doit se poursuivre : la 2. et 3. GIB sont regroupées sous le commandement du General Hutier et doivent poursuivre leur avance en deux colonnes. La 2. GIB doit avancer sur Hébuterne-Colincamps, puis Bertrancourt, et la 3. GIB de Zobel sur Serre puis Mailly et Hédauville.
Le 2. GIB avance jusqu’au carrefour des routes Hébuterne-Bucquoy et Gommecourt-Puisieux. Là, les reconnaissances rendent compte que l’ennemi est installé à Hébuterne et Gommecourt.
Le I/ 2 GRzF tente d’avancer vers Hébuterne, mais il se heurte rapidement à des Français retranchés derrière des haies épineuses et des clôtures en fil métallique. A peine les assaillants ont-ils atteint ces obstacles qu’un tir nourri les bloque sur place. Les Allemands s’enterrent sur place.
Gommécourt est aussi défendu. Les reconnaissances montrent que le terrain d’attaque est défavorable : des tranchées sont précédées de haies épaisses et/ou de clôtures de fil pour bétail à hauteur d’hommes. Le village est bombardé et, à 10H, le 4. GRzF attaque le village sur trois fronts. Le 3ème bataillon du 2. GRzF, appelé Füsilier-Bataillon (F/2. GRzF) en profite pour tenter une nouvelle attaque contre Hébuterne. Bien que bombardées, les positions françaises tirent toujours autant sur les assaillants qui sont bloqués. Deux autres attaques par le F et le II/2. GRzF ne permettent pas la moindre avancée. Le II/2. GRzF, nouvellement engagé, arrive à peine à rejoindre les positions du I/2. GRzF. Rapidement les assaillants constatent que seule la nuit peut permettre de poursuivre l’attaque. Les tirs français sont tels que les hommes n’arrivent même pas à établir une ligne digne de ce nom, mais s’amassent par petits groupes derrière les obstacles naturels à 400-500 m du village.
Plus au sud, vers 13H, le 3. GIB attaque Serre, au sud-ouest de Puisieux. Le II/KEGRR 3 de Zobel entre dans Serre comme avant-garde. Le village tombe, et l’attaque se poursuit vers l’ouest. Mais les assaillants sont repérés par des avions, et subissent un violent bombardement qui cause, notamment au KAGRR 4, de fortes pertes qui obligent à suspendre l’attaque dès 14H30. Vers 19H30, le KEGGR 3 reçoit l’ordre de partir vers Bucquoy pour protéger le flanc de la 1. Garde-Infanterie-Division, à l’exception du II/KEGGR 3 qui reste à Serre et aménage des positions défensives avec le KAGGR 4 le long de la route Serre - Mailly. Le II/KEGRR 3, le bataillon de Zobel, ne compte plus à ce moment-là que 430 hommes.
Ce bataillon va participer à l’offensive prévue pour la 2. GIB. En effet, à 18H35, la division reçoit un nouvel ordre dans lequel la 2. GIB doit se rendre maître de Gommecourt et Hébuterne à la faveur de l’obscurité de la nuit. Le 4. GRzF doit d’abord attaquer Gommecourt et, une fois cette action réussie, le 2. GRzF et le II/KEGGR 3 doivent à leur tour attaquer Hébuterne.
A la tombée de la nuit, le 4. GRzF relance son attaque sur Gommecourt. Le journal tenu par l’Oberleutnant Fromme de la 5/2. GRzF livre de précieux témoignages sur d‘Hébuterne et indique ici qu’ils entendent les clairons des 5 et 7/2. GRzF qui signalent le début de l’assaut, puis les hourras et les bruits de balles. Des maisons brûlent et illuminent la nuit. Les feux se taisent mais le 4. GRzF n’a pas réussi à prendre la totalité du village, malgré des combats de rue, parfois à la baïonnette. Les Français tiennent toujours le centre du village. Pour éviter la poursuite des combats de nuit, le régiment rompt le combat et reste sur la lisière est du village. A 21 H, le 2. GRzF est toujours face au village de Hébuterne, subissant des tirs de flanc, des feux d’infanterie et d’artillerie.
5 octobre soir : une préparation dans l’inquiétude pour une nouvelle attaque sur Hébuterne Mais le succès relatif du 4. GRzF sur Gommecourt ne dissipe pas l’inquiétude grandissante des hommes du 2. GRzF et du II/ KEGGR qui se préparent à attaquer. Les conditions de l’attaque ne sont pas aussi favorables. Le village a été peu bombardé, les possibilités d’approche sont mauvaises, et les différentes compagnies sont positionnées sur un front d’attaque serré.
En outre, ce que les hommes des 2. GRzF et II/KEGRR 3 ignorent, c’est que des troupes français d’active sont venues renforcer les unités territoriales épuisées. Dans le secteur d’Hébuterne, le 20ème Corps, au sud, a détaché deux régiments, le 37ème RI et le 146ème qui, envoyés en renfort le 3 octobre, sont arrivés sur place le 4 octobre. Ce sont les hommes du 37ème RI qui tiennent Gommécourt et ont rejeté la première attaque du 5 octobre.
Les Français ont en outre eu le temps de reconnaître et d’organiser le terrain. L’essentiel des défenseurs d’Hébuterne sont formés par les 81ème et 82ème RIT (Régiment d’infanterie territoriale) qui sont arrivés à Hébuterne dès les 3- 4 octobre. Le JMO du 82ème RIT précise que les unités prennent le temps d’étudier le terrain et d’organiser sa défense « Après avoir pris position et après l’étude des mises en état de défense du terrain en arrière de la limite des départements (Somme et Pas de Calais), l’ordre est donné au régiment de se rendre à Hébuterne et de l’occuper. »
Le village est divisé en 3 secteurs. Le 1er bataillon occupe la face SO, le 2ème bataillon la face S, le 3ème bataillon la face E, jusqu’au chemin Hébuterne-Bucquoy. Le 81ème RIT, dont deux bataillons (NDLR : 2ème et 3ème bataillons) restent en réserve au NO d’Hébuterne, occupe les lisières NE et NO.
Le JMO du 81ème RIT indique que les obstacles existants (les clôtures) sont renforcés et que de solides positions défensives établies : « Le 4 octobre, le régiment (…) à 9H30 est envoyé à Hébuterne. A Hébuterne, (…) des tranchées sont creusées, des réseaux de fil de fer établis en avant de ces tranchées. ».
Ce sont les mêmes hommes qui ont aménagé les positions qui vont les défendre. Leur moral n’a pas été entamée par la journée du 5 octobre que le JMO du 81ème RIT décrit comme difficile « Le 5 octobre, Hébuterne est canonné par l’artillerie ennemie sans interruption, de 5 heures et demi à 19H45. ». Les premiers assauts de la journée du 5 octobre ont été repoussés aisément et renforcent le moral des hommes. Ils bénéficient en outre des renforts d’active puisque selon le JMO du 37ème RI, « l’ordre de stationnement pour le 5 soir : Centre de résistance Hébuterne et ses abords : un bataillon du 37ème RI (1er bat) (…) ».
S’y ajoute une appréciation erronée de la situation par le commandement de la division par rapport à la réalité du terrain. En effet, selon Fromme, : « Des observateurs aériens auraient rapporté que les Français refluaient par toutes les routes et qu’une attaque de nuit permettrait donc sans grande difficulté de surclasser les arrières gardes ennemies. Les rapports concordants des compagnies engagées toute la journée sont d’une toute autre nature. (Par exemple, Le chef de la 1/KE GGR3 entend des bruits de véhicules qui lui laisse à penser que les Français amènent des renforts). Nous savions que nous avions en face de nous des positions puissamment occupées et qu’il fallait s’attendre à une résistance acharnée. Nous savions que cette attaque de nuit se heurterait à une résistance violente, et à des pertes extrêmes sur un terrain dont on sait qu’il ne présente aucun couvert si l’offensive ne bénéficie pas d’une préparation d’artillerie, ce qui n’était pas prévu. Von Estorff, qui connaissait la véritable situation par les rapports de ses compagnies, a passé la nuit à essayer en vain, par communication téléphonique avec l’état-major, de conjurer le désastre programmé qu’il pressentait pour son régiment. »
Le commandant du régiment ira jusqu’à se déplacer personnellement à la division pour obtenir une demande de bombardement préalable, et même un report de l’attaque. En réalité, l’état-major de la division veut à tout prix poursuivre l’offensive car, au nord, les I Bay Res. Korps et IV Korps ont réussi à progresser et une manœuvre de débordement de l’aile droite semble possible.
6 octobre 5H du matin : chronique d’un désastre
Le plan d’attaque prévu consiste à attaquer simultanément Hébuterne du Nord-Est jusqu’au Sud-Est. Les secteurs d’attaque, du nord au sud, sont confiés au II/2. GRzF (secteur du chemin depuis Gommecourt), I/2. GRzF (chemin depuis Bucquoy) , F/2. GRzF (secteur de la Briqueterie- chemin depuis Puisieux) et II/KEGRR 3 (nord du chemin depuis Serre – ferme de la Louvière et chemin depuis Pusieux). Le front d’attaque est réduit car, au nord, Gommecourt n’est toujours pas tombé totalement et le village proche de Foncquevillers permet de prendre de flanc toute attaque sur Hébuterne, et, au sud, le flanc de l’attaque est relativement découvert, seul le KAGGR 4 tient la sortie sud de Serre. Une compagnie de pionniers, 1. Garde Pionnier Kompanie, doit assister les assaillants pour réduire les obstacles. Le début de l’attaque est fixé à 5H. Pour maximaliser l’effet de surprise, les hommes ne doivent pas charger leur fusil mais utiliser à la place leur baïonnette qui a été fixée au canon. La Garde espère rééditer l’attaque surprise, silencieuse et victorieuse du 8 septembre dans la Marne. De même, aucune préparation d’artillerie n’a lieu.
En ce tout début de matinée, le 4. GRzF reprend égale
ment l’attaque de Gommecourt. Il réussit finalement à prendre d’assaut la partie ouest du village de Gommécourt et résiste aux contre-attaques françaises. Vers 7H, le village est totalement occupé et le 4. GrzF envoie un message indiquant qu’il est en mesure, depuis le sud du village, de soutenir l’attaque sur Hébuterne. Malheureusement, à ce moment-là, cette aide est déjà devenue inutile...
Une mauvaise coordination entre les assaillantsVue d’Hébuterne depuis l’Est réalisée par le commandant du 2. GRzF, Von Estorff. Elle restitue la vision qu’eurent les assaillants le 6 octobre matin
A 5H, le I/2. GRzF s’ébranle, le II/2. GRzF marche derrière légèrement sur la droite, et le F/2. GRzF sur la gauche. L’attaque est dès le départ mal coordonnée. Alors que les unités du 2. GRzF avancent dès 5H10, celles du II/KEGR 3 ne reçoivent pas cet ordre, et ne partent que vers 5H30. Le commandement, conscient de cette erreur, ne peut plus la corriger car les unités du 2. GRzF ont déjà atteint les lisières d’Hébuterne. Les Français sont en alerte, Zobel et son uinité le II/KEGGR 3 ne bénéficieront d’aucun effet de surprise.
En outre, pour Zobel et ses camarades du II/ KEGGR 3, l’attaque sur Hébuterne est une surprise totale. En effet, Zobel était en train de creuser des tranchés depuis 21H30 la veille, lorsqu’à 3 H du matin, le II/KEGGR 3 est mis en alerte et reçoit l’ordre de marcher sur la ferme la Louvière. Arrivé sur place à 5H, il y apprend qu’il doit participer à une attaque nocturne avec le 2. GRzF. Mais l‘ordre d’attaque donné indique le début de l’attaque à 5H30… Le commandant du II/KEGGR 3 est lui-aussi très inquiet des conditions de l’attaque : aucune reconnaissance préalable ne peut être faite de la zone de départ, aucune section de pionniers n’est fournie pour détruire d’éventuels obstacles et, surtout, le II/KEGRR 3 constitue le flanc gauche de l’attaque, il n’y a aucune couverture à gauche, le bataillon est à la merci d’une attaque de flanc.
Une avancée silencieuse qui se brise sur les clôturesCe sont donc les unités du 2. GRzF qui avancent les premières vers Hébuterne sans liaison avec le KE GGR 3. Les hommes progressent en colonne, la lune est cachée par les nuages mais le ciel est suffisamment clair pour qu’on puisse s’orienter. Les compagnies avancent silencieusement, avec interdiction de faire le moindre bruit, notamment des cliquetis, de craquer une allumette ou de parler à voix haute. En face, on entend des bruits d’ustensiles, de pelles. Les lignes sont bien occupées.
Les assaillants vont se heurter aux différents obstacles existants en avant du village, haies touffues, hautes clôtures et obstacles de fils. Partout la même situation se reproduit à l’image de ce que décrit le Leutnant Fromme pour sa compagnie, la 5/2. GRzF. La compagnie avance d’abord en colonne avant de faire une halte à environ 1,5 km du village, pour s’assurer, d’une part, que tous les objets métalliques qui peuvent faire du bruit sont bien fixés, et d’autre part, pour mettre la baïonnette au canon. Lorsque l’avance reprend, la compagnie se déploie en tirailleur. A 200 m de la lisière du village, la compagnie constate que les maisons sont partout précédées de vergers entourés de hautes clôtures en fil métallique, répartis de manière aléatoire. Il est impossible d’escalader ces clôtures en pleine nuit avec des hommes équipés de tout leur paquetage. 3 à 4 hommes s’assoient sur les piquets et font plier un secteur de la clôture. Le bruit alerte les Français. D’un seul coup, un feu infernal s’abat de toute part. Les assaillants tentent alors de lancer un assaut mais réalisent, avec horreur, qu’ils font face à des tranchées remplies de tireurs français en rangs serrés. En quelques minutes, la compagnie n’existe plus. Seuls, des morts et des blessés jonchent le sol. Pas un homme n’a pu atteindre la tranchée, pas un n’a eu le temps de tirer. Tous les hommes sont fauchés et gisent à terre à 100 à 150 m devant les tranchées françaises.
Partout le même scénario se reproduit. Le Grenadier Maienschein de la 7/2. GRzF indique que les hommes s’abritent d’abord dans le coude de la route Gommécourt-Hébuterne, avant de tenter d’avancer. Les clôtures forment des obstacles à contourner. Le feu ennemi oblige rapidement à remplir les fusils de cartouches et à tirer. Les hommes ne peuvent casser les fils de fer et sont obligés de se jeter au-dessus des clôtures sous le feu ennemi. Mais tout ce qui bouge est pris sous le feu ennemi. Les hommes ne voient rien dans l’obscurité, à part les ondulations des départs de feu de la ligne des tireurs français. Les hommes utilisent les havresacs pour se protéger et creusent le sol avec les mains.
Au II/KE GGR 3, la situation est tout aussi dramatiques. Les 4 compagnies s’ébranlent depuis les sorties de Serre. Celle la plus à gauche, la 7/KEGGR 3 perd le contact. A droite, ce n’est guère mieux, aucune liaison ne peut être établie avec le 2 GRzF. Le II/KEGGR 3 se heurte à son tour à des clôtures difficiles à franchir d’autant que les hommes disposent en nombre insuffisant de pinces coupantes. Zobel fait partie de ces assaillants. Ils en sont réduits à devoir contourner ces clôtures, perdant leur axe d’attaque. En outre, des « Hourra » lancés par le 4 GRzF dans l’attaque simultanée sur Gommécourt, que le bataillon ignore, sèment la confusion.
Les Français sont en alerte et ouvrent le feu dès que les hommes des KE GGR 3 s’approchent du village. Ils sont à leur tour cloués sur place et utilisent de grandes meules de paille ou un chemin creux pour s’abriter.
Les quelques zones conquises deviennent des piègesL’historique du 2. GRzF insiste sur l’atmosphère très angoissante de cette attaque car les tirs commencent au moment où les ténèbres se lèvent doucement, rendant chaque instant les assaillants plus visibles aux tirs ennemis. Les assaillants sont fractionnés en petits groupes, parfois avec des hommes qu’ils ne connaissent pas, sans avoir où aller, face à un lieu totalement inconnu de nuit sous des tirs semblant venir de partout.
L’historique du 37ème RI relate cette même impression de destruction instantanée : « Une fusillade violente accueille l’ennemi qui débouche à moins de 100 mètres; ses rangs compacts sont immédiatement décimés. »
Des petits groupes des 5, 7 et 8/KEGGR 3, dont peut-être Zobel de la 6/ KEGGR 3, arrivent malgré tout aux entrées du village et tentent d’attaquer sous le commandement des Leutnants Klamann et von Sperling, commandants des 5 et 7/KE GGR 3. Ces deux derniers sont presque aussitôt abattus, et la plupart de leurs hommes également tués, ou faits prisonniers.
Des petits groupes du I/2 GRzF arrivent néanmoins à prendre un élément de tranchée près de la chapelle et poussent leur avantage jusqu’à prendre la barricade obstruant l’entrée de Hébuterne depuis Bucquoy. Ce succès crée un début de panique chez les Français, comme le relate le JMO du 37ème RI: « Néanmoins, l’élan des Allemands est tel que la lutte en vient au corps à corps. Au nord du village, une brèche a été ouverte dans la partie tenue par les territoriaux; mais une brillante contre-attaque du sergent Jausas (4e), à la tête de sa section et de trois sections territoriales, rejette l’ennemi hors de la localité, montrant ainsi ce que peut un chef énergique et à décision prompte à la tête de quelques braves. »
Une trentaine d’hommes de la 7/2. GRzF réussissent à prendre une partie de la tranchée française mais les Français utilisent une clôture non loin comme nouvelle position de résistance. Et les hommes sont décimés, notamment par des tireurs installés dans les maisons ou les arbres proches. Des tirs de flanc et même des tirs amis derrière eux rendent la situation intenable. IIs sont finalement faits prisonniers comme le relate le JMO du 81ème RIT : « Un partie de la garde prussienne qui avait réussi à s’établir dans une tranchée y est attaquée par la 3ème compagnie qui les réduit à l’impuissance et fait 38 prisonniers. »
Des éléments de la 11/2. GRzF arrivent jusqu’à un trou situé à côté de la briqueterie. Les hommes arrivent lentement à rejoindre une tranchée abandonnée qui offre une meilleure protection. Mais les hommes doivent y rester immobiles toute la journée. En face les Français fêtent leur victoire, par des chants et même de l’harmonica. Certains viennent ramasser les blessés du bataillon. Vers 10H, les tirs de l’artillerie soulagent mais sont trop courts. Les assaillants vont rester coincés là, incapables de reculer, d’autant plus que des obus français empêchent toute retraite et augmentent les pertes. Et finalement, selon l’historique du 37ème RI, « Deux cents hommes restés dans la Tuilerie sont obligés de mettre bas les armes. (…) devant la Tuilerie, sur un front de 300 mètres, la couleur du sol disparaît sous la teinte grise de l’uniforme allemand: 100 blessés graves gisent parmi ces cadavres, et il faudra deux jours pour les relever. »
Il n’est pas possible de connaître les circonstances de la mort de Zobel durant ces combats confus. Il tombe sous les tirs français. On ne peut que lui souhaiter d’avoir été tué sur le coup et de ne pas avoir subi le martyr de blessés de la 7/2. GRzF, qui illustre le sort funeste de nombreux blessés de la Garde devant Hébuterne.
Le massacre de la 7/2. GRzFDu côté de la 7/2. GRzF, la situation prend une tournure bien plus tragique. En effet, selon Fromme, lorsque les Français baissent l’intensité du tir, les cris de blessés remplissent le vide laissé par le bruit des balles. Ces cris attisent la haine des Français, qui tirent alors sans pitié sur tous les blessés qui tentent de bouger ou qui crient. Beaucoup de grenadiers blessés sont ainsi achevés. Fromme, également blessé et tombé à terre, témoigne qu’il est lui-même victime de tels tirs lorsqu’il tente de panser la blessure du grenadier Stock, blessé à côté de lui. Il reçoit une balle dans le talon, le grenadier qu’il tentait d’aider reçoit une balle dans la hanche et le ventre. L’homme commence à agoniser. Fromme tente de mieux de se masquer aux vues ennemies et une nouvelle grêle de balles arrive, le grenadier reçoit une nouvelle balle dans la jambe, Fromme n’a que des éclats et une balle dans l’étui de son revolver. Puis, vers 7H, des obus ennemis tombent, causant de nouvelles blessures légères à Fromme. Un peu plus tard, les obusiers de 15 cm allemands prennent sous leur feu la lisière du village, offrant un court répit. Mais les tirs sont un peu trop courts, et Fromme voit avec horreur les obus s’abattre sur les blessés sans défense et hurlant situés les plus près des tranchées françaises. Certains blessés, dans leur désespoir, accrochent des mouchoirs blancs à leur fusil et les agitent vers les Français. Inquiets de voir venir les Français, Fromme enterre dans la précipitation des trophées pris 4 semaines auparavant sur un officier français près de Fère Champenoise, (un revolver et un sabre), car il a entendu dire que les Allemands capturés avec des trophées français étaient abattus sommairement.
Les hommes restent aplatis sans bouger, même quand des obus tombent. Ils reçoivent immobiles les projections de terre et même les éclats sur eux. Ils attendent désespérément de l’aide durant ce jour qui semble sans fin, au milieu des souffrances indicibles des blessés. Fromme réussit à panser le grenadier blessé, ses cris s’atténuent. Ayant réussi à mettre côté à côte les havresacs, le lieutenant bénéficie enfin d’une vue masquée aux Français. Bien que le bombardement allemand ait un peu ébranlé les Français, leur tir reste sporadique. Vers 19H, l’agonie du grenadier se termine et il meurt.
Le Lieutenant espère profiter de la nuit mais la lune brillante rend tout mouvement impossible d’autant que les Français, devenus nerveux avec la nuit, déclenchent un tir violent. Enfin vers 21 H, des nuages masquent la lune. L’officier hèle à voix basse les environs pour indiquer que tous ceux qui peuvent se mouvoir doivent se préparer à reculer. Un seul homme répond, qu’on peut qualifier de « blessé léger », une blessure par balle à l’épaule et une autre au pied. Les deux hommes prennent leur havresac (et l’officier prend même le temps de déterrer ses trophées français) et reculent prudemment sous quelques balles et arrivent enfin à une ondulation de terrain qui les dissimulent aux vues ennemies. Les deux hommes font une pause et mangent pour la première fois de la journée.
Puis à proximité du bois 125, ils croisent des musiciens du régiment qui sont employés à relever les blessés, et sont conduits au poste de secours. La compagnie de Fromme a perdu son commandant et près de 100 hommes. Le régiment a perdu depuis le 3 octobre 24 officiers et 1077 hommes (dont 90 % à Hébuterne), soit plus d’un tiers des effectifs théoriques d’un régiment complet, ce qui n’était déjà plus le cas début octobre…
Au KE GGR 3, ce n’est guère mieux. Au milieu de la matinée, 30 à 40 hommes réussissent à rejoindre la ferme de la Louvière. Quelques autres isolés et blessés arrivent ensuite ainsi que des hommes du 2. GRzF et des pionniers. Les hommes n’en croient pas leurs oreilles lorsqu’ils apprennent qu’une nouvelle attaque doit être menée à 17H. Elle est finalement annulée car le flanc droit de la division semble potentiellement menacé. Des contre-attaques françaises ont déjà eu lieu en fin d’après-midi dans les secteurs de Gommecourt et de la ferme de la Louvière. Le bataillon a engagé 430 hommes, et perd le 6 octobre 5 officiers dont 3 commandants de compagnie, et 240 hommes tués ou blessés, soit plus de 50 % des effectifs, Zobel fait partie de ces 240 hommes. S’y ajoutent les disparus et les prisonniers. Même avec la dissolution de 2 Kompanie-Bagagen, il ne reste plus au II/KEGGR 3 que 160 hommes et 2 officiers, dont le commandant du bataillon. Le front va se figer devant Hébuterne.
Les JMO français insistent sur les énormes pertes de la Garde. Le JMO du 37ème RI indique par exemple que « il fut enterré dans les jours suivants : 346 cadavres allemands, il fut fait environ 100 prisonniers, notamment par la 4 Cie. ». Celui du 82 RIL indique « Dans la nuit 250 prisonniers de la Garde impériale, régiment Elisabeth, sont faits prisonniers par les 7ème et 11ème compagnie. Le régiment met hors de combat un grand nombre d’Allemands, dont 720 tués.. ». Les pertes françaises sont comparativement très faibles. Par exemple, le 81 RIL a des pertes du 5 au 8 oct : 35 tués, 84 blessés, 10 prisonniers.
Le 7 octobre, les Allemands bombardent furieusement Le village d’Hébuterne du matin au soir, le clocher est abattu, de nombreuses maisons incendiées. Les Allemands établissent des tranchées en avant du village. La guerre de position commence.
Les Français restés maitre du terrain nettoient sommairement le terrain des cadavres allemands, un tel nombre de cadavres nécessite des actions rapides et des ensevelissements de masse d’autant que les Allemands tirent sur le village. L’identité des corps a dû être baclée, ce qui explique qu’officiellement, de nombreux soldats allemands tombés devant Hébuterne ne seront jamais retrouvés. C’est le cas de Zobel qui reste aujourd’hui encore sans sépulture. Sa fiche de la croix rouge est d’autant plus émouvante lorsqu’on y lit que la personne à prévenir en cas d’information est sa mère qui a donc attendu en vain des nouvelles du destin de son fils et n’a jamais eu de sépulture où se recueillir.