Re-
Concentrons nous maintenant tout d´abord sur le porteur de ce casque pour essayer d´en apprendre plus sur sa personne.
L´étiquette nominative mentionne le grade de "Unteroffizier". En l´abscence des Stamrollen saxonnes (détruites pendant la seconde guerre mondiale), il n´est pas établi si cet homme était un militaire de carrière, donc d´active, qui revêtait ce grade précis à la mobilisation, ou bien si en sa qualité de réserviste, il fut rappelé dans cette batterie en août 1914.
Mon intuition, basée sur de nombreuses observations de cas nominatifs documentés dans les Friedens- et Kriegsstammrollen encore existantes (Bavière, Bade et Württemberg) me fait cependant pencher en faveur de la première éventualité.
Sa mention dans l´Ehrentafel de la 1/FAR78 en fin d´historique nous apprend qu´il était de la classe 1910, car né le 3.11.90.
Son passage au grade de Unteroffizier très certainement avant la mobilisation est plutôt un indice pour un engagement volontaire, voire éventuellement une "Kapitulation" de 1 ou plusieurs années.
Effectivement, on le retrouve portant ce grade dans une première mention des VL se rapportant à la période située entre le 10.8.14 et le 1.1.15. Il y est mentionné comme ayant été la victime d´une blessure causée par accident. Ce type de blessure est souvent rencontrée chez les artilleurs et les pionniers, ces troupes étant par nature confrontées à la manipulation permanente d´objets et d´engins lourds et explosifs. Par ailleurs, de nombreux accidents furent également causés par divers véhicules et attelages spécifiques à ces armes.
http://des.genealogy.net/search/show/2367280Arthur MANN a du par conséquent être promu au grade de Sergeant entre le 1.1.15 et la date de son décès, le 27.6.16.La mention de sa mort n´a lieu que très tardivement dans les VL, dans une publication récapitulative du 12.8.1919: http://des.genealogy.net/search/show/6072827
Revenons en maintenant à cette fatale patrouille locale réalisée par les Écossais du Glasgow Highlanders dans la nuit du 27 au 28 juin 1916.Voici une carte britannique sur laquelle le secteur de ce raid est entouré en rouge. Les lignes britanniques sont en bleu, les lignes allemandes en rouge. Le bout de la flèche pointe sur la portion de boyaux tenus par le III/ RJR242, plus particulièrement par les compagnies 11 et 12 de ce régiment saxon. Ce mini-secteur fait environ 120 yards de largeur sur 85 yards de profondeur (soit 110 m x 77 m). Cette portion de tranchée est prolongée vers les lignes britanniques par un entonnoir de mine qui est également occupé par des postes de garde saxons.
L´historique du RJR242 nous présente également une carte de ce secteur:
La même carte reportée sur une vue actuelle Google map (merci au sympatique membre qui se reconnaîtra ):
Et un cliché actuel pris de l´endroit où se trouvaient les boyaux de départ écossais. La première maison se trouve en plein milieu de la portion de tranchées ayant été l´objet de ce raid et représente l´endroit de la mort de Arthur MANN (remerci au gentil membre!):Un petit zoom sur la portion de boyaux nous intéressant. La carte allemande mentionne aussi le grand cratère de mine intégré dans les avant-postes saxons du secteur à occuper:
Le War Diary des Glasgow Highlanders est remarquable de par la précision concernant la préparation minutieuse de ce raid. Voici d´abord les scans des documents d´époque, avec un plan très précis de la portion de boyaux à attaquer.LA PRÉPARATION:
En voici une synthèse des grandes lignes pour ceux ne maîtrisant pas la langue de Shakespeare:
" L´objectif de cette attaque est de pénétrer dans ce secteur pré-déterminé dénommé MAD POINT, s´étendant des 1ères au 2ème lignes allemandes et de l´occuper pendant une heure. L´ancien grand entonnoir de mine doit être conquis, tout comme le second cratère plus récent et plus petit. Les galeries de mines partant de ces entonnoirs doivent être détruites. L´objectif secondaire et de faire le plus de prisonniers possible, de ramener un butin matériel considérable, mais aussi d´endommager autant que possible les abris et les systèmes de défense rencontrés dans les boyaux saxons. Les parties à occuper pendant ce raid sont hachurées sur le croquis.
Trois colonnes devront pénétrer dans le secteur allemand en débouchant de 3 sapes de départ. Chaque colonne comprend 47 hommes et un officier et se divise chacune en 3 sections, les deux premières sections de chaque colonne fortes de 14 hommes chacune et la troisième de 18 hommes.
Les trois premières sections de ces trois colonnes doivent avancer en nettoyant et sécurisant d´abord le grand entonnoir de mine et doivent ensuite pénétrer rapidement jusqu´en fin de secteur représenté par les secondes lignes allemandes (entre les points R et X)et verrouiller les tranchées de part et d´autre au niveau de ces points pour bloquer d´éventuels renforts.
Les trois sections intermédiaires de chaque colonne suivent les trois premières sections et sont chargées de nettoyer les boyaux allemands, de briser toute résistance en jetant des grenades dans les entrées d´abri.
Les trois dernières sections de ces 3 colonnes ont comme tâche de suivre les sections intermédiaires qui nettoient les boyaux, et de collecter pendant ce nettoyage, le plus de butin en matériel (mitrailleuses, outils, objets personnels, etc) et de prisonniers vivants possible et de les ramener dans les lignes de départ.
À 23 heures, les premières sections de chacune des 3 colonnes doivent s´acheminer vers les sapes de départ, suivies de près par les deux autres sections.
À 23 heures 30, l´artillerie britannique doit pilonner les lignes allemandes ainsi que le grand entonnoir au devant de ces lignes.
À 23 heures 33, l´artillerie doit cesser son activité et les Britanniques doivent faire sauter une petite mine en avant du grand entonnoir au niveau de MAD POINT.
À 23 heures 34, les 3 premières sections doivent s´élancer, talonnées de près par les deux sections suivantes.
Les tâches sont également méticuleusement réparties entre chaque homme. Ainsi, chaque première section compte 4 hommes équipé chacun de 20 grenades (bombers) qui doivent détruire les abris et 10 hommes devant nettoyer les boyaux à la baionnette (bayonet men).
Chacune des secondes sections sont composées de la même facon mais comporte en plus un homme équipé d´une pelle et 3 autres équipés d´une pioche.
Les troisièmes et dernières sections de chaque colonne dénombrent chacune 3 grenadiers, 4 "bayonet men" pour escorter les prisonniers, 4 autres "bayonet men" pour porter les mitrailleuses et le butin, 3 pionniers équipés d´explosifs et un homme chargé de faire le guet à chaque fin de colonne pour orienter le reflux de troupe avec les prisonniers et le butin.
En tout, dans ces trois colonnes: 141 hommes, 3 officiers et 660 grenades à main.
S´y ajoutent 2 joueurs de clairon, deux téléphonistes et 3 coureurs et un petit groupe de sapeurs composé de 4 hommes, un sous-officier et un officier".
Le DÉROULEMENT DU RAID:Là aussi, le War Diary du 1/9th Highland Light Infantry est riche en détails:
Une synthèse des grandes lignes:
" Après la petite explosion de mine, les colonnes s´élancent dans les deux entonnoirs qui sont quelque peu encombrés par des restes de barbelés. Ces derniers sont rapidement dégagés, il est constaté que les deux cratères sont vides. Deux entrées de galeries sont cependant décelées et les sapeurs y pénètrent, faisant 8 prisonniers. Les sections commencent ensuite à pénétrer dans les boyaux allemands, laissant le capitaine FRAME avec deux joueurs de clairons et les téléphonistes dans le grand cratère de mine.
Dans son secteur, le lieutenant MACNAB somme les occupants de chaque abri rencontré de se rendre en criant dans l´entrée de chaque abri "Kamerad!" Les premiers Allemands se rendent, apparemment satisfaits de leur sort et sont accompagnés vers l´arrière en petits groupes.
Pendant ce temps, le nettoyage des tranchées à la baionnette et le bombardement systématique de chaque abri va bon train dans les boyaux voisins et toutes les sections ont atteint les points fixés sans aucune perte de temps. Il est constaté que les tranchées allemandes ont été aménagées avec beaucoup de soins et qu´elles ont en moyenne une profondeur de 8 feet (env. 2,45 m). Au niveau des points R, Y, X, O et P (prolongement latéraux des boyaux du secteur attaqué), des barricades sont érigées pour éviter les renforts de venir à l´aide. Les hommes armés de pelles et de pioches font tout simplement ébouler les parois des tranchées et installent un remblais dans le fond de ces dernières.
À 00 heures 30, le capitaine FRAME fait claironner le signal du retour qui s´effectue sans encombres.
Les pertes écossaises sont peu nombreuses, un peu plus d´une dizaine de blessés légers et un mort. Les prisonniers allemands furent d´abord acheminés au QG du bataillon, puis ensuitre au QG de la brigade à Le Préolan. Les prisonniers blessés furent envoyés à la 19ème Field Ambulance. Peu après cette attaque, une pluie diluvienne se mit à tomber, innondant sapes et tranchées, secondée par un pilonnage de représaille massif de l´artillerie allemande.
La liste des pertes allemandes est la suivante:
- 38 hommes indemnes fait prisonniers
- 2 hommes décédés en arrivant dans les tranchées écossaises (dont un blessé mortellement par shrapnell)
- 7 hommes blessés envoyés à l´hôpital
- 1 officier tué dans les tranchées allemandes, ses papiers ayant été ramenés
- 10 hommes tués dans les tranchées (pertes minimum sûres)
- 7 hommes laissés blessés dans les tranchées allemandes (constat minimum sûr)
Soit en tout 65 hommes.
Ces pertes sûres sont à compléter par un nombre important de blessés et de tués lors du bombardement des abris.
Le butin en matériel est le suivant:
- 1 mitrailleuse et des pièces d´une seconde mitrailleuse (prises par le lieutenant MACNAB)
- un grand nombre de fusils, de masques à gaz, de casques d´acier et un grand butin d´objets personnels divers
- un certain nombre d´outils de sapeurs
Les galeries de mine trouvées dans les deux entonnoirs furent détruites ainsi qu´un dépôt de grenades dans les boyaux allemands.
Les prisonniers provenaient tous du RJR242 saxon, du KBJR23 bavarois et du PR19 alsacien. Parmi eux se trouvaient un Sergeant et un officier-aspirant.
Le Sergeant Arthur MANN fit partie des morts allemands lors de ce raid. En tant qu´observateur avancé de sa batterie dans les premières lignes, il se trouva au mauvais endroit, au mauvais moment. Aucun autre coup de main n´est signalé du côté britannique à cette date en avant de La Bassée.
On peut s´imaginer qu´un casque à boule d´artilleur representa un trophée de choix pour un des soldats écossais, car très peu rencontré habituellement dans les 1ères lignes.
L´historique du FAR 78 ne perd pas une seule ligne sur cet évènement local. Pour cette période, il se borne à signaler que de nombreuses méthodes d´observation furent employées pour rendre les tirs des batteries plus précis, comme par exemple les Ari-Meßtrupps, les observations par dirigeables et par aéroplanes.
L´historique du RJR242 relativise ce raid écossais en parlant d´une des nuits les plus agitées et en précisant qu´une patrouille ennemie avait réussi à se faufiler dans les deux entonnoirs de mine au devant des positions tenues par le III/RJR242 et à capturer les "faibles avant-postes" s´y trouvant. La 11/242 aurait alors effectué une vigoureuse contre attaque et expulsé rapidement les restes de cette patrouille en faisant main basse sur des explosifs, armes et munitions abandonnés par l´ennemi en fuite...
Il est même reporté le fait d´armes suivant: un prisonnier allemand d´un de ces avant-postes aurait profité de la chute du soldat l´escortant dans les secondes lignes britanniques en lui arrachant son fusil et en retournant dans les lignes allemandes avec sa prise.
Quoi qu´il en soit, les Saxons tirèrent lecon de cette mésaventure en abandonnant ce grand entonnoir au devant de leurs lignes et en le barricadant avec un important réseau de barbelés.
La dépouille mortelle de Arthur MANN dénudée de son casque ainsi que celles de ses camarades d´infortune furent inhumées quelques jours plus tard au cimetière de Salomé.
Sa tombe s´y trouve encore, merci à ceux qui m´ont permis de boucler cette enquête en m´envoyant quelques photos de sa sépulture...