Le corps expéditionnaire de 1895 à Madagascar

Bonjour à tous

L’Assemblée nationale vote en janvier 1894 les crédits d’une expédition qui doit imposer un protectorat sur Madagascar. Le commandant Duchesne est chargé de débarquer avec 18 000 hommes et de prendre la capitale Tananarive.
Le corps expéditionnaire commence à débarquer à Majunga le 23 avril 1895.

L’armée de terre fournit :
- 1 régiment d’infanterie : 200e RI
- 1 bataillon de chasseurs à pied : 40e BCP (formé à partir des 11e, 12e, 14e et 22e BACP)
- 1 régiment d’Algérie :
     - 1 bataillon de la Légion étrangère (formé à partir des 2 régiments étrangers)
     - 2 bataillons de Tirailleurs algériens (formés à partir des 1er, 2e et 3e RTA)
- 4 batteries d’artillerie (2 batteries de montagne d’Algérie et 2 batteries des 6e et 38e RA)
- 2 sections mixtes de munitions
- 2 sections de parc
- des détachements d’ouvriers d’artillerie et d’artificiers
- 1 escadron de Cavalerie (fourni par les Chasseurs d’Afrique)
- 4 compagnies du Génie (fournies par les 1er, 3e, 4e et 6e RG)
- 1 escadron du Train : 30e ETEM
- 1 section de commis et ouvriers d’administration : 30e SCOA
- 1 section d’infirmiers : 30e SIM
- 1 détachement de secrétaires d’état-major

L’armée coloniale fournit :
- 1 régiment d’infanterie : 13e RIMa
- 1 régiment colonial :
    - 1 bataillon de Tirailleurs Malgaches (Sakalaves)
    - 1 bataillon de Volontaires de la Réunion
    - 1 bataillon de Tirailleurs Haoussas
- 3 batteries de montagne (fournies par le 2e RAMa)
- 1 section mixte de munitions
- 1 détachement de Gendarmerie

La Marine fournit :
- 2 croiseurs (Primauguet et Dupetit Thouars)
- 2 avisos de 1ère classe (Dumont d’Urville et Papin)
- 2 avisos de transport (Rance et Romanche)
- 3 canonnières (Gabès, Météore et Lynx)
- 1 ponton (Corrèze)
- 1 transport-hôpital (Schamrock)

Les Marsouins et les Bigors doivent être pourvus, au moment de l’embarquement, d’une capote en drap, d’un pantalon en drap, d’un képi, d’un casque en liège avec ancre (Infanterie) ou grenade (Artillerie), d’un bourgeron en toile, de 2 paletots en toile cachou, de 2 gilets de flanelle, d’une ceinture de flanelle, d’un pantalon de flanelle, d’un pantalon blanc et d’un paletot de molleton.
Au moment du débarquement, la capote en drap, le pantalon en drap et le képi seront laissés sur place pour servir de tenue aux rapatriés. Les soldats recevront un second pantalon de flanelle, un collet à capuchon, une coiffe de casque, un béret et une ceinture de laine.      
On verra donc les Troupes de Marine porter soit le casque colonial, soit le béret (ce sera la même chose quelques années plus tard en Chine).

Pour les troupes de l’armée de terre, je n’ai pas trouvé de description des tenues portées par les soldats...  
Il existe, par contre, une description sommaire des tenues des officiers et des adjudants : une tenue tout en bleu et une tenue en toile cachou.
Le casque colonial est le modèle adopté par les Troupes de Marine, c’est à dire recouvert de coutil croisé écru. Sur le devant est fixé l’attribut distinctif de l’arme ou du service, du modèle adopté pour le shako ou le képi rigide (grenade pour les officiers de la légion étrangère; croissant surmonté d’une étoile pour ceux des Tirailleurs algériens). Ce casque peut être recouvert d’une coiffe en satinette cachou.
On peut donc penser que le casque des hommes de troupe et des sous-officiers portent le même attribut que celui des officiers et des adjudants :      
- RI : Grenade
- BCP : Cor
- Artillerie : Canons entrecroisés surmontés d’une grenade
- ETEM : Grenade
- Génie : Hache et glaive croisés surmontés d’une cuirasse et d’un pot-en-tête
- Tirailleurs algériens : Croissant surmonté d’une étoile
- Légion étrangère : Grenade
- SCOA et SIM : Etoile
- Secrétaires d’EM : Foudre
- Chasseurs d’Afrique : Cor
- Infanterie de marine : Ancre
- Artillerie de marine : Grenade
- Gendarmerie : Grenade

L’illustrateur Louis Tinayre couvre l’expédition pour le Monde illustré. Il appartient à cette nouvelle catégorie de « peintres-reporters » qui accompagne les campagnes coloniales de la IIIe République.
Je n’ai pas retenu les nombreux dessins parus dans les autres journaux de l’époque car je pense qu’ils sont plus ou moins fantaisistes. Par exemple, un dessin en couleur du journal L’Illustration montre un Spahi algérien alors que la cavalerie de l’expédition ne comportait que des Chasseurs d’Afrique !

Quant aux photos, je n’en ai pas trouvées beaucoup sur le net. Si vous en avez, ou si ce sujet a déjà été traité sur une ancienne revue, n’hésitez pas à intervenir.
Dans un numéro du Passepoil, on trouve 2 tenues du 13e RIMa :

Bonsoir Marsouin,

Superbeee !

Merci beaucoup pour ce Post.

Excellente soirée à vous Marsouin.
Jean-Luc
WARS & PEACES MINIATURES

Pour les Chasseurs d’Afrique, on peut voir sur ce dessin (légendé « Courrier du Quartier Général traversant les échelons ») que l’attribut sur le casque est bien celui présent sur le taconnet en Algérie. Les officiers qui reçoivent le courrier font partie de l’Infanterie de Marine.

Le dessin suivant ne représente ni un Chasseur d’Afrique, ni un Chasseur à pied   
La légende indique Maréchal des logis CHANZY « La paye des coolies ».
CHANZY Alfred Marie Louis est le fils de l’ancien Général et Gouverneur de l’Algérie.
Sur son dossier LH, il est marqué que c’est un maréchal des logis du 9e Chasseurs à cheval mis hors cadres et affecté à la mission Lionel Dede pour le recrutement des coolies 

Sur ce dessin (légendé « Campement des troupes du Génie »), on peut deviner l’attribut du Génie, à savoir une hache et un glaive croisés surmontés d’une cuirasse et d’un pot-en-tête :

Une photo de l’embarquement du 200e RI montre que l’infanterie est partie avec le casque colonial.
Les officiers et les adjudants ont un bonnet de police dans les bagages.
Pour la troupe et les sous-officiers, bonnet de police ou béret, ou les deux ?



Sergent-major BRIVOT Louis Etienne, détaché du 161e RI :

Les Tirailleurs algériens partent aussi avec le casque colonial mais ils gardent leur tenue "orientale".
Si ce casque comporte un attribut, ce pourrait être celui-ci : https://lagrandeguerre.1fr1.net/t126479-insigne-de-casque-colonial  
Un attribut de casque presque identique est décrit en 1895 dans une note ministérielle concernant les tirailleurs et spahis sahariens. Je dis presque identique car, pour les Sahariens, l’étoile est censée être ajourée et porter en son centre le numéro du bataillon. Avant la création de ce corps par la loi du 5 décembre 1894, c’étaient les tirailleurs et les spahis algériens qui assuraient la garde des avant-postes du Sud. Il se pourrait donc que ces tirailleurs algériens qui partent pour Madagascar aient déjà porté le casque colonial (avec ou sans attribut) lors de missions dans le sud de l’Algérie.

Photos sur http://military-photos.com/madagascar2.htm

Dessin légendé « Cantonnement des officiers d’Artillerie ».
Le casque du brigadier semble avoir comme attribut les canons entrecroisés surmontés d’une grenade.
On peut en voir un sur ce fil : https://lagrandeguerre.1fr1.net/t97620-k-attributs-amovible-artillerie-casque-colonial-vendu-metz-12-11-16?highlight=casque+colonial
Par contre, je pense que le dessin en bas du fil fait la confusion entre un canonnier colonial et un canonnier de l’Armée de terre aux Colonies...
Je n’ai jamais vu un texte, ou même une photo, qui pourrait laisser penser que l’attribut du casque de l’Artillerie de Marine, puis Coloniale, n’a pas toujours été une grenade (par contre, la plaque de l’ancien shako avait les canons entrecroisés sur une ancre, le tout surmonté d’une grenade).

Cette photo supposée du 40e BCP est visible sur presque toutes les pages qui traitent de l’expédition de Madagascar de 1895 (le parcours de ce bataillon est décrit en détail ici : https://diables-bleus-du-30e.actifforum.com/t1727-40-e-bcp-a-majunga-mai-1895 ).
Ce que je trouve bizarre, c’est que le soldat à gauche semble avoir une trompette et pas un clairon…

Bon WE

Jean

Bonsoir Marsouin, merci pour cet épisode de notre histoire. Alain

Bonsoir.
Fort intéressant.
Je dois avoir des photos d un off du 200 Ri.
Bien cordialement

Bonjour à tous

Sur ce dessin, on peut voir le Directeur du Service des étapes, le Colonel BAILLOUD Maurice Camille. Il est rattaché au 38e RA (il semble y avoir sur son casque des canons entrecroisés surmontés d'une grenade). En 1900, en tant que Général, il fera partie du corps expéditionnaire de Chine.


Ci-dessous, c'est bien le capitaine COLLIGNY, comme indiqué par la légende, mais j'ai l'impression que le dessinateur lui a mis 4 galons !
THOMAS DE COLLIGNY François Louis Frédéric est au 36e RI (grenade sur le casque) lorsqu'il est détaché à la Direction du Service des étapes.


On notera sur les 2 dessins le port d'un brassard.
La description sommaire de la tenue des officiers du corps expéditionnaire indique que les officiers du service d'état-major portent le brassard (division et brigade) et les aiguillettes (exceptionnellement).
Par contre, rien n'est mentionné pour les officiers du service des étapes...  


Jean

Bonsoir,

A noter la présence au Corps expéditionnaire d'une batterie de canons de 120 C modèle 1890 Baquet, réduite à 4 pièces et placée sous la surveillance technique du créateur de ce canon, le capitaine Baquet, nommé responsable du Parc d'Artillerie.
Ces canons furent d'ailleurs très peu employés compte-tenu des difficultés des déplacements et de l'absence de fortification de campagne pouvant justifier leur emploi.
Cordialement,
Guy François.

Merci pour ces précisions.

Sur ce dessin, il ne doit pas s'agir de cette batterie :


Jean

Bonjour à tous

Le corps expéditionnaire eut à déplorer la perte de plus de 7 900 soldats, en raison de paludisme, typhoïde ou dysenterie.
Seuls 20 soldats sont décédés suite aux combats...



Jean

Bonjour,
A noter dans ce corps expéditionnaire la présence d'un officier en 1895, devenu célèbre en 1914 1918, sous le titre d'intendant général et né à Metz en août 1959 : Louis Adrian, qui a lui aussi été victime des maladies tropicales qui l'ont affecté ensuite, mort en 1933.
Effectivement, comme lors de la campagne mexicaine quelques décennies auparavant, les unités françaises ont été décimées par les maladies...
Cordialement.
P. Lamy

Et les moyens d'évacuation des malades n'avaient pas beaucoup évolué depuis le Second Empire


En 1865 :


Jean

Bonjour

Un autre célèbre personne a participé à l expédition : le colonel Joffre.

Joffre est alors chargé de la fortification du port de Diego-Suarez pour lutter contre la poche de résistance malgache qui irrite beaucoup Gallieni

Dans la lettre du 16 juillet 1899, au ministre des colonies, le général Gallieni écrit:

Depuis 4 mois, un véritable tour de force à été accompli. Le colonel Joffre à hautement justifié par sa compétence technique, son activité communicative, la fermeté de son commandement  le choix dont il a été l objet....





.

Bonsoir.
Afin de compléter ce beau sujet, des clichés ayant appartenu au capitaine Jean Baptiste Civatte. Il est affecté comme sous lieutenant au 200 RI.
Il meurt en septembre 14 au 1 er zouaves,
Bien cordialement

Bonjour à tous

Merci pour ces belles photos.
Je vois qu'un capitaine n'a pas voulu se séparer de son dolman...


Jean

Bonsoir,

En complément, je vous transmets quelques photos prise à Saint-Racho (Saône-et-Loire), lieu où j'ai découvert par le plus grand hasard ce monument très inattendu au fin fond de la campagne.

Cordialement,

Nicolas

Bonjour à tous

Sur ce monument, il y a une plaque concernant un GUILLOUX Jean Joseph, caporal au B.M.T.H.
J'ai trouvé la fiche matricule mais la seule affectation indiquée est le 7e RIMa : https://www.archives71.fr/ark:/60535/s0053418f8e9a3c1/53418f8ea3ffe
Je suppose que B.M.T.H. veut dire Bataillon de Marche de Tirailleurs Haoussas.

En ce qui concerne LAMURE Jean Benoît, il faut lire 4e RIMa et non pas 40e RIMa : https://www.archives71.fr/ark:/60535/s00537ef866b60a6/537f177db4cf0


Jean

Bonjour à tous

Le corps expéditionnaire a fait appel à des interprètes malgaches; Certains sont même devenus gouverneurs : https://www.liberation.fr/debats/2018/01/07/madagascar-des-interpretes-devenus-gouverneurs-coloniaux_1816769/
Si quelqu'un tombe un jour sur ces broderies de col et de bonnet de police, il saura au moins ce que c'est...


Jean