Bonjour,
Merci à ceux qui suivent
C´est complexe et cà le devient maintenant encore plus....
Focussons nous maintenant d´abord sur les grandes lignes réglementant le rôle de ces Bezirks-Kommandos ainsi que sur le type de personnel qui y était recruté. Il est nécessaire, voire même impératif de synthétiser tellement la réglementation des ces Bezirks-Kommandos est longue et fastidieuse
En 1888, suite à une croissance permanente en effectif de l´armée impériale et à un remaniement des durées de service d´active, de réserve, de Landwehr et de Landsturm, une restructuration fondamentale s´imposa, réglementée par une Wehrordnung (règlement intérieur de la défense) du 22 novembre de cette même année. L´entrée en vigueur fut l´année 1889.
Les districts des corps d´armée (en 1888, encore au nombre de 19) furent subdivisés en districts divisionnaires (Divisionsbezirke) et districts de brigade (Brigadebezirke).
Cette restructuration donna naissance au niveau de chaque brigade d´infanterie aux Bezirks-Kommandos, organes de contrôle locaux de la Landwehrbehörde. Leurs étaient subordonnés les bureaux d´état civils ainsi que les Feldwebel des districts (Bezirksfeldwebel). Le travail des Bezirks-Kommandos est lui même contrôlé par le commandement de la brigade d´infanterie (Infanteriebrigadekommando) et de l´inspection de la Landwehr (Landwehrinspektion).
Les Bezirks-Kommandos sont en étroite coordination et collaboration avec les régiments d´infanterie de la brigade dont ils dépendent. Ils représentent le maillon entre d´une part les troupes d´active et d´autre part les réservistes et Landwehriens (beurlaubte Mannschaften). Ils ont aussi à leur charge la gestion des invalides, le recrutement annuel des recrues pour les régiments d´active de leur brigade, le rappel des réservistes et Landwehriens pour les périodes d´exercices ainsi que la préparation permanente d´un éventuel cas de mobilisation générale. L´ampleur du travail d´un Bezirks-Kommando s´étend aussi aux domaines suivants: séjour des réservistes et Landwehriens en dehors d´un pays européen, mariage, changements de nationalité, tribunal militaire, cour d´honneur, procédures disciplinaires et punitions, pensions et retraites, médailles et décorations, enterrements, promotions, gestion des finances du Bezirks-Kommando, ravitaillement des réservistes et Landwehriens lors des rappels, etc...
Chaque Bezirks-Kommando dispose de son propre dépôt en équipements et uniformes (Montierungskammer) qui doivent être gérés pour les périodes de rappels mais aussi distribués aux réservistes en cas de mobilisation. Il en va de même pour divers attelages et véhicules nécessités lors de ces rappels ou d´une éventuelle mobilisation.
Les effectifs en personnel d´un Bezirks-Kommando sont les suivants:
- Un officier d´état-major (Stabsoffizier): Le Bezirks-Kommandeur
- Un Adjutant (aide ou suppléant de l´officier): Le Bezirks-Adjutant, souvent un Leutnant ou Oberleutnant d´active qui assure cette fonction 2-3 ans de suite. C´est lui qui s´occupe en personne de la gestion des officiers de son district. C´est lui aussi qui doit s´assurer que le personnel du Bezirks-Kommando soit soumis périodiquement à des exercices de tir et autres mesures visant à maintenir la discipline soldatesque de ses hommes.
C´est également à lui qu´incombe le contrôle qualitatif et quantitatif de l´équipement de la Kammer du Bezirks-Kommando.
- Entre 4 et 6 Feldwebel. Ces hommes sont les maillons entre le "bas personnel" et le chef du Bezirk-Kommandos et son Adjutant. Ils se doivent de coordonner le travail entre ces deux étages et doivent faire preuve d´une grande discipline, flexibilité et routine de travail.
- 2 Sergeanten (1 sous-officier-fourrier et 1 secrétaire de district)
- 2 Unteroffiziere.
Ces 4 hommes aux grades de sous-officiers subalternes sont uniquement chargés du travail écrit et doivent dresser et actualiser diverses listes. Ce sont les secrétaires du Bezirks-Kommandos.
- 4 Gefreite. Ces hommes doivent être capables de remplacer un sous-officier subalterne absent ou malade et de seconder le Bezirksfeldwebel dans son travail quotidien.
- 4 soldats du rang (Musketiere) dont un cordonnier et un tailleur dans le civil, qui ont comme tâche la réparation des effets dont le Bezirk-Kommando à la responsabilité de gestion. Les deux autres soldats du rang sont souvent les "Bursche" (ordonnances) de l´officier et de son Adjutant. Au Bezirks-Kommando, ils sont chargés des tâches simples, comme par exemple copier des textes, mettre les documents sous couvert, classer les dossiers. Dans le civil, ils sont souvent cuisiniers (Koch) ou palefreniers (Pferdeknecht). La consultation des fiches individuelles des Bezirks-Kommandos badois et württembergeois confirme à merveille le choix de ces professions civiles pour un emploi dans un Bezirk-Kommando. Ces professions sont sur-représentées. Il faut y ajouter les deux professions suivantes, également sur-représentées, dont il n´est pas besoin d´expliquer la logique de choix pour les tâches administratives à effectuer au sein de ces micro-unité administratives: employé de bureau (Büro-Gehilfe) et commercant / gestionnaire de commerce(Kaufmann).
Chaque année au début du mois d´octobre, les effectifs de l´Unterpersonal (les hommes du rang destinés à former l´effectif de base d´un Bezirks-Kommando) sont puisés, en fonction de leur profession dans le civil, parmi les effectifs des régiments d´active de la brigade et les Kapitulanten (engagés volontaires de deux ans). Une fois engagés au Bezirks-Kommando, c´est au sein de ce même régiment d´active que ces hommes sont d´abord soumis à une assez courte période de formation militaire basique durant en général entre 6 et 12 semaines uniquement. Ceci est confirmé par les archives de Stuttgart et Karlsruhe dans lesquelles cette période est majoritairement mentionnée comme étant de 7 semaines.
Lors des rappels périodiques des réservistes et Landwehriens, le personnel du Bezirks-Kommando n´y participe pas et reste en fonction dans ses bureaux.
De même en cas de mobilisation. Seulement et uniquement après le déploiement des unités d´active, puis de réserve et enfin de Landwehr, et finalement le rappel des hommes de la Landsturm, les sous-offs subalternes et les Musketiere des Bezirks-Kommandos sont aussitôt à répartir au sein des unités combattantes. Ce qui est logique, car dans le cas de la mobilisation d´août 1914, il s´agissait en grande majorité de recrues d´active des deux classes 1912 et 1913, donc de jeunes hommes dans la force de l´âge et parfaitement aptes au combat.
Là aussi, ceci est admirablement confirmé par la consultation acribique des archives badoises et württembergeoises.
On peut observer que les hommes du rang des classes 1912 et 1913 employés au Bezirks-Kommandos furent dans leur écrasante majorité envoyés entre août et décembre 1914 à l´Ersatz-Bataillon du régiment d´active de la brigade d´infanterie dont dépendait leur Bezirks-Kommando en temps de paix, régiment d´active qui fut bien souvent celui dans lequel il effectuèrent leur formation militaire sommaire de quelques semaines en 1912 ou 1913. Contrairement à ce que je pu penser au début, ces hommes ne furent pas envoyés dans cet Ersatz-bataillon pour effectuer là ausi une tâche administrative. Non, ils y restèrent entre 2 et 3 mois pour parfaire ou rattrapper leur formation militaire, et on en retrouve effectivement plus tard un certain nombre dans des publications des VL de 1915 et 1916, mentionnés comme blessés ou tués au sein d´une compagnie combattante de ce même régiment d´active. Comme il s agissait de jeunes soldats d´entre 20 et 23 ans, les archives de Stuttgart et Karlsruhe nous démontrent qu´ ils n´ont jamais été mutés dans une unité de réserve ou de Landwehr. Seules exceptions que je pu déceler: les Feldwebel d´active des Bezirks-Kommandos, qui eux, furent mutés dans des unités de réserve ou de Landwehr, voire même dans les jeunes régiments R2XX formés en automne 1914. Ceci est très logique, car ces unités de seconde ou troisième ligne manquaient cruellement de cadres militaires. C´est également pour cette raison que bon nombre de Bezirks-Kommandeur (les commandants des Bezirks-Kommandos) furent nommés dès l´automne 1914 chefs de bataillons de telles unités secondaires ou tertiaires. Leur place fût alors prises aux Bezirks-Kommandos par de vieux officiers de Landwehr ou bien des anciens officiers d´active pensionnés depuis longtemps et qui furent reactivés pour cette occasion.
En ce qui concerne le personnel des sous-officiers subalternes et l´Unterpersonal des Bezirks-Kommandos en temps de guerre, après le départ en campagne des classes 1912 et 1913, on observe dans les archives badoises et württembergeoises que ces postes furent également aussitôt occupés par de vieux soldats de la Landsturm dépassant de loin la quarantaine, là aussi en majorité ayant une expérience professionnelle dans le domaine de l´administration ou du commercial. Ils furent secondés par des soldats invalides ou mutilés qui n´étaient plus jugés aptes ni pour un service en campagne, ni même pour un service en garnison dans un Ersatz-Bataillon.
Suite à ces nombreuses observations et constats, revenons en maintenant au casque faisant l´objet de ce post, ainsi qu´à son dernier porteur, le Musketier JESS (JEß).
Si nous considérons la grande probabilité que cet homme fut très vraisemblablement le dernier porteur du temps de paix précédant la mobilisation (présence de sa nominette encore intacte en cohabitation avec des traces et restes de 2-3 autres anciennes nominettes décollées ou grattées sur un vieux casque "en fin de course" déjà déclassé en seconde garniture), nous pouvons en déduire qu´il fit partie de la classe 1912 ou 1913, c´est à dire qu´il débuta son service d´active de deux ans, soit au début octobre 1912, soit au début octobre 1913.
Dans les deux cas, la mobilisation d´août 1914 mit abruptement fin à son départ en réserve.
De 1889 à 1892, ce sont les trois Bezirks-Kommandos de Rendsburg (I et II/JR85), Altona (JR31) et Kiel (III/JR85) qui furent subordonnés à la 36ème Infanterie Brigade.
De 1893 à 1912, le Bezirks-Kommando d´Altona ne dépendit plus de cette brigade d´infanterie et les tâches furent réparties entres les deux Bezirks-Kommandos restants de Kiel et Rendsburg pour les affaires liées au JR31 et au JR85.
Au début de l´année 1913, ce fut le Bezirks-Kommando Kiel qui cessa d´être subordonné à cette 36ème brigade, vraisemblablement dû au fait du gigantesque essort de la marine de guerre impériale allemande en garnison dans la ville portuaire de Kiel. Ceci est particulièrement bien visible sur cette carte d´époque ci-dessous datée 1914 et mentionnant toutes les garnisons d´unités d´active (infanterie, cavalarie, artillerie), Bezirk-Kommandos, Marine, etc..
https://wiki.genealogy.net/images//b/b7/Garnisonskarte1914.jpgUn gros plan sur la région du IX AK nous intéressant et montrant qu´en 1914, la garnison de Kiel était devenu gigantesque!Ceci explique donc que dès début 1913, les affaires liées à la 36ème Infanterie Brigade (JR31 + JR85) furent déléguées au seul Bezirks-Kommando de Rendsburg.
Pour la suite de cette enquête, il est néanmoins fondamental de garder à l´esprit que le III/JR85 resta tout de même exclavé en garnison de Kiel jusqu´à la mobilisation d´août 1914, même si la subordination de sa brigade d´appartenance fut confiée au Bezirks-Kommando de Rendsburg! Ceci implique que le III/JR85 continua en octobre 1913 à fournir le Bezirks-Kommando de Kiel en personnel administratif nécessité et à se charger de sa formation militaire sommaire de quelques semaines.
Si le Musketier JESS fit partie de la classe 1912, il intégra le personnel du Bezirks-Kommando au début du mois d´octobre 1912 et effectua dans un premier temps ses 6-12 semaines de service militaire basique au III/JR85 de la même garnison de Kiel. Le fait qu´il percu ce casque tamponné à la 36 IB est logique car le Bezirks-Kommando de Kiel était encore subordonné à cette brigade.
On peut songer, que même si le Musketier JESS fut appelé au Bezirks-Kommando de Kiel en octobre 1913 (classe 1913), il put tout de même encore percevoir ce casque tamponné à la 36 Infanterie Brigade, malgré le fait que l´administration de cette dernière fut centralisée au début de 1913 au Bezirks-Kommando de Rendsburg. Moins d´un an avant la mobilisation, il n´y eu, pour une telle micro-unité, vraisemblablement guère l´utilité ni le temps d´actualiser ou de barrer ce tampon "36.K."
Lors de la mobilisation, comme le prescrivait le règlement, le Musketier JESS s´occupa donc du rappel des réservistes dans les nombreuses unités d´active de la garnison de Kiel.
Une fois ces unités parties en campagne, ce fut le tour de l´état-major et du I/RJR84 qui furent eux aussi mobilisés à Kiel entre le 2 et le 9 août 1914, puis finalement du II/LJR84, dont les réservistes furent également mobilisés dans la ville de Kiel avant de partir sur le front de l´est, pour stopper l´invasion russe en Prusse Orientale.
Dès lors se pose la question cruciale. Que devint le Musketier JESS, une fois toutes ces tâches administratives de mobilisation effectuées?
Logiquement, comme le démontrent les nombreuses observations des fiches individuelles du personnel des Bezirks-Kommandos badois et württembergeois, ces recrues furent reversées majoritairement dans l´Ersatz-Bataillon du régiment de ligne proche de leur Bezirks-Kommando, ceci afin de compléter, comme déjà dit plus haut, leur instruction aux armes encore très sommaire, pour les envoyer le plus rapidement possible dans une compagnie combattante.
Dans le cas de JESS, il ne peut donc s´agir que de l´Ersatz-Bataillon du JR85 qui se trouvait à Rendsburg.
Le moteur de recherche des VL donne pour ce nom au JR85 trois résultats qui permettent un rapide procédé par élimination.
1) Un Gefreiter der Reserve Otto Jeß de la 9/JR85, originaire de Kiel. D´abord mentionné comme blessé lors des combats du 12 septembre 1914 à Vic sur Aisne:
https://des.genealogy.net/search/show/370822Rectifié dans une publication de 1915 comme se trouvant en captivité:
https://des.genealogy.net/search/show/292507Cet homme ne peut venir en compte, car il s´agit d´un réserviste qui n´était pas en service d´active à la mobilisation.
2) Le Wehrmann Wilhelm Jeß de la 7/JR85, originaire d´Eckernförde, tombé le 20.9.14 lors du combat à Autrêches:
https://des.genealogy.net/search/show/1101832Cet homme aussi peut être exclus car il s´agit d´un Landwehrien (Wehrmann), lui aussi ne se trouvant plus en service d´active juste avant la mobilisation.
Et finalement:
3) Claus Jeß, originaire de Oldersbek /Husum (à 12km de chez moi), 11/JR85 (une des compagnies faisant partie du III/JR85 de Kiel) mentionné dans une publication d´août 1916 comme décédé des suites de ses blessures:
https://des.genealogy.net/search/show/3284925Une semaine plus tard, une seconde publication précise que son grade est Gefreiter:
https://des.genealogy.net/search/show/86616Il est fort probable qu´il fut promu au grade de Gefreiter au bout de 6-8 mois de service au Bezirks-Kommando de Kiel. Ces promotions à ce grade et après cette durée de service sont également très fréquemment observées sur les fiches individuelles du personnel des Bezirks-Kommandos badois et württembergeois.
On le retrouve dans l´Ehrentafel du JR85. On y apprend que sa blessure se produisit le 17.7.16 et qu´il décéda le 20.7.16 dans un Feldlazarett à Quivières (Somme), entre Péronne et Ham:
Claus (Otto) Jess repose au cimetière de Manicourt:
L´été 1916 (juillet-août) est souvent mentionné dans différents historiques de régiment comme étant la période charnière lors de laquelle la troupe fut équipée de facon généralisée du nouveau casque M16, les casques à pointe étant alors en contre partie retournés à l´Ersatz-Bataillon du régiment pour coiffer les nouvelles recrues en cours de formation.
C´est vraisemblablement cet acheminement que suivi le casque de Claus Jess après son décès et ce qui peut expliquer sa perduration en Allemagne.
L´historique du régiment frère du JR85, le JR31, mentionne en page 142, que le 9 mars 1916, les tout premiers casques M16 au nombre de 167 (!) furent distribués au régiment, uniquement destinés aux sentinelles dans les postes de guetteurs de première ligne. On peut s´imaginer que ceci fut aussi le cas dans le même ordre quantitatif au JR85. Les casques à pointe continuèrent donc d´être portés encore quelques mois au front au sein de cette brigade.
Que se passa t´il lors cette journée du 17.07.16, date de la blessure mortelle de Claus Jess?
L´historique du JR85 nous apprend que le régiment se trouvait dans la Somme à Estrées-Deniécourt depuis le 10 juillet.
Dans la nuit du 16 au 17 juillet, le III/JR85 de Jess relève le I/JR85 en première ligne. Les jours suivants, l´artillerie francaise écrase les positions allemandes sous un violent bombardement d´obus à gaz mais aussi sous forme de très nombreux projectiles lourds de mortiers de tranchée. Les avions francais survolent les lignes du III/JR85 et guident les tirs très précisément sur les regroupements de troupe et sur les abris, l´aviation allemande étant quasiment absente dans ce secteur. En l´espace de 10 heures, les Allemands décomptent 500 coups d´artillerie lourde, 4500 coups de moyen et léger calibres.
Claus Jess fut donc une des nombreuses victimes du III/JR85 lors de cette journée de pilonnage intensif sans attaque de l´armée francaise qui ne se produisit que le 20 juillet, jour où Jess succomba de ses blessures...
Merci à vous tous d´avoir pris le temps de lire ce sujet complexe.