Bonjour à vous .
Je me permet cette petite digression ( dont j'ai mis copie dans la rubrique " Parcours de régiments" ) concernant le 17ème RI en 1907 et les régiments du Midi ( Région qui m'est chère ).
A partir de Mai 1907 les Languedociens réclament l'abrogation de la loi de 1903 sur la « chaptalisation » et la "surtaxe du sucre" ( Serions nous dans l'actualité du moment ?
).
Le Président du Conseil Georges Clemenceau ne veut rien entendre.
Marcelin ALBERT, cafetier et vigneron d'ARGELIERS (Aude), prend la tête de la contestation. Le 12 mai 1907 il avertit le gouvernement que si rien n'est fait il décrétera la grève de l'impôt et appellera les municipalités à démissionner.
Dès le début Juin les manifestations dominicales s'étaient déroulées dans le calme et étaient pacifiques mais Clemenceau jugea que force devait rester à la loi et pour rétablir l'ordre fit appel à l'armée .Dès le 17 juin 22 régiments d’infanterie et 12 régiments de cavalerie occupaient tout le Midi, soit 25 000 fantassins et 8 000 cavaliers. La gendarmerie reçut l'ordre d’incarcérer les responsables des manifestations.
Le 19 juin Ernest FERROUL est arrêté à Narbonne par les militaires du 139e régiment d'infanterie et emprisonné à MONTPELLIER.
Trois autres membres du comité de défense viticole se livrent aux gendarmes à Argeliers. La nouvelle de l'arrestation programmée de tous les membres du Comité d'Argeliers met le feu aux poudres.
Le drame survient à Narbonne le même jour où des tirs du 10ème Régiment de Cuirassiers de Lyon font 2 morts dont un adolescent. Le lendemain, nouveau drame face à une foule qui hurle sa haine avec un bilan de 5 morts.
Le 17e régiment d'infanterie de ligne, composé de réservistes et de conscrits du pays, avait été muté de Béziers à Agde le 18 juin 1907. Le soir du 20 juin, apprenant la fusillade, environ 500 soldats de la 6e compagnie du 17e régiment se mutinent, ils pillent l’armurerie et prennent la direction de Béziers.
Ils parcourent une vingtaine de kilomètres de nuit. Le 21 juin, en début de matinée ils arrivent en ville accueillis chaleureusement par les Biterrois. Ils fraternisent et occupent les allées Paul RIQUET et s'opposent pacifiquement aux forces armées en place mettant crosse en l’air. La population leur offre vin et nourriture. À Paulhan la voie ferrée est mise hors service par des manifestants qui stoppent ainsi un convoi militaire chargé de mater les mutins. Les autorités militaires ne peuvent accepter cette mutinerie. L'exemple du 17e régiment peut donner des idées similaires à d'autres régiments de la région.
La République tremble, Clemenceau doit faire face à un vote de défiance. Il joue son va-tout en intimant au commandement militaire de chasser les mutins dans la journée. Il y a négociation et dans l’après-midi, après avoir obtenu la garantie qu’aucune sanction ne leur sera infligée, les soldats du 17e déposent les armes et se dirigent vers la gare sous bonne escorte et sans incident . Le 22 juin, par train, ils regagnent leur caserne d'AGDE. Clemenceau annonce la fin de la mutinerie . Le 23 juin une loi est votée qui réprime la chaptalisation massive des vins.
La négociation et l’ampleur du mouvement permettent d’éviter une punition collective. Les mutins du 17e sont affectés à GAFSA (Tunisie) lieu de cantonnement de compagnies disciplinaires mais ils restent en dehors de ce cadre sous statut militaire ordinaire.
Il n'y eut donc pas de sanctions pénales à la révolte du 17e, contrairement à la légende qui courut à ce sujet. Cependant, durant la Première Guerre Mondiale, poursuivis par leur réputation de déserteurs, ils furent nombreux à être envoyés en première ligne notamment dans les assauts sanglants de 1914. C'est à la suite de ces événements que les conscrits effectueront leur service militaire loin de chez eux et non plus forcément dans une conscription "Régionale".
La mutinerie des soldats du 17e est restée célèbre notamment par les paroles de la chanson de MONTHEHUS "Gloire au 17eme" , dont le refrain clame : « Salut, salut à vous, Braves soldats du 17ème… »
Georges Clemenceau était assez homme d'État pour analyser la situation. La mobilisation du Midi viticole et la mutinerie du 17e qui lui a fait suite étaient inquiétantes. La révolte s'amplifiait chaque semaine et menaçait de gagner d'autres régions viticoles. La solidarité des élus locaux et nationaux menaçait de saper la majorité gouvernementale. Mais le plus inquiétant restait la mutinerie des soldats. Les gouvernements de la Troisième République utilisaient l'armée pour faire régner l'ordre social .Le refus de la troupe de réprimer menaçait le pouvoir laissé sans protection armée face à une classe ouvrière et une paysannerie mobilisées.
Cordialement
Christian