Un casque raconte: L´anéantissement du II/LGR109 à Carency, 12 mai 1915

Bonjour,

Point de départ de cette nouvelle enquête nominative sans prétention est un casque atypique du LGR109  "qui n´en jette pas"...Il ne fera vraisemblablement jamais le bonheur des collectionneurs puristes, des fétichistes de coiffures de régiments prestigieux (casque à garnitures laiton au sein d´un régiment à casques à garnitures maillechort = règlement bafoué = peu digne d´être collectionné).
Mais pour moi, il constitue une pierre d´angle de ma collection, une de mes pièces préférées, car il raconte et nous permet, plus de 100 ans plus tard, de plonger avec précision dans le vif de l´Histoire d´une terrible journée, une parmi tant d´autres! Cette possibilité n´est pas donnée à tous les objets. Nombre de beaux "sang neuf" blancs parfaitement réglementaires trônent dans leurs vitrines, leur rutilance n´ayant d´égal que leur mutisme...

Les points "faibles": 

1) Ce trophée des combats d´Artois du printemps 1915 fut retrouvé avec sa jugulaire mais orphelin de sa plaque et de ses cocardes d´origine, ensemble avec un casque en métal à garnitures blanches, lui aussi orphelin de sa plaque qui avait du être un grand griffon blanc, vu l´entraxe très large (un bordereau de Feldpost en carton au nom d´un soldat de la 9/LGR109 avait de surcroit été découvert sous la basane, placé en cerclage comme rembourrage). 

Le lien initial de la découverte:

https://lagrandeguerre.1fr1.net/t127406-etude-de-2-casques-a-pointe-badois-lgr109-nominatifs-assez-singuliers

Le poilu qui avait ramené ces casque en souvenir (ou bien un collectionneur de vieille date) avait, très certainement par méconnaissance, interchangé certains éléments en affublant arbitrairement ce casque à garnitures laiton d´une plaque du JR95/153 (sans ses coins de cuir), les pontets correspondant par chance à l´écartement des oeillets.

L´acquéreur (et futur vendeur) de ces deux casques remit savamment mon futur locataire (casque de droite) dans sa configuration historique d´origine, faisant preuve de doigté et de respect de l´objet en le complétant de deux cocardes originales et d´une plaque badoise classique jaune présentant une patine cohérente au reste des garnitures métalliques.




2) Le trou avant de la pointe n´étant pas dans l´axe, il est probable que la pointe fut d´abord démontée puis remise en place. L´aspect des linguets des rivets de pointe repliés sur la Teller plaide pour cette hypothèse tout en semblant accréditer une manipulation de longue date ( pattes des linguets recouverts de patine et d´oxydation), raison qui me poussa ici à ne rien changer du tout.

Les points "forts":

1) L´aspect nominatif et sans ambiguité du casque, qui va permettre de retracer son histoire et celui de son porteur
2) La parfaite cohérence entre type et date de fabrication du casque avec l´arrivée du porteur au LGR109


L´objet dans sa configuration initiale "retrouvée":














L´unique tampon régimentaire visible, un tampon du BA. XIV badois daté 1914 sur la nuquière, une fabrication tardive post-mobilisation, datant vraisemblablement d´août, septembre ou octobre 1914.
 




Le porteur a apposé le début de son nom "Sch." par deux fois sur la nuquière, de part et d´autre de l´écrou de nuquière:




Dans la visière, une inscription est gravée dans le cuir: "Scharmann I.Bd. L. Grd. Rgt. 109" (I. Badisches Leib-Grenadier-Regiment 109):









Le porteur, Anton Scharmann, 5. LGR109:




Les Kriegsstammrollen badoises encore existantes permettent de rapidement trouver cet homme.

Anton Scharmann est né le 11.12.1880 à Billerbeck, une ville de Westphalie non loin de Coesfeld. Il est domicilié à Datteln, près de la ville de Münster. Il était "Aufseher" dans le civil (personnel de surveillance, vraisemblablement dans le milieu carcéral). Il était marié et père d´un enfant. 
Il avait fait son service d´active d´octobre 1901 à septembre 1903 au sein de la 5ème Cie du JR13 westphalien de Münster.
Il avait participé à deux rappels périodiques avant la mobilisation, une fois en tant que réserviste en 1905 au sein de la 5/JR13 et une seconde fois en 1912 en tant que landwehrien au sein de la 2ème Landwehr Kompanie du XVII AK.

Dans le cadre de la mobilisation, il se retrouve d´abord le 3.8.14 à la 1ère compagnie de l´Ersatz-Bataillon du LJR6 silésien, dans la ville de Glogau (Basse Silésie). 
Le 1.10.14. il est envoyé à l´Ersatz-Bataillon du LGR109. C´est à ce moment qu´il percoit ce casque badois "simplifié" du temps de guerre. Le temps n´est plus à l´application stricte du règlement d´avant août 1914, les derniers prestigieux casques au grand griffon en maillechort traînant encore dans les Kammer de Karlsruhe ayant été distribués au RJR240 badois formé en toute urgence en septembre 1914.

Le 15.10.1914, Scharmann se retrouve au front au sein de la 5/LGR109 et participe aux combats d´hiver devant Vermelles, Loos, Lens, Angres pour se retrouver au printemps 1915 devant Souchez, Ablain et finallement Carency qui sera la dernière étape de son parcours de combattant et le début de longues années de captivité (presque 5 années), suite à l´anéantissement quasi-total du II/LGR109 dans les catacombes et carrières de Carency.

À suivre donc, dès que le temps me le permettra, l´historique du LGR109 étant très loquace pour cette période 

Bonsoir
Superbe, comme d'habitude,on attend la suite avec impatience !
Fred

Bonjour,

je me souviens très bien de la présentation de ces casques sur le forum.
J'attends également la suite avec impatience

Cordialement.

bonsoir,

que dire

superbe acquisition et comme toujours agrémenté d'une histoire.

grace à tes explications, je ne m'étonne plus d'avoir retrouvé une plaque d'identité du EBRJR 109 sur Loos.
au vue du parcours de ton soldat.



michel

Bonjour

Sehtr interessant !

Citation :

(casque à garnitures laiton au sein d´un régiment à casques à garnitures maillechort = règlement bafoué = peu digne d´être collectionné).

je crois me souvenir avoir déjà évoqué un point particulier du LGR 109..;
Très peu de restes de casques maillechort ont été retrouvés, avec ou sans griffon, en Champagne.
Avait été posée l'hypothèse que les casques de première Garnitur n'avaient pas été utilisés dans ces circonstances. Mais rien dans la "littérature" ne permet de le confirmer...

Citation :

l´historique du LGR109 étant très loquace pour cette période

Un des historiques les plus interessants, notamment de par ses annexes.

Bonsoir Philippe,
Bonsoir à tous,

Merci beaucoup Philippe pour ce nouveau Post qui permet de rendre un bel Hommage à ces Gars !

Vivement la suite
Excellente soirée
Jean-Luc

Salut Philippe ,

Encore une bonne pièce tombée entre de bonnes mains .

Impatient de lire la suite également .

Pour ma part, j'ai identifié un homme d'une de mes plaques cette nuit par hasard en ressortant un lot de Lorraine acquis il y a 4 ans et en remarquant directement le contour d'une lettre sur la cassure à la fin de son nom.

Ce que je n'avais pas vu lors de ma première recherche.
Schoppelrey.

Et là bingo, 11 résultats de 8 hommes différents dont deux du même Karl dont un de 1918 mentionnant son jour et mois de naissance .

Blessé léger resté à la troupe en 1916 et blessé léger en
1918.











Comme c'était un bavarois sa plaque devrait plus me parler que la plupart des autres que je possède .

C'est la deuxième fois que ce hasard m'arrive depuis que je fais les plaques. Ça fait toujours plaisir quand c'est inattendu même si ça frustre un peu de savoir qu'on est passé à côté la première fois malgré la rigueur qu'on met à l'ouvrage .

Ça rend la lecture de nom sur casque et de parcours du casque bien plus périlleuse et compliquée .

Amicalement, Quentin .

Rheinbaben, le spécialiste du teasing !
Un rare casque à l'histoire parfaite, mais sanglante..

Bonsoir tous.
Tout est déjà dit...Mais je reste admiratif et attentif à l'histoire de ces reliques.
Merci Philippe et tous ceux qui qui font ces recherches toujours passionnantes.
À continuer sans modération. Derrière ces objets il y a eu des hommes, tous partis aujourd'hui.Alors courage pour tous les chercheurs sérieux documentés comme ici.

Bonne soirée.

JP(quaren'tro)

Rheinbaben a écrit:

Il ne fera vraisemblablement jamais le bonheur des collectionneurs puristes, des fétichistes de coiffures de régiments prestigieux (casque à garnitures laiton au sein d´un régiment à casques à garnitures maillechort = règlement bafoué = peu digne d´être collectionné).

Salut Rheiny,
il y avait l'année dernière, à la vente de Soissons (collection de Monsieur Michel L.... ) un beau casque M95 de la ligne Wurtembergeoise, garnitures laiton, intouché... et parfaitement régimenté "Kammer" : GR123...

Rheinbaben a écrit:

car il raconte .... Nombre de beaux "sang neuf" blancs parfaitement réglementaires trônent dans leurs vitrines, leur rutilance n'ayant d´égal que leur mutisme...

Ne jamais dire "Fontaine, je ne boirai pas de ton eau". A propos de la Fontaine, une de ses fables dit la même chose, autrement  :
"Sans mentir, si votre ramage  se rapporte à votre plumage, Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. » A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie.

Ceci dit, 2 superbes casques, qui méritent tous deux de ne pas être retoqués, de ne pas rester ... intouchés... pour être retouchés...     ...

Dans les règles de l'art,
Le Phénix, par le renard.
Vomis par le corbeau, hagard,  
le trouvant moins beau, bâtard.

Bonjour à tous et merci pour votre attention 

Avant de commencer la narration/traduction/synthétisation des très nombreux détails évoqués dans l´ épais historique du LGR109, il est impératif de se faire une idée de la répartition sur le terrain des différentes compagnies de ce régiment badois à l´aube du 9 mai 1915.

Je tenterai ensuite, aussi fidèlement que possible à l´historique, de traiter journée par journée cette offensive francaise qui débuta aux première lueurs de cette journée du 9 mai pour trouver son sanglant épilogue au crépuscule du 12 mai.

Voici une carte tirée de l´historique, sur laquelle j´ai placé aussi précisément que possible les compagnies du LGR109 occupant le secteur. Il faut préciser au préalable que la totalité du III/LGR109 se trouvait en réserve, les 9,10 et 11ème Cies à disposition du corps d´armée à Lens, et la 12/109 à Souchez, à disposition de la brigade.

Seuls les I et II/LGR109 se trouvaient donc en première ligne, les compagnies du I/LGR109 tenant le secteur sud-ouest de Ablain, et les compagnies du II/LGR109 plus au sud, occupant les ruines de Carency, ses catacombes où se trouvait l´état major du bataillon commandé par un certain Huber von Gleichenstein ainsi que les carrières (Steinbruch) flanquant le bois de Carency à l´ouest (Carency Wäldchen).

Le LGR109 avait sur son aile droite le GR110 et sur son aile gauche, plusieurs unités bavaroises, à savoir d´abord le KB RJB1, puis, un peu plus au sud, quelques compagnies du KB RJR7 et finalement les Rhénans du LJR39.



Lors de la narration des combats, l´attention sera plus particulièrement focussée sur les 3 sections (Züge) de la 5/LGR109 à laquelle appartenait le Landwehrmann Anton Scharmann. Il subsistera malheureusement une part de mystère, comme bien souvent, me trouvant dans la plus totale des incapacités d´affirmer dans laquelle de ces 3 sections se trouvait notre Landwehrien. Cependant, une information de taille réside dans le fait que sa fiche signalétique indique sa capture comme s´étant produite lors du dernier jour de cette bataille, le 12 mai 1915. Il fit donc partie de la toute dernière poche de résistance du II/LGR109, ce qui permettra de définir assez précisément son lieu de capture.

Comme indiqué sur la carte, une section de cette 5/109 (1/3 de cette compagnie) occupe le secteur en avant des carrières et ces dernières (105a sur la carte). Les deux autres sections de la 5/109 (2/3 de son effectif) se trouvent en réserve dans les ruines de Carency.

Le 9 mai 1915:

Cette journée débute par un formidable lever de soleil. À 6 heures du matin (heure allemande, qui est en avance d´une heure sur l´heure francaise), un gigantesque feu d´artillerie francais se déclenche et s´abat sur le secteur situé à droite du LGR109 (Lorette) ainsi que sur son secteur de gauche, jusqu´à Arras. Un feu très ponctuel vise également deux secteurs précis tenus par les deux sections de la 5 et de la 6/109 (105a et 105b), ainsi que les carrières et les voies de communication entre ces deux secteurs et le poste de commandement du II/109 dans les catacombes de Carency.

Les hommes du LGR109 restent cependant très confiants, les tranchées qu´ils occupent ayant été très solidement organisées et fortifiées lors des dernières semaines. Leur principale préoccupation reste les secteurs avancés plus vulnérables de leurs deux ailes, à savoir le secteur Loos-Ablain au nord et le secteur Carency-Arras au sud.
Vers 9 heures, après un feu d´artillerie ayant duré 3 heures, de longues vagues d´attaque francaises sont jetées dans tout le secteur Carency-Arras tenu par les Bavarois et les Rhénans. Il s´agit des troupes de la 140ème brigade d´infanterie (70ème division d´infanterie) composée essentiellement des 237RI (Troyes), 279RI et 360RI (Neufchateau).
Les chasseurs bavarois du KB RJB1 résistent farouchement à l´attaque et anéantissent les nombreuses vagues francaises mais le manque de munition se fait rapidement sentir. Il est alors fait appel à la compagnie voisine de gauche, la 7/109 qui n´est pas attaquée et, qui du fait de sa position sur le versant sud du ruisseau de Carency, ne peut intervenir dans le combat, la vue du champ de bataille au sud de Carency étant masquée par le remblais. Grâce à cet apport de munition, les chasseurs du KB RJB1 peuvent maintenir leur position. 
Le LGR109 ne peut cependant pas du tout évaluer la situation plus au sud-est.
Sur l´aile droite, vers 11 heures, l´artillerie francaise étend aussi son tir sur les positions en arrière de Lorette. Les grenadiers peuvent apercevoir les colonnes francaises qui se lancent à l´attaque. 
Il s´agit des troupes de l´autre brigade d´infanterie de la 70 ème DI engagée dans le secteur, la 139ème brigade, composée du 226RI de Toul, du 269RI de Domgermain, du 42 BCP de Troyes et du 44 BCP de Brienne le Chateau. Un certain nombre d´attaquants refluent, écrasées par les tirs d´artillerie allemands, mais d´autres vagues parvíennent à atteindre la crête et échappent ainsi à l´observation du LGR109. Tous les moyens de communication se trouvant anéantis, là aussi, la situation reste totalement dans le flou pour les grenadiers badois. La 2/109 jusqu´alors en réserve dans Ablain est envoyée en première ligne en renfort. 
Cependant les compagnies du GR110 au nord semblent avoir tenu le choc, aucune percée francaise n´est pour l´instant  signalée de ce côté. 
La situation sur l´aile gauche semble pour autant bien plus critique, car dès 10 heures 30, les hommes du II/109 observent dans leur dos de longues files d´hommes du LJR39 qui battent en retraite vers Souchez, talonnés par les troupes francaises au sud de la route Carency-Souchez. Les compagnies bavaroises du KB RJR7 se laissent aussi entraîner par ce mouvement de panique. L´Hauptmann bavarois Lang (KB RJR7) commandant ce secteur, demande d´urgence au chef de bataillon du II/109, Hauptmann von Gleichenstein, de lui mettre à sa disposition les deux sections de la 5/109 se trouvant en réserve dans les catacombes de Carency. Lang place alors immédiatement ces deux sections de grenadiers badois à la sortie est de Carency, sur la route menant à Souchez. Peut-être que Anton Scharmann faisait partie de ces quelques braves qui parvinrent à enrayer l´attaque francaise à cet endroit précis, leur chef de compagnie Leutnant der Reserve Conrad étant grièvement blessé. 
Peu de temps après, c´est le KB RJB1 qui subit à son tour une intrusion francaise dans ses lignes au niveau du secteur 110. L´Hauptmann Lang se voit une nouvelle fois obligé de demander en toute urgence un soutien à von Gleichenstein, ce dernier lui envoyant alors une des deux sections de sa 6/109 (Zug Leppert) encore en réserve dans Carency, en direction de la lisière sud de Carency, à l´ouest du cimetière. Von Gleichenstein garde la dernière section de la 6/109 dans les catacombes, comme ultime réserve encore à sa disposition. 
Par ailleurs, une des sections de la 5/109 qui avaient peu de temps auparavant enrayé l´attaque francaise à l´est de Carency est envoyée, elle aussi, dans les lignes des chasseurs bavarois dans le secteur au nord de 110 (carte ci-dessous).


Ces trois sections de grenadiers badois parviennent avec grande témérité à stopper l´infiltration francaise juste en avant des premières rues de Carency.

Vers midi, des observateurs allemands postés sur les hauteurs de Ablain et sur la côte 125 constatent une nouvelle infiltration francaise en provenance du sud-ouest, en train d´atteindre le cimetière de Souchez. 
Cette infiltration avait eu lieu sur 4 km et s´étendait encore plus loin vers le sud-est, avait dépassé la route Souchez-Arras en atteignant même la colline à l´ouest de Givenchy-Vimy, menacant de prendre les deux bataillons du LGR109 à revers et de couper la communication de ce dernier vers Souchez. Craignant une infiltration francaise de ce côté par le fond du ruisseau de Carency, le GR110 envoya aussitôt deux sections pour renforcer le secteur sud de Ablain susceptible d´être menacé de ce côté. 

Vers 11 heures, ordre avait déjà été donné à la 12/109 en réserve à Souchez ainsi qu´à d´autres troupes encore en réserve dans ce village (sections de chasseurs bavarois et de grenadiers du GR110) , de se rendre en urgence dans le parc et au cimetière de Souchez pour bloquer l´avancée francaise qui fut effectivement stoppée malgré de nouvelles tentatives d´attaque en cours d´après-midi. 

Les compagnies 9, 10 et 11/109 qui se trouvaient en réserve à Lens s´apprêtaient vers 9 heures du matin à prendre part à un office religieux. Elles furent aussitôt dirigées vers Givenchy où elles s´installèrent dans les caves du village, pour être alors envoyées d´urgence vers Souchez à la nouvelle de l´infiltration francaise. 
D´un effort commun avec des soldats bavarois isolés du KB RJR7, de Rhénans du LJR39, de cavaliers du 5ème Jäger zu Pferd et de soldats d´un dépôt de recrues,  le III/LGR109 réussit à placer un verrou sur les hauteurs entre Givenchy et Souchez (côtes 119 et 140), les compagnies faisant front vers le sud-ouest et interdisant momentanément toute nouvelle infiltration francaise dans le dos des I et II/LGR109. 

Pendant toute la journée, de 9 à 20 heures, les compagnies des I et II/LGR109 occupant le secteur ouest de Carency ne furent que très peu incommodées par l´artillerie francaise. Vers 20 heures, une section de la 2/109 en réserve à Ablain si vit octroyée la mission de ravitailler les chasseurs bavarois du KB RJB1 en grenades à main ainsi qu´en rations de nourriture froide. Une seconde section de cette même compagnie recut l´ordre de se rendre au nord du bois de Carency, le front tourné vers l´est, pendant que quelques patrouilles balayaient le bois.

Vers 20 heures / 20 heures 30, alors que le soleil disparaissait lentement à l´horizon, l´artillerie francaise se remit à écraser le secteur déjà éprouvé le matin, à savoir les carrières, le village de Carency ainsi que le secteur au sud du village tenu par les Bavarois. Un groupe d´environ 400-500 Francais lanca une attaque locale en direction de l´ouest du cimetière de Carency, tenu par la section Leppert de la 6/109 qui y avait déjà été envoyée en cours de journée et qui se trouvait très affaiblie du fait de la mise hors de combat d´environ 25 de ses hommes. Face à ces effectifs 20 fois plus importants, la section Leppert du reculer mètre par mètre, obligeant le chef de compagnie de la 6/109, Leutnant von Unruh, de détacher sa toute dernière section encore en réserve dans les catacombes de Carency, commandée par le Leutnant v. der Esch, et de l´envoyer en renfort à la section Leppert. Grâce à une mitrailleuse prélevée dans une tranchée de première ligne, les grenadiers badois de la 6/109 purent une nouvelle fois enrayer cette attaque francaise. Pendant toute la nuit, une nouvelle ligne de défense fut fébrilement creusée entre le secteur tenu par les chasseurs bavarois et le secteur est de Carency (route vers Souchez). Un certain nombre de grenadiers des I et II/LGR109 y furent envoyés pour accélérer les travaux de terrassement.

La nuit du 9 au 10 mai trouva les deux bataillons du LGR109 dans une situation très critique dans leur position avancée de la "Dora-Stellung". La tranchée de liaison entre Carency et Souchez était aux mains de l´ennemi et l´étroit cordon ombilical entre Souchez et Ablain, depuis longtemps la cible de l´artillerie francaise, se trouvait maintenant sous le tir de l´infanterie francaise. Ainsi, le II/LGR109 à Carency ne pouvait plus être approvisionné que par Ablain, en utilisant les tranchées occupées par le I/LGR109. que ce soit les ordres, l´approvisionnement en munition, en nourriture, en pansements. Et vice versa, les blessés devaient être rapatriés de la même facon. Cependant, les Francais n´avaient réussi dans aucun secteur à pénétrer très profondément dans les lignes allemandes.

Pour cette première journée de combat, les pertes du II/LGR109 se montèrent à 22 morts, 4 disparus et 33 blessés. Le III/LGR109 qui se trouvait sur les hauteurs entre Souchez et Givenchy avait perdu 20 morts et 58 blessés, essentiellement causé par les tirs d´artillerie francais. Quant au I/LGR109 bien à l´abri dans ses positions retranchées non attaquées il n´eu a déplorer qu´un seul mort.

Les combats de la journée du 10 mai au prochain épisode 

Top ces cartes!
Quelle précision !

bonjour,

de nombreux alsaciens sont tombé lors de cette attaque.

l'histoire de l'un de ses soldats du LGR Nr 109 - II Bat - 6. Komp. y a été fait prisonnier et mort en captivité des suite de ses blessures est retracé dans ce livre écrit par des amis alsacien dont j'ai 'honneur de les emmener sur les lieux de combat de ce régiment tout en finissant par Carency :

Silvin URFER






michel

Bonsoir Michel,

Merci pour cet apport 

Porté disparu dans les VL:

http://des.genealogy.net/search/show/2150398

Voici une des fiches de la CICR concernant Silvin URFER. Il y est mentionné qu´il est décédé le 10.5.15 lors du deuxième jour de combat à Carency, deuxième journée dont je raconterai les événements dès que j´aurai un peu plus de temps en courant de semaine:



Et sa fiche signalétique des Kriegsstammrollen de la 6/LGR109 qui mentionne elle d´abord, que URFER a été porté disparu le 12.05.15 lors de la dernière journée de combat dans Carency. Sa date de décès officielle est d´abord le 12 mai vers midi, mais rectifiée plus bas comme mort en captivité le 16.5.15 à 8 heures du matin à Aubigny en Artois.




Il était maître d´école dans le civil et avait deux enfants. Il fut incorporé à l´EB du LGR109 le 15.8.14 et partit pour le front le 4.11.14 au sein de la 6/109.

Il est mentionné dans le registre des cimetières militaires allemands en France. Sa date de décès est confirmée: 16.5.15 ainsi que le lieu de décès: Aubigny en Artois.



Mais le Volksbund ajoute l´information suivante:



"Sirvin UFER n´a pas encore été transféré dans un cimetière érigé par le Volksbund. Selon les informations dont nous disposons, sa tombe se trouve encore actuellement à l´endroit suivant: près d´Aubigny en Artois.
Le Volksbund s´efforce de retrouver les tombes des soldats allemands sur la base d´accords concernant les sépultures de guerre et de leur donner un lieu de repos securisé à long terme.
Nous espérons également retrouver dans un proche avenir la tombe de Sirvin Urfer et transférer ses ossements dans un cimetière militaire"
 

bonsoir,

encore merci pour tes recherches pointu.

ces informations sont mentionné dans le livre cité plus haut.

à 1ère vue, les démarches sont en cours afin qu'il ai une tombe nominative. car il serait au cimetière de Neuville St Vaast.



michel

bonsoir
une fois de plus "Enquete" tres interessante surtout quand cela concerne mon secteur de prédilection
Pour agrementer , ces deux plaques trouvées au carrefour de la rue lancinot d'ablain saint nazaire, dans un jardin lors de travaux pour le passage d'un tuyau ,que je me suis permis d'indiquer par une fleche jaune  sur le plan presenté par notre ami rheinbaben . Certainement le 110eme badois qui fait la jonction de l autre coté de la route avec le 109 par contre une plaque de reserve ce trouvait avec

Bonjour Fablou,

Merci pour cet apport 

Intéressante cette plaque de réserve...Je viens de lire le chapitre de l´historique du GR110 pour cette période et à cet endroit et je ne trouve aucune mention d´une unité d´infanterie de réserve badoise dans le coin 

Mais peut-être s´agit-il d´une plaque d´artilleur, voire même, si elle est en maillechort, d´une compagnie de réserve de pionniers badois...Ce serait intéressant de rechercher.
Fait est que le GR110 du abandonner la majeure partie de Ablain le 14 mai 1915 après la chute de Carency.

Bonjour,

Je poursuis la narration de la chute de Carency avec le déroulement des combats lors de la seconde journée de l´offensive francaise.

Le 10 mai 1915.

Le 10 mai, dès 8 heures du matin, l´artillerie francaise prend sous un feu concentré, de 3 côtés, abris et caves du village. La 6/109 qui avait établi pendant la nuit un front provisoire au sud du village n´est pas non plus épargnée par ces tirs. La "tranchée" creusée  à la hâte pendant la nuit ne faisait que 75cm de profondeur sur 40cm de large... Les grenadiers blessés devaient se blottir toute la journée dans ce "sillon" avant de pouvoir être évacués à la tombée de la nuit. 
150 hommes du LJR39 encore disponibles furent envoyés en renfort dans cette zone sud du village, ainsi que 4 groupuscules prélevés sur la 8/109 qui s´installèrent sur la crête située au nord des carrières, entre le bois de Carency et les premières lignes au sud du village, permettant ainsi de prendre les assaillants sous le feu très effectif de cette position surélevée.

Les éléments du III/109 positionnées sur les côtes 119 et 140 près de Givenchy furent renforcés dans la nuit du 9 au 10 mai par les Strasbourgeois du JR136 ainsi que par la MGK du JR171. 
Par ailleurs, le Bataillon Preuschen (III/110) fur formé à partir d´éléments disparats et positionné à Souchez. Sous les ordres de l´Hauptmann von Preuschen du GR110, ce bataillon comprenait la 11/110, la 12/136, la 4/PB19, la 1/KB RJB1 ainsi que des groupuscules de la 9 et de la 11/109. Vers midi, ce bataillon se mit en marche sur la chaussée Ablain-Souchez pour lancer une attaque en direction du fond de Carency. Les Francais infiltrés dans cette vallée y furent expulsés, le bataillon Preusschen établissant ses nouvelles positions vers 15 heures 25 au niveau de la voie ferrée Souchez-Carency.

Pendant ce temps, de nouveaux combats s´enflammèrent dans le secteur bavarois au sud de Carency, le tir d´artillerie francais ayant pilloné ces positions jusque vers environ 16 heures, causant 6 morts et 12 blessés au sein des deux sections de la 6/109 déjà très éprouvées. C´est donc vers 16 heures que les Francais se lancent une nouvelle fois à l´attaque, longeant les deux côtés du cimetière de Carency, contre les positions de la 6/109, contre celles des éléments de la LJR39 plus à droite ainsi que contre la section de la 5/109 se trouvant sur la route menant à Souchez. Des Francais maîtrisant la langue allemande sont envoyés en avant et invectivent les Allemands en leur demandant en criant si il s´agit bien de la compagnie du Leutnant von Unruh et du II/109 qui se trouvent en face d´eux. Si le flanc droit de la 6/109 résiste farouchement dans le secteur ouest du cimetière, enrayant l´avancée francaise, quelques éléments du LJR39 à l´est du cimetière battent en retraite, pris de panique, permettant cependant aux grenadiers de la 6/109 de prendre les Francais en enfilade sous un feu meurtrier, et même de faire quelques Francais prisonniers en délivrant certains de leurs camarades venant juste aussi d´avoir été capturés par les Francais. La situation de la section de la 5/109 située au sud-est de Carency devient quant à elle de plus en plus critique du fait de l´infiltration francaise à l´est du cimetière. Les derniers hommes valides de l´état-major du II/109 ainsi que les coureurs se trouvant encore dans les catacombes de Carency sont envoyés d´urgence en renfort de cette section. De terribles combats au corps à corps se déroulent dans les ruines des maisons dans ce secteur sud-est de Carency, l´avancée francaise est une nouvelle fois enrayée. Vers 19 heures, le Ier Corps d´Armée  de réserve bavarois lance deux régiments frais dans une attaque sur le front Souchez - Neuville-Saint-Vaast, par les côtes 119 et 140. Le cimetière de Souchez pu être reconquis, ce qui stabilisa très provisoirement la situation sans pour autant l´améliorer. Les compagnies du II/109 se trouvaient toujours et encore isolées dans ce dernier ilôt de résistance Ablain- Carency, le dernier cordon ombilical étant la liaison vers le nord subsistant encore vers Lorette, secteur qui fut lui aussi gravement menacé en cette journée du 10 mai. 

Dans la nuit du 10 au 11 mai, la 12/109 encore en position à Souchez fut mise en marche vers Carency par les boyaux de la I/109  pour renforcer les derniers défenseurs du II/109. Les hommes emportèrent avec eux tout ce qu´ils pouvaient porter en munitions, approvisionnement et matériel de soin et vinrent se positionner à la gauche des Landwehriens du LJR39. Une trentaine d´hommes du GR110 et du JR111 qui avaient également été réquisitionnés pour porter munitions et nourriture recurent l´ordre du chef du II/109, Hauptmann von Gleichenstein, de renforcer les lignes de défense. 

Lors de cette journée, le I/109 perdit 10 hommes dont 6 morts. Le III/109 déplora outre 35 blessés, également 6 morts. 
Ce fut une nouvelle fois le II/109 de Anton SCHARMANN qui eu à déplorer les pertes les plus importantes du régiment, à savoir 20 morts, 6 blessés et 16 disparus. S´ajoutent à ces pertes 76 hommes, blessés et indemnes, qui tombèrent en captivité lors des combats au sud-est de Carency.

La suite sous peu pour la 3ème journée de combat, le 11 mai 1915...

La suite...

Le 11 mai 1915.


Un soleil radieux se lève au matin de cette 3ème journée de combat. Le canon gronde sur la totalité du front de part et d´autre de Carency.


La 11ème Brigade d´infanterie de réserve bavaroise s´apprête à poursuivre dans l´après-midi son début d´attaque réalisée la veille entre Carency et Neuville avec deux de ses régiments, les KB RJR 10 et 12. L´ordre officiel en était déjà donné que vers 14 heures 15, un contre ordre est formulé car une offensive francaise d´envergure imminente est soupconnée sur Lorette. Les troupes bavaroises sont donc gardées en réserve au cas où les Francais attaqueraient massivement sur la ligne Lorette-Ablain-Carency. 


Dès 16 heures 30, comme prévu, les Francais se lancent à l´attaque sur Lorette mais aussi sur l´intégralité du front s´étendant entre Carency et Arras. Carency doit tomber comme un fruit mûr, pris solidement en tenaille. Sur Lorette, des unités du  XXIème corps d´armée francais parviennent certes à s´emparer de plusieurs sections de tranchées et du secteur symbolique de la Chapelle de Lorette, mais les Allemands tiennent bon. 


Les lignes allemandes entre Carency et Neuville sont dès le matin, malmenées par l´artillerie francaise. En cours de matinée, une attaque francaise avait une nouvelle fois été repoussée, comme la veille, par les derniers braves de la 6/109. Vers midi, les feux de l´artillerie francaise se concentrent massivement sur le secteur de cette malheureuse 6/109. Ce sont 2000 obus qui s´abattent dans ce secteur tenus par les grenadiers du Leutnant von Unruh (6/109). Heureusement, ces tirs restent très imprécis du fait de la mauvaise qualité des munitions employées. De manière générale, si 30000 obus s´abattent cette journée du 11 mai sur les ruines de Carency, visant essentiellement les abris et les catacombes s´y trouvant (un croquis de ces abris avait été trouvé sur un prisonnier allemand, le 9 mai), les tranchées situées en avant de la ligne Ablain-Carency restent relativement épargnées. Dans la matinée, une pierre enroulée d´un message est envoyée dans les tranchées de la 7/109, sommant cette dernière de se rendre. Une véritable averse de grenades à main fut la réponse. 
Vers 16 heures, lors d´une accalmie de l´artillerie, les Francais tentent une nouvelle fois de prendre d´assaut la position tenue par la 6/109. Mais les grenadiers continuent à résister vaillamment, soutenus par les tirs très précis de leurs camarades de la 8/109 embusqués derrière eux sur la hauteur des carrières surplombant le sud de Carency. 
Au sud-est de Carency, une des deux sections de la 5/109 envoyées le 9 mai au sud de Carency, renforcée depuis la nuit par deux sections de la 12/109, puis en cours de journée par la dernière section 12/109, se livre à un féroce combat contre un groupe de Francais s´étant infiltré dans la soirée de la veille dans ce secteur. Un combat de plus de 4 heures fait rage, se soldant par la capture de 104 soldats francais, dont deux officiers, les autres assaillants ayant été soit tués, soit expulsés des ruines de Carency. Les Francais blessés sont acheminés vers le poste de secours du LGR109 et malgré le manque notoire de matériel de soin, sont néanmoins pansés par le Stabsarzt Dr. Lörz.  


Le soir de ce 11 mai, la situation des hommes du LGR109 tenant Carency reste à la fois inchangée et extrêmement critique. L´état-major allemand ne dispose d´aucune force disponible, susceptible de pouvoir être engagée sur Carency afin d´empêcher l´encerclement final de cette localité. Ainsi, ordre est donné une nouvelle fois au II/109 pour le 12 mai, de tenir coûte que coûte les ruines de Carency, si nécessaire jusqu´au dernier homme...
Pour cette journée du 11 mai, le I/109 déplore 4 morts, 8 blessés et 25 disparus. Le II/109 subit une nouvelle fois les pertes les plus importantes du régiment avec 28 morts (dont 24 disparus, leurs corps n´ayant pu être récupérés), 11 blessés et 100 hommes tombés en captivité lors des combats de rue dans le sud-est de Carency. Le III/109 ne déplore que 4 morts, 9 blessés et 2 disparus. Les pertes totales de cette journée se montent donc à 194 hommes pour le LGR109.


Le 12 mai 1915, agonie du II/109.


Dans la nuit du 11 au 12 mai, une infiltration francaise se produit entre le Bataillon Preuschen et Carency, comme suit:




Les Francais purent alors prendre possession et s´installer dans la partie orientale du bois de Carency et positionner des mitraileuses sur la côte 125 au nord du bois, prenant de flanc sous leurs feux le Bataillon Preuschen

Un bataillon déjà très éprouvé du LJR39 avait été envoyé en renfort dans Carency pendant la nuit, chargé d´approvisionnement et de munitions, mais vers 5 heures du matin, seuls le chef de bataillon, son adjudant, deux sous-officiers et 20 hommes atteignent les ruines de la ville...

Pour les derniers hommes enfermés dans Carency, il fut bientôt évident que cette journée allait être leur dernière journée de résistance. Les signes avant-coureurs d´une nouvelle offensive francaise massive se multiplièrent. Ainsi, les hommes de la 7/109 dans leur position surplombant au sud le fond de Carency et son ruisseau, purent observer des préparatifs d´attaque et des regroupements massifs de troupe dans les tranchées francaises situées en face des boyaux de la 8/109 et des deux sections 5/109 et 6/109, ces deux dernières occupant depuis le 9 mai la zone en avant des carrières. Un chemin creux reliant le Moulin Topart à Carency était particulièrement propice à une infiltration francaise massive dans le village, car invisible aussi bien pour les positions allemandes situées entre le versant nord du fond de Carency et les secteurs Ablain-Lorette que par l´artillerie allemande en place entre Souchez et Givenchy. Seule la 7/109 disposait d´une possibilité d´observation de ce secteur, cependant extrêmement limitée. La présence des carrières offrait également aux assaillants francais une excellente possibilité de retranchement. Et pour terminer, l´infiltration francaise ayant eu lieu dans la nuit du 11 au 12 mai dans le bois de Carency permettait de créer une jonction dans le dos du II/109. 
Dans la matinée, un nouveau message, cette fois en allemand, fut jeté dans les tranchées de la 7/109, la sommant de se rendre. En cas de refus, la totalité du II/109 serait alors écrasée et éliminée par un gigantesque feu d´artillerie. La réponse des grenadiers fut une nouvelle fois un retour sous forme de grenades à main. 
La 7/109 recu l´ordre de placer ses mitrailleuses de telle sorte que le chemin creux puisse être pris sous leurs feux concentrés dans un créneau de tir demeurant cependant très obtus. Les pionniers du PB19 furent chargés de placer des charges explosives dans les galeries des carrières. 

Vers midi, la violence des tirs d´artillerie francais atteignit son apogée en s´abattant principalement sur les secteurs 105a et 105b tenus par une section de la 5/109 et une section de la 6/109. Les tranchées furent totalement nivelées, leurs occupants, la majorité d´entre eux blessés, furent contraints de chercher refuge dans les galeries des carrières. Si Anton SCHARMANN n´avait pas fait partie de l´une des deux sections de la 5/109 envoyées au sud et au sud-est de Carency le 9 mai, il fit très certainement partie de ces hommes terrés dans les souterrains des carrières au nord de Carency. À 17 heures, l´artillerie se calma pour quelques minutes, faisant place à un tir d´infanterie très nourri, obligeant les occupants des tranchées de sortir de leurs abris pour faire face à un assaut imminent. À ce moment précis, une nouvelle salve d´artillerie s´abattit sur les tranchées de la 8/109. 
Cinq minutes plus tard, le pilonnage se portait sur l´ouest du bois de Carency et les vagues d´assaut francaises s´épandaient en 5 vagues successives dans le secteur occupé par la 8/109. 
Les grenadiers résistèrent farouchement, tuant un grand nombre d´assaillants. Les Francais réussirent cependant à s´installer dans le segment gauche de la 8/109 et à fortifier ce secteur à grand renforts de sacs de sable et autre matériel de fortification transportés par les dernières vagues d´assaut.

Les boyaux des deux sections de la 5/109 et de la 6/109 furent rapidement envahis par les Francais s´infiltrant alors dans les galeries des carrières, faisant prisonnier une dizaine de grenadiers de ces deux sections.

En même temps que l´assaut dans les lignes de la 8/109, les Francais avait lancé une attaque parallèle dans le secteur 109 tenu par les chasseurs bavarois du KB RJB1, contreignant ces derniers à battre en retraite et obligeant ainsi Hauptmann von Gleichenstein (chef du II/109) à ordonner à la 7/109 de replier son flanc gauche afin de faire jonction avec les restes des sections de la 6/109 du Leutnant von Unruh se trouvant encore au sud de Carency. Ce dernier recu également vers 18 heures 45 l´ordre de replier son flanc droit pour établir une jonction avec la gauche de la 7/109. Cette jonction échoua totalement car entre temps, les Francais avaient réussi a déborder la 7/109 sur ses deux flancs et à capturer toute la compagnie. La chute de Carency étant imminente, les quelques pièces d´artillerie encore présentes dans les ruines du village ainsi que les munitions et armes restantes furent détruites. Des rations pour 3 jours furent distribuées aux 80 blessés encore terrés dans les catacacombes ainsi qu´à tous les combattants encore joignables dans les ruines de la ville. Les Francais lancèrent alors l´ultime assaut en pénétrant dans Carency par l´ouest (secteur de la 7/109), par le nord (carrières et côte 125) ainsi que par une brèche dans le secteur est de la localité. Entre 20 heures et 21 heures, le reste des occupants tombait en captivité après 4 jours de combat. 

La nuit tombante, Leutnant von Unruh, encerclé au sud entre Carancy et le cimetière, avec les restes de sa 6ème Cie et quelques éléments de la 2/109, envoya trois patrouilles vers Carency. Deux ne revinrent pas, la troisième annonca que les catacombes étaient vides. Un peu plus loin, à la gauche de ce groupuscule, vers la sortie est de Carency , un second ilôt de résistance isolé, composé essentiellement d´hommes de la 12/109 et de diverses autres compagnies du LGR109 continuait à subsister et tomba finalement tout de même en captivité dans la matinée du 13 mai.

Profitant de l´obscurité, Leutnant von Unruh, accompagné de 75 hommes, se fraya un passage vers Ablain et trouva effectivement une brêche dans l´encerclement francais, dans le bois de Carency, non sans pertes causées par les tirs d´artillerie et une escarmouche avec un groupe de soldats francais. Vers minuit, il atteignit Ablain à la tête de 44 hommes.

Les prisonniers du II/109 furent acheminés sans tarder, dans la nuit du 12 au 13 mai vers le Château de la Haye, où se trouvait l´état-major francais et furent l´objet, surtout les officiers, d´un interrogatoire très poussé, les Francais pensant encore trouver les restes d´une brigade entière dans les ruines de Carency.

La chute de Carency avait coûté au LGR109 la perte totale des compagnies 5, 7 et 12 mais aussi partielle des compagnies 2,6 et 8. La 5/109 de SCHARMANN fut par conséquent totalement annihilée. Les pertes totales du LGR109 sont estimées à environ 560 hommes dont environ 350 prisonniers, parmi ces derniers 7 officiers dont le chef du II/109, Hauptmann von Gleichenstein dont voici deux photos d´avant guerre:




Les pertes estimés des Francais se montent à environ 800 cadavres relevés autour et dans Carency auxquel il faut ajouter les 100 hommes capturés par la 6/109 le 11 mai.

Le I/109 se trouva dans la plus complète des impossibilités de porter aide au II/109, l´infiltration francaise au niveau des carrières ayant été trop massive et trop rapide. Les compagnies du I/109 se bornèrent donc à fortifier leur front vers l´est et vers le sud afin d´éviter une infiltration dans leur propre secteur.
Favorisées par le temps se mettant à la pluie, les troupes allemandes redressèrent leurs lignes dans la nuit du 12 au 13 mai, comme mentionné sur cette carte tirée de l´historique du GR110:



Pour terminer en beauté, voici toute une série de clichés assez inédits, pris les jours suivants la chute de Carency. Les photos ont été prises entre Carency et Villers au Bois ainsi qu´au Château de la Haye (ou de la Haie). On ne saura malheureusement jamais si Anton SCHARMANN est présent sur un de ces clichés...

bonjour,

merci pour l'historique ainsi que les photos.

justement, il y en a une qui m'interpelle :



quel est le model de casque.
je ne vois pa de pointe.



michel

Salut Michel,

En agrandissant la photo, on peut voir qu´il s´agit d´un casque en feutre orphelin de sa plaque et de sa pointe. La patte d´épaule identifie le soldat comme appartenant au JR136. Et effectivement,la 12/136 fit partie du Bataillon Preuschen qui combattit au nord-est de Carency.


Le cliché montre 2-3 autres soldats portant des casques amputés de leur pointe.

bonsoir,
merci de ta réponse.
est ce un pratique occasionnel au sein de chaque unité ou bien suite à une pénurie de pièce pour ce régiment dans les dépôts?

michel

Bonjour Philippe,

Merci de cette magnifique présentation de ces combats très violents de mai 1915.
"Je les grignote" qu'on attribue à Joffre, des pertes terribles lors de toute ces attaques.
Les obus français étaient de mauvaise qualité, c'est l'époque de la crise du 75 avec des obus faits trop rapidement au travers de marchés douteux auprès d'entreprises insuffisamment compétentes, le sujet a été déjà évoqué ici.
Merci pour cette belle enquête.
Cordialement.
P. Lamy

argyll a écrit:

est ce un pratique occasionnel au sein de chaque unité ou bien suite à une pénurie de pièce pour ce régiment dans les dépôts?

Re-

Tout comme pour l´ablation des chiffres rouges sur les couvre casque, l´expérience acquise lors des combats de position fit que de nombreux soldats décidèrent d´eux-même de supprimer la pointe de leur casque. Diverses méthodes furent utlisées à cet effet, on en a traité dans certains sujets parallèles, photos à l´appui. 












Ce pragmatisme de campagne, tout à fait non réglementaire mais toléré, fut sans aucun doute une des raisons majeures de la mise en service des casques M15 à pointe rapidement escamotable.

En ce qui concerne l´abscence de plaque sur un casque, d´autres photos de prisonniers avec des casques sans plaque sont connues. Vraisemblablement une perte ou une casse lors des combats, la narration ci-dessus exposant parfaitement les conditions désastreuses des combats lors desquelles le matériel souffrait autant que les hommes. Ou bien un trophée ôté ou arraché à la va-vite du casque par un poilu assurant la garde des prisonniers, au même titre que souvent aussi les pattes d´épaule, les plaques de ceinturon ou autres bricoles personelles comme les montres ou les bagues. On voit sur la photo supra que la cocarde de gauche ( Prusse ) est également manquante.

Bonjour Philippe,

Merci beaucoup pour cet extraordinaire et passionnant Post qui - comme tous les autres - permet d'apprendre et aussi de rendre Hommage à ces Gars .

La question de Michel est fort intéressante
Excellente journée.
Jean-Luc