Bonsoir,
Il est bien connu que l'Armée française disposait encore en 1914 de 1.200.000 fusils du système 1874 Gras mais que le stock de munitions pour ces armes était réduit du fait des limites de la durée de vie des cartouches "bonnes de guerre". Il a donc été nécessaire de remettre en production les cartouches de 11mm dès l'automne 1914.
Le stock de munitions de 8 mm était lui supérieur à plus d'un milliard de cartouches.
Le nombre de fusils Gras en service en 1914 était inférieur à 400.000 et s'est stabilisé à partir de 1916 à environ 200.000 fusils modèle 1874 surtout en service dans l'Artillerie Lourde à Grande Puissance, la DCA, l'aviation (au sol!), les automobilistes, les troupes d'étapes, les gardes-voies, etc....
On sait aussi que plusieurs centaines de milliers de fusils Gras ont été cédés à nos alliés jusqu'en Arabie où toutefois les guerriers nomades les refusèrent car ils ne juraient que par le Mauser à répétition...
En dehors de cet emploi "classique" qui mériterait à lui seul des développements importants, les fusils Gras ont aussi été employés dans des engins de tranchée de faible puissance et à grande puissance et même, plus inattendu, sur des canons.
Tout ceci mérite quelques explications:
-1: engins de tranchée de faible puissance:
Cet emploi est bien connu et je passe rapidement sur les engins de faible puissance:
...le fusil lance-grenade servant à propulser la grenade sphérique de 82 mm, apparu dès 1915, ici en service au 133e R.I:
...le fusil Guidetti dont il existe deux variantes principales, construit à quelques centaines d'exemplaires, là encore, le mécanisme et une partie de la crosse sont conservés. Je joins un schéma tiré d'un Cours d''engins de tranchée et une photographie prise au Bois-le-Prêtre:
...l'obusier Aasen, lui-aussi bien connu, et dont 1262 exemplaires ont été construits jusqu'au début de 1916 (et quelques autres encore ensuite) ne conserve que le mécanisme du fusil Gras pour assurer la propulsion des grenades Excelsior dans le tube de l'obusier de 86 mm. Deux photographies sont jointes montrant bien le mécanisme du fusil modèle 1874, l'une montrant des grenadiers du 5e R.I.C et l'autre des territoriaux bien âgés du 111e R.I.T:
...dernier engin, lui aussi bien connu, apparu en 1917, la bombarde DR (Driant-Renouard) qui emploie 4 mécanismes de fusils Gras pour envoyer une salve de 8 puissantes grenades DR de 85 mm:
-2: engins de tranchée de grande puissance:
C'est surtout le célèbre Archer qui a intégré dans toute sa gamme de mortiers de tranchée le mécanisme du fusil Gras pour assurer le dispositif de mise à feu de ses engins. Dès 1915, les prototypes intègrent ce dispositif, de même que les matériels d'essai de 1916 et enfin ceux de 1918 lorsque cet ingénieur, en proie à l'hostilité des artilleurs qui refusaient systématiquement ses engins, a enfin obtenu la commande de 2000 mortiers en profitant de ses appuis politiques. Son mortier, peut-être valable en 1915 n'avait plus aucune valeur en 1918, moins de 200 ont servi au front et dès novembre 1918, les matériels construits ont été retirés puis envoyés à la ferraille:
...un prototype de fin 1915:
...un exemplaire de la petite série construite en 1916 pour essais:
...un exemplaire de la série définitive apparue sur le front en 1918, ici en service au 169e R.I:
Sur tous les mortiers Archer, le montage du mécanisme du fusil Gras reste à peu près identique.
-3: emploi sur des canons:
L'emploi d'un mécanisme de fusil Gras sur un canon est étonnant et s'inscrit dans une solution de fortune.
En effet, en 1916, il s'avère nécessaire d'armer tous les navires marchands pour lutter contre les sous-marins et le stock de canons de moyen calibre de la Marine est devenu insuffisant car les besoins estimés dépassent 2000 canons!
La solution retenue consiste à monter un tube de canon de 90 modèle 1877 de Bange sur un affût à crinoline modèle 1916 équipé d'un frein hydraulique simplifié. Dans un premier temps; l'amorçage s'effectue avec l'étoupille "Guerre" ce qui présente des difficultés à bord d'un navire et les débris de l'étoupille peuvent blesser le pointeur qui effectue le pointage à bras en s'appuyant sur une crosse. Il est alors décidé de monter un mécanisme de fusil Gras pour assurer la mise à feu au moyen d'une cartouche sans balle. Le réarmement est difficile et un ultime dispositif à verrou est adopté avec emploi de l'étoupille Marine modèle 1906 et les mécanismes sont tous transformés sur ce modèle. Plus de 1740 canons de 90 sur affût de bord modèle 1916 ont été construits en 1917 et 1918 et environ 7 à 800 canons avaient reçu le mécanisme du fusil Gras en1917 (transformés ensuite progressivement).
Je joins une photographie de la version du canon de 90 modèle 1877 sur affût de bord modèle 1916. On ne distingue malheureusement pas le mécanisme du fusil Gras caché par des accessoires de culasse et de mise à feu. Il est d'ailleurs difficile de reconnaître notre vieux canon de campagne de 90 modèle 1877 sous cette forme!
Je pense que d'autres emplois ont été réservés aux fusils Gras mais les modèles décrits dans ce sujet représentent déjà plusieurs milliers de fusils ou de mécanismes de fusils modèle 1874.
La suite de l'histoire du fusil Gras reste encore à écrire jusqu'en 1940 car il a aussi existé des mécanismes de tir réduits, des mécanismes pour tubes-canons et d'autres applications encore à décrire.
Il faut bien sûr aller en archives pour découvrir du nouveau!
Cordialement,
Guy François.