Voici un casque de pionnier récemment passé en vente sur HM.
Il convenait de redonner à ce beau casque de pionnier son histoire. En effet, si le nom du porteur, Mahnke, et celui d’une unité, PB 9, sont déchiffrables, ils ne mènent à rien dans les VL.
Et pourtant Mahnke a bien porté un tel casque mais au sein de la Reserve-Pionnier Kompanie Nr. 46 (RPioK 46)
Cette dernière est en effet une des nombreuses unités de guerre que les magasins du PB 9 a dû successivement monter. La RPioK 46 a été levée dans le cadre de la deuxième vague de mobilisation des régiments de réserve, les R2XX. Ils ont permis de former de nouvelles divisions de réserve qui ont dû être équipées de toutes les unités organiques nécessaires, dont la compagnie de pionniers. C’est le cas de la 46. Reserve Division, qui est formée à partir des unités organiques des IX. et X. Korps. 3 de ses 5 unités d’infanterie, les Reserve Jäger Bataillon Nr. 18, les RIR 213 et 214 sont formées dans le Schleswig et le Holstein. Les hommes de la compagnie de pionniers divisionnaire proviennent du même secteur et forment la Reserve Pionier Kompanie Nr. 46, qui porte le même numéro que la division. Elle est formée par le PB9 à Harburg à partir d’hommes venant essentiellement du Holstein et de la grande cité de Hamburg, à laquelle Harburg est quasi contigüe. Mahnke lui, est né à Slate, près de Parchim, dans le Mecklemburg, à 150 km de Hamburg. Mais il est possible qu’il vive alors à Hambourg. Ces hommes reflètent bien la nature de ces régiments R2XX, il s’agit d’un mélange de réservistes, de Landwehrien et de volontaires.
L’unité est montée à Harburg car c’est le lieu de garnison du PB 9 et c’est là que se trouvent les magasins d’habillement du PB 9. A la différence des magasins chargés d’équiper les nombreuses unités R2XX et qui font face à des difficultés incommensurables pour réaliser cette tâche, les magasins du PB 9 semblent encore posséder des casques en quantité et avoir le temps de les mettre strictement aux normes d’avant-guerre. Un casque saxon de la RPioK 54 présenté ici porte aussi une croix de réserve. C’est en tous cas ce qui s’est passé pour Mahnke qui reçoit un casque correspondant à une unité de réserve. La plaque a en effet été équipé de la croix de réserve réglementaire. Le fait que Mahnke ait été équipé d’un casque d’une telle qualité milite pour un homme arrivé à l’unité lors de sa formation initiale. Il a donc connu les combats de la 46. RD jusqu’à sa mort en avril 1916.
Après un entraînement sommaire qui vise également à donner une cohésion aux hommes, la compagnie suit la 46. RD qui est rattachée au XXIII RK et doit rejoindre la 4. Armee qui est déployée début octobre 1914 pour attaquer le secteur Lille – mer du Nord, dans le secteur d’Ypres. La 46 RD va dans le secteur Steenstraate – Bixshoote – Kortekeer Kab (Cabt).
Carte du secteur d’Ypres, le secteur Steenstraate – Bixshoote – Kortekeer Kab (Cabt). Est au nord-est, Saint Eloi est au sud-ouest.
Malgré des attaques violentes, la division n’arrive pas à avancer. Dans ce que les Allemands nommeront le massacre des innocents, cette division, comme ses consoeurs nouvellement formées, va subir des pertes terribles pour des gains territoriaux très faibles devant Ypres. Le front va se stabiliser fin novembre. Durant cette première phase des combats, les pertes de la RPiK 46 restent modestes, 5 tués et 7 blessés.
En janvier et février 1915, avec la stabilisation du front, Mahnke et ses camarades vont être employés pour les travaux de fortifications nécessaire au début de la guerre de position. La tâche n’est pas aisée car le sol naturellement humide complexifie les travaux.
Durant ces combats, la compagnie de pionniers est reconnue pour ses qualités et se voit confier une mission bien spécifique. Avec le I/PB 25, la Reserve Pionier K 46 se voit confier la préparation d’une attaque au gaz dans le secteur d’Ypres, la première attaque au gaz de la Grande Guerre. Fin février, d’importants préparatifs ont lieu, les chemins d’accès vers les premières lignes sont renforcés, des voies de 60 sont posées en arrière. Les pionniers construisent une nouvelle route à travers les couverts du bois de Houthulst car les autres routes d’avant-guerre, connues par l’ennemi, sont régulièrement prises sous le feu. Un petit pont de 238 m, fabriqué essentiellement à partir de traverses de chemin de fer, de long doit être construit au niveau de Draaibank pour enjamber un petit canal. Les pionniers construisent aussi un abri à l’épreuve pour le poste de commandement du bataillon et du régiment à Aschhopp, pour permettre la continuité du commandement y compris sous le feu ennemi.
Carte avec notamment le bois de Houthulst et Bixschoote
Début mars, le Pio Regt 35 dit Gasregiment forme un officier de la compagnie à la construction des emplacements nécessaires aux bouteilles de gaz à prépositionner sur la ligne de front. Ainsi sur les 6 km de front tenu par la 46. RD, 150 emplacements sont édifiés dans les tranchées à partir du dimanche de Pâques 1915, 4 avril. Chaque emplacement se voit pourvu de 20 bouteilles métallique de chlore sous pression, enterrées et avec leur partie supérieure masquée par des sacs de sable. Les pionniers doivent transporter les dangereuses bouteilles sous les tirs d’infanterie ennemis sporadiques, ce, sans avoir encore touché les masques à gaz. Les pionniers préparent également des passages pour l’assaut dans les tranchées, en ouvrent également dans les réseaux et prévoient même des ponts mobiles pour franchir l’Yser.
L’attaque est prévue pour le 15 avril. Chaque ensemble de bouteille comporte un tuyau principal de soufflage du gaz et qui doit être déclenché au moment de l’attaque lorsque les conditions seront favorables. Mahnke et ses camarades n’activent pas les bouteilles, c’est le Gasregiment qui s’en occupe mais vont être répartis soit des sections de pionniers d’assaut pour le RJR 214, soit en charge de lancer le cas échéant des ponts permettant aux batteries du RFAR46 de franchir les tranchées ainsi qu’aux vagues d’infanterie de franchir l’Yser
Dans la nuit du 14 au 15, les unités d’assaut de la 46 RD montent en ligne, avec les pionniers. Mais l’absence de vent oblige à annuler l’opération. Heureusement, les Français n’ont rien remarqué. Une nouvelle attaque est prévue pour la nuit du 18 au 19 avril qui doit aussi être ajournée. Les hommes, dont Mahnke, sont nerveusement épuisés par ces montées en ligne/descentes vers des tranches extrêmement dangereuses bourrées de gaz mortel. C’est le 22 avril à 5H40 que le signal convenu, des fusées rouges tirées depuis un ballon d’observation au-dessus du bois de, est enfin aperçu, déclenchant le lâcher de gaz.
L’attaque du 22 avril 1915
5 minutes après, les feux français se taisent, ce sont les pionniers qui s’élancent les premiers de la tranchée pour déblayer les obstacles allemands et permettre l’assaut du RIR 214. Les pionniers accompagnent les fantassins pour ouvrir les obstacles français. Mais le gaz n’a pas pu éliminer certains nids de MG qui ouvrent le feu. Les pionniers subissent des pertes. L’Yser est franchi sur les ponts abandonnés par les Français. Le 23 avril, le renforcement de l’artillerie ennemie empêche la tentative des pionniers de poser un pont supplémentaire sur l’Yser. Mahnke et les pionniers sont ensuite envoyés combattre aux côtés de l’infanterie. Le front se stabilise rapidement et les Alliées regrignotent partiellement les avancées allemandes. 9 pionniers sont tués au cours de ces combats.
La 46 RD reste dans le secteur d’Ypres. Le 28 mars, elle relève la 123 Division dans le secteur de Saint-Eloi, dans le sud du saillant, soit 4 jours avant l’attaque britannique.
Saint-Eloi constitue un saillant dans les positions britanniques et un poste d’observation. Les Anglais souhaitent donc le reprendre. Ce secteur fait l’objet d’une guerre des mines depuis 1915. Les Anglais ont déjà fait sauter 13 mines et les Allemands 20 mines. Les travaux anglais pour de nouvelles mines avancent bien et convainquent l’état-major anglais de tenter une très grosse opération de mine.
Le secteur de Saint Eloi avec les positions de la 46 RD et les futurs cratères.
Les deux brigades de la 46 RD occupent chacune un demi-secteur, c’est le RIR 216 qui est face au futur front d’attaque. Les pionniers de la Reserve Pionnier K 46 découvrent l’important système de mine en place créé par la division précédente mais également son mauvais état relatif, lié notamment à l’humidité généralisée. Ils savent également que les Anglais ont aussi aménagé des galeries de minage mais les pionniers de la 123 Division sont rassurants, pour eux, il n’y a aucun risque d’explosion immédiate. Les reconnaissances aériennes confirment également l’absence d’activité suspect dans les tranchées anglaises. Le renforcement des batteries ennemies contredit toutefois cette vision optimiste.
Durant la nuit du 25 au 26 mars, le Reserver Jäger Bataillon Nr. 18 relève le III/RIR216. Durant l’après-midi du 26, les postes d’écoute interceptent une communication britannique évoquant la mise à feu de fourreau de mines à Saint-Eloi. Les pionniers de la RPK 46 inspectent en détail les tunnels creusés et, au regard de leur constat, considèrent qu’il n’y a pas de danger immédiat. Le commandant du RJB 18 reçoit néanmoins l’ordre de réduire la garnison de la première ligne et de renforcer les positions de soutien. La nuit est calme mais tôt le matin, des bruits sont détectés par les postes d’écoute. L’information ne peut être transmise car, quasi-immédiatement, les fourreaux de mine anglaises explosent avec leur 31 tonnes d’explosif. 300 hommes du RJB 18 sont tués ou enterrés vivants. A saint-Eloi, la première ligne et les positions de soutien sont pulvérisées. Les explosions sont tellement puissantes que des galeries de mines dans des secteurs éloignés s’effondrent. 6 énormes entonnoirs font face aux survivants allemands. Les troupes anglaises ont immédiatement avancé après les explosions et occupent les lèvres des cratères. Des MG et l’artillerie allemandes empêchent les Anglais d’aller au-delà.
Les entonnoirs après l’explosion des mines
Les secteurs des cratères 2 à 5 sont occupés par les Anglais . Un projet de contre-attaque allemande frontale est abandonnée, notamment parce que les troupes n’arrivent pas à identifier précisément le nouveau front formé par les entonnoirs et à cause de l’artillerie ennemie. Les contre-attaques sont lancées à la tombée de la nuit depuis les secteurs contigus restés intacts mais elles échouent. Le commandement de la 46 RD demande de stopper ces attaques et d’aménager en urgence une nouvelle ligne de défense face aux entonnoirs. Toutes les forces disponibles sont employées à cette tâche, non seulement de la 46 RD mais aussi de la division sœur la 45 RD et même de la 123 RD. On a donc la certitude que Mahnke et les pionniers sont alors à proximité des entonnoirs en train d’aménager la nouvelle position, sous le feu ennemi. Le résultat est probant et la position tient. Toutes les forces disponibles, dont les pionniers et Mahnke, sont alors consacrées à la contre-attaque vers les cratères. Finalement le cratère 5 est repris.
Le 30, les II et III/RIR 216 tentent de prendre les cratères 2 et 3 en vain. Les cratères 4 et 5 ne sont pas occupés mais l’artillerie anglaise empêche les Allemands d’y avancer, écrasant notamment les positions de départ des assaillants.
Des combats confus pour ces cratères se poursuivent. Le 3 avril, le cratère 5 est repris par les Anglais. Dans la nuit du 3 au 4 avril, les Canadiens relèvent les Anglais.
Vue aérienne des entonnoirs
Le 6 avril, après une préparation plus forte, les I/RIR 214 et I/RIR216 contre-attaquent. L’avancée est plus facile sauf à droite où des MG prennent de flanc les assaillants et sur le cratère 5. A 18H, la position perdue le 27 est reprise (cratères 2 à 5). Les positions sont réaménagées et tiennent. Les pertes sont des 66 tués, 299 blessés et 118 disparus pour la reprise des cratères.
Les Canadiens attaquent vers les cratères 2 et 3 les nuits des 8/9 et 9/10 avril sans succès. Le 12 avril est une journée plus calme, les Canadiens décidant de renforcer leur position. Des échanges d’artillerie ont néanmoins lieu et c’est certainement au cours de ces derniers que Mahnke est gravement blessé.
http://des.genealogy.net/search/show/3748478Profitant du calme relatif, les pionniers ont dû être employé dans les premières lignes pour les renforcer car les tranchées et abris sommaires étaient sans cesse bouleversés par les obus. Ces derniers avaient aussi mis hors service les systèmes de drainage et tranchées et entonnoirs étaient en partie inondées, souvent jusqu’à la taille nécessitant là aussi des interventions de spécialistes. Cette blessure grave à un moment où il n’y a pas d’attaque explique certainement pourquoi Mahnke a pu être évacué vers l’arrière et un Feldlazarett.
Avait-il son casque avec lui lors de sa blessure ? Difficile à dire, en face les Canadiens avaient pour la première fois les nouveaux casques d’acier.
Malheureusement, Mahnke ne survit pas à ses blessures.
http://des.genealogy.net/search/show/2307853L’Ehrenbuch du Pio Bat 9 nous indique que Friedrich Mahnke meurt le 31 juillet 1916 dans le Res. Feldlazarett B./5 Ers. Division à Menin.
Le nom de Friedrich MAHNKE est également inscrit sur le monument aux morts de son petit village au Mecklembourg (Slate / Parchim).