Bonjour,
Voici les souvenirs du Capitaine Albert Noireaut, tué à la tête de sa compagnie en Champagne le 25 septembre 1915 dans la tranchée de l'Epine de Vedegrange.
Pierre, Noel, Eusèbe, Albert NOIREAUT est né le 17 janvier 1879 à Rouvres-sous-Meilly dans une fratrie de 5 enfants. Contrairement à ses frères et soeurs il ne grandit pas dans le foyer familial mais quitte très tôt la maison paternelle pour des raisons obscures pour exercer la profession d'agriculteur à Grenoble.
Il souscrit alors âgé de 18 ans un engagement de 4 ans dans les armées à la mairie de Dijon le 9 novembre 1897.
Le 11 novembre 1897 il est chasseur de 2e classe. A ce grade, il est sanctionné par 3 jours de prison pour être rentré en retard d'une permission.
Une année plus tard, il parvient au grade de Caporal, puis l'année suivante au grade de Sergent le 20 septembre 1899.
Le 14 février 1900 il est sanctionné pour s'être désintéressé de la tenue des armes de sa section. Puis le 6 mars suivant de nouveau pour ne pas avoir envoyé à l'atelier les réparations de sa section. Il est encore sanctionné le 10 mai de la même année pour avoir "par manque de surveillance laissé introduire un livre dans la cellule d'un détenu". Le 18 juin 1900 il est sanctionné pour ne pas avoir veillé à la tenue de ses hommes. Ce qui totalise 4 punitions individuelles pour l'année 1900..
Cependant, le 21 mars 1901 il est promu Sergent-Fourrier et se réengage pour 1 an. Malgré cela, il est cassé de son grade et redevient Sergent le 23 janvier 1902 et se réengage pour 2 ans.
Le 4 mars 1903, le sergent Noireaut est admis à l'Ecole Militaire d'Infanterie de Saint-Maixent par décision ministérielle. Les notes d'Albert Noireaut y sont très moyennes, mais il excelle cependant en tir et en gymnastique. Son classement faible de sortie : 196e/236 explique les mauvaises appréciations suivantes.
Son Capitaine de Compagnie note :
"Doux et timide, très sérieux, conduite et tenue très bonnes, bonne déduction et bonne santé, a beaucoup travaillé mais a peu de moyens, a montré toujours beaucoup de bonne volonté, instruction théorique faible, pratique passable, a besoin d'être dirigé pendant encore assez longtemps pour faire un bon instructeur et un bon officier de peloton, arrivera à bien faire"Le Chef de Bataillon note :
"Manque de connaissances générales, commet des fautes d'orthographe. Au point de vue militaire il est en bonne voie et s'efforce de bien faire"Le lieutenant-Colonel commandant l'Ecole Militaire d'infanterie clôture ces appréciations :
"De l'extérieur, de l'éducation mais ne sait pas grand chose, n'est et ne sera peut être toujours qu'un brave homme et un imbécile".
La promotion El Moungar (1903-1904) se termine le 2 mars, et le Sous-Lieutenant Noireaut obtient une affectation au 152e régiment d'Infanterie. 2 ans plus tard il est promu au grade de Lieutenant et est détaché pour servir dans une série d'ouvrages défensifs de l'Est, au fort de Gerardmer de 1905 à 1907, au fort de Ropp de 1907 à 1909, et enfin au fort de Geromagny de 1909 à 1911.
Le lieutenant Noireaut au 152e Régiment d'Infanterie.
En 1909 il est détaché à l'Ecole normale de Gymnastique mais en revient avec des résultats très moyens :
"n'a pas produit beaucoup. Ne peut faire qu'un instructeur ordinaire". En 1911 ses notes sont les suivantes :
"Fait des progrès réels que constatent de bonnes notes de son Capitaine et de son Chef de Bataillon. A dirigé l'équipe des skieurs du groupe qu'il affecta au concours du ballon d'Alsace de prix qui témoignent de son zèle et de sa compétence. En outre, a exécuté avec les skieurs plusieurs reconnaissances de frontières intéressantes. Vigoureux, très apte à faire campagne. Rempli de bonne volonté et de zèle.""Très apprécié de son Capitaine a qui il rend de réels services au fort de Geromagny, a mérité les éloges du Général adjoint au Gouverneur pour l'établissement de carnets de tir. A demandé les corps d'Afrique. Vigoureux, très apte à faire campagne"Le général de brigade note : "Très bon officier. Vient d'être nommé pour servir aux tirailleurs ou il semble devoir réussir".
Le 24 octobre 1911 le Lieutenant Noireaut obtient d'être affecté au 3e Régiment de Tirailleurs Algériens, une affectation convoitée. Le 3e Tirailleurs tient garnison à Bône en Algérie. A compter du 12 mai 1912, le Lieutenant Noireaut prend par à la campagne du Maroc.
Son baptême du feu à lieu lors du combat de Hadjera el Kohila le 1er juin 1912 qui débloque la ville de Fez encerclée par les tribus rebelles. Son Capitaine note à l'occasion :
" Très bon officier. Calme sous le feu. Commande bien sa section. De caractère froid et réservé, ne se livre guère."Le Général Franchet d'Esperey ajoute à propos du Lieutenant Noireaut :
"Type de l'officier dévoué, apte à toutes les missions même les plus ingrates. A encourager""Il est initialement au 6e bataillon du 3e RTA qui, effectivement participe au combat d'Hadjera el Kohila. Ce bataillon devient le 2e bataillon du 7e RTA en avril 1913, lors du dédoublement des régiments de tirailleurs. Avec ce bataillon le lieutenant Noireaut participe avec la colonne Gouraud, venue de l'Ouest, aux opérations de jonction des deux Maroc et notamment au combat de Tfazza (la prise de Taza est réalisée par la colonne Baumgarten venue du Maroc oriental). Au moment de la déclaration de guerre, le 2e bataillon du 7e RTA est sur le chemin du retour sur sa garnison d'Algérie." Eric de Fleurian
L'offensive du 25 septembre 1915L’offensive de Champagne du 25 septembre 1915
A 9h15 de l’attaque générale, les unités du 3e Zouaves constituant la 1ère vague sortent des tranchées et bondissent à l’attaque. Les autres vagues suivent et déferlent sur la position ennemie qui est enlevée, non sans pertes cruellement ressenties par les zouaves et par les tirailleurs du 4e bataillon (Bonnard). Le bataillon Bigeon réserve de brigade est engagé vers 10h pour appuyer le mouvement. Il progresse très lentement vers le bois n°1 qu’il reçoit l’ordre d’attaquer vers 12h55. Pertes sensibles par suite des tirs de mitrailleuses. Le régiment de Zouaves et le bataillon Bonnard ont enlevé le bois Raquette a une allure extrêmement rapide, le nettoyage des boyaux est fait hâtivement, les vagues sont décimées par les ennemis nombreux restés dans les abris, l’élan magnifique se traduit par une perte effroyable. A 15h, la position est la suivante : les Zouaves et le bataillon Bonnard sont décimés et leurs débris ont du se replier, le Bataillon Bigeon prend pied dans le bois n°1 et y trouve une pièce de 77 et pousse ses unités jusqu’au bois volant, la 1ère compagnie seule restant au bois n°1 face au bois Raquette tenu par quelques isolés allemands qui y ont pris position après la retraite des zouaves, les efforts pour prendre pied dans ce bois sont enrayés par le tir des mitrailleuses ennemies qui reporte toute action jusqu’au lendemain.
7 officiers sont tués :
Le Chef de Bataillon Biard
Le Capitaine Albert Noireaut
Le Capitaine Jules Bertrand
-Sous-Lieutenants : Paradon, Rosset, Brand et Unal
16 officiers blessés évacués :
-Capitaines : de Coatgoureden, Mougin, Duhem.
-Sous-Lieutenants : Felce, Lalanne, Suzzarini, Gigout, Etre, Cucuel, Ahmed Sista, Trouillet, Cristofini, Aïtarab, Vulpée, Emptoz.
Troupe et Sous-Officiers :
-200 tués
-766 blessés
-149 disparu et prisonniers
La tranchée de l'épine de Vedegrange
"La tranchée dite "tranchée de Védegrange" est au niveau du bois carré, visiblement l'avance finale de l'offensive du 25 septembre. Mais elle s'étend vers l'est jusqu'à la tranchée des Rocades.
La Parallèle du Bois Chevron est la 3e ligne du front maintenu par les Allemands, qu'ils ont du renforçer par 3 lignes en profondeur, à la fin de l'offensive française.
Après l'offensive française du 25 septembre 1915, les Allemands ont lançé eux aussi une contre-offensive en janvier 1916 (début janvier 1916) pour reprendre le terrain perdu. Mais visiblement, en décembre 1916 (date de la carte), le front se situait à la tranchée de Védegrange / Tranchée des Rocades.
Le paysage a bien changé depuis 1916 : la plupart des petits bois qui existaient ont disparu. Ces petits bois devaient être autant d'endroits d'où les allemands pouvaient se camoufler et tirer sur les français."
Par Monte-au-creneau
Voici les quelques souvenirs du Capitaine Noireaut que j'ai pu retrouver :
Le télégramme de décès transmis à la Mairie de sa commune d'origine afin d'informer la famille.
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