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 Carnet de route d'un poilu du 3e RI : décembre 1914

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MessageSujet: Carnet de route d'un poilu du 3e RI : décembre 1914   Carnet de route d'un poilu du 3e RI :  décembre 1914 EmptyMer 14 Juin - 11:02

post de killer2lamor

j'ai un carnet de route d'un homme du 3e RI (combats dans mon secteur de recherche) et voici ce qu'il écrit pour le 6 décembre 1914 (secteur de malancourt)

-6 Décembre ( Dimanche). Avant le jour je suis debout pour me chauffer car nous sommes trempés jusqu’aux os. Nous faisons une bonne gamelle de chocolat puis je m’occupe de faire sécher nos frusques. Vers 8h, 4 lettres de Clémence m’arrivent des lettres chéries auxquelles je me promets de répondre pendant la journée. Cependant pendant que je lis mes lettres qui me font verser des larmes de joie, la fusillade et la mitrailleuse se font entendre vivement en avant de nous, puis tout cesse, il est 9h. Vers 9h1/2 un homme de liaison arrive portant un ordre du Général de Brigade de partir. Vite on balance la soupe qui est presque prête, on monte les sacs. On part à 10h on traverse la plaine et on arrive au bois de Malancourt vers 11h à la disposition du 141ème. On apprend alors que la fusillade du matin a eu pour résultat, pour l’ennemi d’occuper une tranchée à nous, on dit que 2 sections du 141ème ont été faites prisonnières, qu’on nous a pris une mitrailleuse. Nous traversons le bois dans des chemins boueux. Je souffre toujours beaucoup et marche difficilement. La fusillade crépite et les balles sifflent à nos oreilles. Malgré le danger, je suis obligé de m’arrêter pour un besoin pressant. Nous venons de dépasser un coin de bois où s’élèvent 4 tombes où sont enterrés de nombreux camarades. Je rejoint la compagnie dans une tranchée, on nous fait quitter le sac, 2 sections partent en avant baïonnette au canon, on parle de nous faire reprendre la tranchée. La fusillade augmente d’intensité et les balles toujours plus nombreuses sifflent à nos oreilles, quelques obus, des bombes d’abord peu nombreuses puis en grand nombre. Des blessé passent, le Sergent Gomez a une balle dans la cuisse, ma section se porte en avant d’environ 50 pas dans une autre tranchée. Le bond se fait à découvert et au pas de course car les balles passent nombreuse, les obus et les bombes aussi. On dit que le sous-Lieutenant Labour vient de se blesser au pied avec son revolver. Nous restons au moins1h1/2 dans un abri à côté d’un blessé qui a eu la cuisse fracassée par une bombe, je suis à côté de lui, cela n’a rien de gai cette blessure qui saigne, le blessé qui gémit.
D’autres blessés passent du 141ème et du 3ème. De nouveau nous faisons un bond en avant, je suis le dernier de la section en serre-file. Les balles passent en nappe sur nos têtes le danger est de plus en plus grand et ma pensée va vers ceux que je chéris qui sont tranquilles là-bas par cette journée de dimanche. Le bond se fait à travers bois cette fois il n’y a plus de tranchée en avant nous faisons environ 100m la fusillade augmente toujours. Les balles cassent des branches autour de nos têtes. La section se couche dans la boue au bord d’un sentier, comme j’arrive le dernier, il n’y a plus de place, l’adjudant me dis de me placer en arrière, derrière un arbre. Les balles continuent à siffler et à briser des branches même de l’arbre qui m’abrite. Nous restons plus e 2 heures là. Les hommes sont couchés et ne bougent pas, le nez dans la boue, j’ai bien peur de ne pas passer la journée. Je constate que je suis très calme, très froid, je fume 2 pipes, j’embrasse la photo de Clémence mon talisman. J’espère un moment qu’on va nous relever l’adjudant qui est derrière un arbre non loin de là me fait signe lui aussi que le jour diminue et que l’on va partir. La fusillade a diminué. Mais des ordres arrivent j’entends le Capitaine discuter et je n’ai plus de doute de ce qui nous attend. Un officier lui dit qu’il faut reprendre la tranchée, notre Capitaine répond que c’est une folie et il faut qu’on lui donne l’ordre formel de la part du général pour qu’il s’incline. Nous allons enlever la tranchée à la baïonnette. La section se porte en avant les hommes sont inquiets, je les ramasse et leur dit quoique je sache le contraire que c’est le 141ème qui va attaquer et que nous approchons pour les soutenir. L’adjudant est désigné pour prendre le commandement de la 4ème section qui marche en tête. Le Sergent Moreau prend le commandement de la 3ème section et me charge de faire serrer. J’ai de la peine à rassembler tout mon monde. Enfin toute la section est groupée derrière les broussailles. La nuit est venue, la fusillade est impressionnante. Le Capitaine indique de s’engager dans un boyau la 4ème section en tête, la 3ème ensuite. Je m’emploie de mon mieux à mon rôle de serre-file mais ce n’est pas facile, la nuit et les broussailles les hommes ne serrent que si je les appelle par leur nom, ou il faut que j’aille les chercher un à un je les engage dans le boyau plus que quelques retardataires et tout le monde y sera lorsque j’entends le commandement de « En avant à la baïonnette » poussé à environ 50 ou 60m de moi par le Capitaine. Comme si ceci avait remplacé pour l’ennemi le commandement de feu, la fusillade éclate, terrible, rapide et violente, les mitrailleuses et les bombes se mettent de la partie, à peine si nos hommes s’élançant en avant ont poussé quelques cris, ceux qui étaient encore en arrière se précipitent dans le boyau pour se mettre à l’abri de la nappe de projectiles qui passent, moi même je m’y jette en criant « serrez serrez »mais impossible de faire avancer tout le monde est tassé, la fusillade et la mitraille ont arrêté l’élan. Pendant peut être demi heure nous restons là couchés vivant des minutes poignantes. Par dessus nos têtes les balles passent en rafales, l’ennemi envoie sans interruption des fusées éclairantes à un moment je reçois dans le dos comme un fort coup de poing. L’homme qui est derrière moi crie qu’il est blessé, heureusement il n’en est rien, moi-même je crois l’être, c’est seulement un éclat de bombe qui m’a tombé dessus. Les ordres arrivent de faire un peu reculer, mais à présent personne ne veut sortir du boyau. On entend de nombreux cris de douleur (un blessé crie sans cesse « à moi ! au secours ! ma femme !). On me dit de surveiller en arrière de peur que l’on nous tourne, la nuit est noire. Finalement l’ordre arrive de nous replier je sors du boyau et je dis aux hommes de me suivre mais ans la nuit les uns filent à droite les autres à gauche et je me trouve seul. Je rencontre le fourrier, je lui dis qu’on se replie, il me dit de le suivre et nous marchons ainsi 5 ou 6 pendant 1h ou 2 sans retrouver l’emplacement où nous avons laissé nos sacs. Enfin nous rencontrons un groupe, puis un autre, des hommes de la Compagnie qui comme nous errent dans le bois sans direction ne sachant de quel côté se diriger, toujours sous la pluie de balles qui ne cesse pas. On s’approche on se reconnaît on se serre la main on apprend qu’untel est blessé qu’un autre est mort. On dit que le Capitaine est blessé, que l’Adjudant a disparu, il n’y aurait plus comme gradé que des sergents et des caporaux. Pour comble de malheur la pluie commence à tomber, nous nous réfugions dans une tranchée mais nous avons de l’eau à mi-jambe. Nous ne savons que faire, nos sacs nous manquent, nous n’avons ni couvertures, ni rien, moi-même j’ai laissé mes musettes pour être plus léger. Nous n’avons rien mangé depuis le chocolat du matin. Nous recommençons à chercher sous les balles et la pluie dans la boue, on rencontre des blessés de toutes parts. Les uns veulent aller à droite, d’autres à gauche. Je m’arrête dans une tranchée et je me glisse dans un abri où nous sommes bientôt 8 ou 10 couchés dans 0,25 de boue. Je suis fatigué malgré le froid, la pluie, la boue et la faim je dors. Quand je m’éveille je me trouve seul avec un homme de mon escouade. Nous décidons de repartir de nouveau, mais la pluie à redoublé, les balles sifflent toujours. Tous les abris sont occupés par des blessés ou des hommes couchés pêle-mêle. A la voix on se reconnaît on se félicite mutuellement d’avoir échappé au danger mais on apprend toujours qu’un autre a été moins heureux. Enfin dans une hutte étroite occupée déjà par 2 autres caporaux je trouve 2 places mais on ne peut rentrer qu’en rampant. Je rentre et me couche dans la boue et nous passons là le reste de cette nuit mémorable serrés les uns contre les autres, transis de froid et de faim des gouttes me tombent continuellement dans le dos.


-7 Décembre. Avant le jour nous décidons de nous remettre en marche, nous rencontrons encore des blessés, nous nous séparons, nous rencontrons d’autres groupes. La pluie tombe toujours, le vent souffle et les balles continuent à pleuvoir. Nous trouvons une nouvelle ligne d’abris en branches, là, chaque baraque, et elles sont nombreuse, est occupée par des hommes de la compagnie à chacune d’elle on reconnaît un camarade , mais toutes sont pleines et personne ne sait où sont les sacs, nous trouvons un abri, les pieds dans l’eau, dans la dernière baraque où je reste encore 2h environ à attendre le jour accroupi sur les jambes je ne puis ni m’asseoir ni me coucher. Enfin vers 7h le jour se fait, je sort et de partout chacun en fait autant, la pluie continue, les uns vont à droite les autres à gauche. Je m’oriente assez bien et je trouve bientôt avec un groupe d’hommes de mon escouade, la tranchée et les sacs. La tranchée est occupée par le 141 et les sacs sont dans un triste état, la plupart sont dans la tranchée et recouverts d’eau, d’autres comme le mien dans la boue, beaucoup ont été ouverts il me manque ma couverture. Nous apprenons que le Capitaine n’a pas été blessé, qu’il a passé la nuit droit dans la tranchée, on dit qu’il a pleuré une partie de la nuit. Nous faisons tous pitié à voir recouverts que nous sommes de la tête aux pieds d’une couche épaisse de boue, les traits tirés. Le Capitaine nous dit de rester avec le 141ème dans la tranchée. La pluie redouble, je mange un morceau de pain mouillé, je n’avais plus rien pris depuis 24 heures. Au bout de 2h enfin on rassemble et nous partons en arrière, 1Km plus loin nous formons les faisceaux, le Capitaine fait former le cercle et fait l’appel. Appel lugubre et poignant tout le monde a les larmes aux yeux. Le Capitaine pleure et nous dit que ce n’est pas de sa faute et qu’il a tout fait pour éviter cette attaque. Tous les 2 ou 3 noms, quelqu’un répond « blessé », « tué » ou « disparu ». L’appel terminé, il manque 78 hommes, le 1/3 de l’effectif, quelques uns ont reçu 3, 4 même 7 blessures. La section la moins éprouvée est la mienne, l’adjudant manque, il y a plusieurs blessés, morts ou disparus et parmi ces derniers un homme de mon escouade, un ami Mevolhon. La journée se passe tristement chacun raconte ce dont il a été témoin, je m’isole dans un abri, fatigué. Des hommes de l’escouade voisine viennent me chercher et me forcent à aller partager leur cabane où il y a du feu on fait du café. Cela me ranime un peu. : Vers le soir nous partons. Nouvel arrêt à la lisière du bois ce retour est triste, je suis fatigué. L’ordre arrive d’aller à Récicourt, nous traversons la plaine d’Avocourt à la nuit a travers champs dans une boue grasse. Arrivés aux emplacements que nous occupions la veille il est nuit noire. Je sens que je ne pourrai jamais traverser les bois d’Hesse et je décide de coucher dans un abri, un camarade reste avec moi. Je préviens le chef de section et je laisse partir la Compagnie. Un artilleur qui seul loge là, un téléphoniste, nous donne l’hospitalité.

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