Bonjour,
Article tiré de la presse régionale. Un nouveau site type Wellington à prévoir ?!
Le contexte
Le 5 août dernier, le propriétaire d’une maison boulevard François-Mitterrand tondait sa pelouse lors que le sol se dérobe. Sa jambe reste coincée dans un trou d’une largeur d’environ 80cm. Suite à cette découverte, quatre maisons ont été évacuées en attendant une expertise. Elle interviendra quelques jours plus tard. Le résultat est rassurant pour les habitants qui ont pu regagner leur domicile, la cavité ne menaçant pas les maisons. Dernièrement, l’association ARRRAS (association pour la recherche des réseaux anthropiques souterrains) est descendue et leur expertise dépasse toutes les espérances.
Détails techniques
Jusqu’à maintenant, lorsqu’on parlait de souterrains à Étaples, on pensait nécessairement aux galeries creusées par l’homme dans la craie. Les Étaplois, pendant des décennies, ont extrait cette roche blanche pour construire leur maison. L’enchevêtrement de ces galeries dans le centre-ville d’Étaples est en grande partie connu par le simple fait qu’elles ont servi de refuge aux habitants pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Le souterrain qui vient d’être mis à jour n’est en rien comparable avec ce réseau de galeries.
Il mesure près d’une centaine de mètres et se compose essentiellement de deux longues galeries et de quelques accès secondaires. Il n’est pas facilement praticable avec ses 1,10 mètre de large et ses 2 mètres de haut.
Le trou apparu en août dernier boulevard François-Mitterrand serait l’une des entrées secondaires de ce souterrain à vocation militaire. Pour preuve, des marches taillées dans la craie sont encore visibles. Ce nouveau réseau se prolonge d’un côté vers les jardins des maisons voisines, et de l’autre le long de l’avenue du Vieux Moulin. D’après la cartographie réalisée par l’association ARRRAS, l’entrée principale se situerait au début de l’avenue du Vieux Moulin.
Plusieurs graffitis jalonnent ce souterrain creusé dans le calcaire. Et, à plusieurs reprises, des structures de bois (sapin) apparaissent.
Un cas unique en France ?
Pour Frédérick Willmann, vice-président de l’association ARRRAS, il s’agirait d’une vraie découverte historique. « On suppose que ce souterrain a été construit vers 1916 par les sapeurs mineurs. C’est hors du commun. Ce type d’aménagement n’existait pas jusqu’à présent à l’arrière du front et son état de conservation est remarquable. Ce type de réseau est généralement rencontré en seconde ou troisième ligne de tranchées afin de mener les soldats vers les divers points du front ou les mettre à l’abri avant l’assaut » souligne Frédéric Willmann.
Au regard de sa qualité de conservation, il semblerait que ce réseau n’avait pas été visité depuis la fin du premier conflit mondial. C’est sans doute à cette époque qu’il a été rebouché.
Pour expliquer la présence de cette architecture dans la cité des pêcheurs, il faut se souvenir qu’Étaples et les communes environnantes ont accueilli le plus grand camp militaire de la Première Guerre mondiale entre 1915 et 1919. Plusieurs milliers de soldats ont transité par ce camp qui comptait 15 hôpitaux. Au-delà de l’aspect médical, il avait une réelle vocation militaire. C’était le terrain d’entraînement des troupes britanniques, australiennes ou indiennes. Frédérick Willmann avance l’hypothèse que ce nouveau souterrain serait un chantier école à la sauce militaire. « Nous pensons sérieusement à un réseau école où les soldats britanniques, et en particulier les sapeurs mineurs, pouvaient appréhender une géologie spécifique au nord de la France et ainsi apprendre à creuser cette roche particulière.
Ce réseau a sans doute été conçu pour se préparer à la grande bataille d’Arras en 1917. » Autre élément qui rend cette découverte d’autant plus exceptionnelle : la qualité et la finesse de certaines pièces d’architecture.
« Les galeries sont d’une architecture très hétérogène, ce qui n’est pas dans les habitudes rencontrées dans des galeries similaires sur le front. Il semble que les mineurs se soient fait plaisir et qu’ils aient eu le temps de réaliser des galeries voûtées en arc surbaissé, une arche et de badigeonner certains murs de chaux » ajoute Frédérick Willmann.
Vous avez dit sapeurs mineurs ?
C’est un corps d’armée qui a joué un rôle essentiel pendant la Première Guerre mondiale mais l’histoire ne leur a pas vraiment donné leur juste place. Les sapeurs mineurs pouvaient intervenir sous plusieurs formes. On pouvait leur demander de creuser des galeries pour que les soldats se protègent, mais aussi pour piéger l’ennemi.
Ainsi, ils creusaient un tunnel jusqu’à la position ennemi afin d’y faire exploser des mines.
À Étaples, le souterrain serait le travail de sapeurs mineurs britanniques.
Au moins deux compagnies ont pu être identifiées grâce aux inscriptions (dont des numéros de soldat) laissées sur les murs. On sait par exemple qu’au moins un militaire provenait de la ville de Liverpool. L’association ARRRAS vient d’engager des recherches en Angleterre pour recueillir davantage d’informations sur ces sapeurs mineurs.
Quel avenir ?
Aujourd’hui, la première question qui se pose c’est de savoir ce que va devenir ce souterrain. Rappelons que la seule entrée connue se situe sur un terrain privé. Elle n’est donc pas du tout accessible par des personnes qui ne disposeraient pas du matériel et des autorisations nécessaires. Cette configuration rend peu probable une prochaine ouverture au grand public.
Pour Frédéric Lemaire, archéologue à l’INRAP, ce site mérite d’être préservé. Reste à savoir sous quelle forme et dans quelles conditions. En attendant, les propriétaires du terrain boulevard François-Mitterrand ont toujours un trou béant devant la façade de leur maison. Et, il semblerait que les assurances ne soient pas prêtes à mettre la main à la poche pour reboucher ou sécuriser cette entrée secondaire du souterrain.
Article tiré des échos du touquet