Bonjour
Je profite de ce post pour présenter un casque similaire mais présentant quelques différences au niveau de l'absence de cimier.
Ce qui est intéressant avec cet exemplaire, c’est que les différents indices laissés dessus et dans ce casque permettent de reconstituer assez précisément son histoire et surtout d’avoir la quasi certitude qu’il est encore dans son état d’origine, ce qui permet d’en tirer quelques enseignements.
D’abord, ce casque m’est parvenu coiffé d’un couvre casque du RJR 65
Un intéressant texte dans l’intérieur de la visière « Champagne Somme-Tourbe – 13 mars 1915 » montre donc que la bombe a connu le combat en Champagne.
Le croisement entre Somme Tourbe 13 mars 1915 et le RIR 65 rend l’ensemble cohérent.
En effet, le RIR 65 appartient à la 16. Res Div. Or celle-ci se trouve également en Champagne à cette date :
§ 08.01.1915 - 13.01.1915: Schlacht bei Perthes les Hurlus und Beauséjour (2. Schlacht bei Perthes)
§ 14.01.1915 - 31.01.1915: Stellungskämpfe in der Champagne
§ 01.02.1915 - 05.02.1915: Schlacht bei Perthes les Hurlus und Massiges (3. Schlacht bei Perthes)
§ 06.02.1915 - 15.02.1915: Stellungskämpfe in der Champagne
§ 16.02.1915 - 19.02.1915: Schlacht bei Perthes les Hurlus und Beauséjour (4. Schlacht bei Perthes)
§ 21.02.1915 - 20.03.1915: Winterschlacht in der Champagne
§ 21.03.1915 - 21.09.1915: Stellungskämpfe in der Champagne
C’est exactement le même secteur entre la position du RIR 65 et le lieu où le poilu a ramassé le casque.
Mais c’est surtout un nom écrit dans la nuquière qui nous livre l’histoire de ce casque :
Après des heures de recherche frénétique et grâce à l'inestimable aide de Rheinbaben, le nom du dernier porteur a été déchiffré et confirme en tout point le parcours et le lien incontestable entre le casque et son CC. Avec son aimable autorisation, je vous décrits donc le destin de cet homme. La première photo de la nuquière montre son nom Schroeteler, la seconde son prénom Matthias
Matthias Schroeteler est déjà relativement âgé lorsqu'il se trouve en Champagne. En effet, il est né le 11 septembre 1878 et à déjà plus de 36 ans en ce mois de mars 1915. Il fait très certainement parti des renforts successifs que le RIR 65 a touché au fur et à mesure de ses pertes. Il est né à Dürwiß / Jülich, qui se trouve à l'ouest de Köln, il y habite avant guerre car son nom apparaît dans le bottin local. SCHROETELER est d'ailleurs un nom très classique de la région entre Aachen et Köln. Vue son âge, il fait partie de la Landwehr et est donc ce qu'on appelle un Wehrmann (homme de la Landwehr). Schroeteler a dû faire son service militaire et ses périodes de rappel, il sait donc à quoi ressemble un casque à pointe. J'imagine son étonnement lorsqu'on lui a remis ce casque Ersatz. Déjà âgé, certainement père de famille, et ayant cru, dans la perspective d'une guerre courte, échapper au combat, on peut concevoir le peu d'entrain de sa montée au front, en plus affublé d'un tel casque. Car il s'agit vraiment d'un casque "d'occasion" car il n'est pas le premier à le porter au front. En effet, sous son prénom, on distingue un autre nom écrit en majuscule, ce nom passe sur la trace du retour du jonc du cimier, il a donc été écrit après le reconditionnement de ce casque. Ce n'est donc pas un pompier et ce premier porteur a, au mieux, touché un autre casque ou, au pire, malade, blessé ou tué, n'en avait alors plus besoin. Matthias Schroeteler est affecté dans la 2. Kompanie du RIR 65.
Les VL nous permettent de suivre son destin. La publication N° 421 du 27.3.15, page 5526, indique que notre homme est porté disparu, les parutions des pertes ayant un décalage d'au moins 15 jours à 1 mois avec les combats.
http://des.genealogy.net/search/show/1679416 La VL indique que ces hommes du RIR 65 ont été victimes d'une série de combat qui se sont déroulés les 19-28 février et 10-13 mars durant les combats de Champagne. Ces combats ont été très violents pour la 2/RIR 65 car plus de 140 hommes de cette compagnie ont été mis hors de combat, soit près des 2/3 de la compagnie
Grâce au poilu anonyme, nous savons que les combats qui terminent la carrière militaire de Schroeteler sont ceux du 10-13 mars 1915. C'est à l'issue de ce combat que ce casque est devenu un trophée. On imagine que le poilu a été attiré par le beau couvre casque qui recouvrait une coque nettement moins attirante. Il a été ramassé ou plutôt peut-être même enlevé de la tête de son propriétaire car Matthias Schroeteler a survécu aux combats. Il a en effet été fait prisonnier comme le précise une actualisation des VL N° 584 du 13.7.15
http://des.genealogy.net/search/show/240059526 autres hommes de la 2/RIR 65 sont également indiqués comme prisonniers. Des groupes de la 2/RIR 65 ont dû être isolés lors de l'attaque française. Matthias Schroeteler part donc pour une longue captivité.
Les fiches de la croix rouge nous apprennent que Matthias Schroeteler est envoyé à Carpiage entre Marseille et Cassis (4ème nom en partant de la fin). Notre homme a dû travailler aux travaux d'aménagement du camp militaire.
Finalement, une dernière parution N° 2248 des VL du 11.12.18 nous indique que Matthias Schroeteler a été libéré de captivité!
http://des.genealogy.net/search/show/6119362Ainsi, tout se recoupe, le CC, l'inscription française et le destin du porteur. Ces éléments permettent d'affirmer que ce casque d'ersatz est selon toute vraisemblance dans son état d'origine et permet donc de décrire précisément à quoi pouvaient ressembler les casques de pompier reconditionnés.
Effectivement Le Larcade tome 1 indique des cas de casques de pompiers dont le cimier était recouvert d’une pointe en bois. Ici on semble n’avoir voulu conserver que la coque (avec sa visière en maillechort) et la jugulaire car sinon comment recouvrir l’ensemble d’un couvre-casque, comme sur l’exemplaire sujet initial du post
L’ensemble du cimier ainsi que la plaque ont été démonté. Pour la plaque, on distingue encore les traces de cette dernière dans le cuir, ce n’est pas une prussienne, certainement la plaque de ville de rattachement de la brigade de pompiers. Cette dernière n’est pas identifiable en l’état. Les 3 bataillons du RIR 65 ont été levés à Bonn (Stab & I. Btl.), Siegburg (II. Btl.) et Deutz (III. Bataillon), soit la région Köln Bonn. Le casque de pompier doit logiquement provenir de ce secteur.
Avec un couvre casque correct comme celui qui le coiffe, l’ensemble faisait néanmoins à peu près correct et même bien illusion.
Si l’on regarde en détail le casque :
La pointe en bois est remarquable par son imitation d’une vraie pointe,
Son système de fixation est très primitif, une vis et une pastille métallique.
Les nombreux trous dans le cuir autour de cette pointe, laissés après enlèvement du cimier, pouvaient peut-être être considérés comme suffisant pour la nouvelle ventilation…
Le casque conserve une grosse jugulaire tenue par des rosettes.
Ce casque me semble être un exemple sincère des expédients auxquels recourut l’armée allemande, avec une réutilisation ici au plus simple de casque de pompier, pour le faire confondre grâce au CC avec un casque d’infanterie classique. C'est en quelque sorte le CC qui a sauvé le casque car sans lui pas sûr que notre poilu aurait pris une telle bombe comme trophée...