Post de Rheinbaben:
Première observation assez intéressante, pour ne pas dire sortant un peu de la norme classique: la basane est du vieux type "Eigentum" à multiples dents carrées avec son lacet de serrage d´origine encore en place. Parallèlement on constate que le casque est tout de même bien marqué à la Kammer de la 11ème Cie, un marquage de bataillon et d´unité ne se trouvant pas dans ce casque. Il s´agit là d´un très vieux rossignol, très certainement un ancien M91 repassé à la mode M95 par les Kammer de la 11C à un moment donné de sa très longue perduration au sein de cette compagnie (un autre indice plaide pour cette hypothèse, nous le verrons plus loin). Je pense être très prêt de la vérité en affirmant que ce casque a au moins vu 20-25 ans de service en garnison avant la mobilisation. Le déclassement en Garnitur III, comme déjà observé sur d´autres très vieux exemplaires en collection, est la preuve par excellence de ce très long service en circuit fermé au sein de la compagnie et des retours et contrôles permanents à la Kammer après chaque fin de service. Ces indices permettent d´exclure le cas d´un casque ayant quitté le circuit fermé de cette utilisation avant 1914.
Cet ancien type de basane a cessé d´être utilisé sur les casques d´Eigentum vers 1880-1890, car alors remplacé par le modèle plus luxueux et plus onéreux avec bandeau de sudation en cuir fin et calotte en soie. Il est très vraisemblable qu´il resta chez les fabricants des excédents de stocks de ces basanes ancien type, devenues obsolètes et n´étant plus "en vogue" après l´introduction du nouveau type de basane Eigentum. Ces stocks ne furent certainement pas jetés ou détruits mais cousus sur les tout nouveaux M91 de l´époque.Maintenant le casque sous le CC avec des garnitures à la dorure encore assez bien préservée:Quelques vues de l´apparence bien jus de l´intérieur:Lorsque j´eu la première fois l´objet en main et en voyant une fixation de plaque à vis et écrous, j´ai cru avoir encore affaire à une bombe M91 sans oeillets...Après avoir démonté avec très grande précaution la plaque (les écrous bloquaient quelque peu), on constate que le reconditionnement à la mode M95 de ce vieux M91, outre l´adjonction d´un jonc arrière ventilé, a également consisté à doter le casque d´oeillets pour la fixation de la plaque. Le spectre laissé par l´aigle sur la bombe est impressionnant et colle pilpoil avec le contour de la plaque.
La plaque M91 a été jugée être encore digne d´une prolongation d´utilisation dans les nouveaux oeillets installés à cet effet dans la bombe. On remarquera que la surface de coupe des vis des plaques M91 n´a pas forcément toujours l´aspect d´une coupure à la tenaille.
Ici la surface est parfaitement plate, totalement d´origine! Maintenant le couvre-casque. Les chiffres en feutrine rouge possèdent encore leur bande adhésive en papier sous-jacente permettant un placement plus facile sur le tissu avant couture. Les coutures sont en zigzag Les petits fils noirs (deux devant et un derrière) servaient à la fixation des trois crochets de la bande rouge de manoeuvre
Les coutures vues de l´intérieur:Les 5 crochets en laiton sont tous présents:
Tampon régimentaire du JR79. À côté, tampon de la 11ème Cie, bien cohérent avec celui du casque. Le CC est d´une Garnitur I, donc plus récente que celle du casque. On peut supposer que les anciens CC M92 à 4 crochets et pointe cousue au corps du CC ont d´abord servi à couvrir ces vieux casques et ont ensuite été peu à peu remplacés, à partir de 1897, par le nouveau modèle de CC à 5 crochets et à pointe fixée au corps du CC par 5 petites pattes en tissu. Les vieux CC M92 se retrouvent plus souvent dans des unités de reserve dans lesquelles ils ont été ensuite ré-utilisés. L´ensemble est d´une taille sortant de la norme de l´époque pour un simple troupier, car le tour de tête est un très grand 59. Celà aura son importance lors de la suite des événements. La pointe est munie de sa protection intérieure en cuir.Quelques objets trouvés dans un tiroir de la vieille bâtisse, juste quelques jours après le casque et son CC.
Au moins j´avais déjà un visage de soldat mais encore sans certitude si il s´agissait du porteur et encore sans nom définitif même si j´avais déjà une petite idée...
Wilhelm ADENSTEDT et son épouse Anna (née HIMSTEDT, également domiciliée à Bierbergen) étaient les propriétaires de très longue date de cette vieille ferme. Tous les documents sont des extraits d´actes de naissance, de baptême, de mariage et de décès. Ces documents sont exclusivement focussés sur la vie familiale de ce couple et celle de leurs parents respectifs.
La majeure partie de ces extraits a été demandée à la mairie de Bierbergen en 1939 et 1941, quelques autres en 1951 et les derniers en 1964, année de décès de Wilhelm Adenstedt. Il avait 77 ans.
Un extrait de l´acte de naissance de Wilhelm ADENSTEDT. Né le 9 juin 1886. Acte de baptême (18.7.1886):
Acte de mariage avec Emma HIMSTEDT (9.10.1908). Nous verrons plus loin que la date du mariage est pratiquement simultanée à celle de sa libération de son service militaire à la 4/79 à Hildesheim en temps de paix.
L´acte de décès de Wilhelm (12.3.1964)Ces différents documents nous apprennent que Wilhelm était macon dans le civil.
Ceci est confirmé par un "Arbeits-Pass" (permis de travail) établi le 14.5.18. À cette époque, il avait été provisoirement libéré de l´armée pour travailler dans la mine "Ilseder Hütte" près de la ville de Groß Ilsede en Basse-Saxe. Certainement un pistonnage car son père et son beau-père étaient tous les deux des mineurs.
La pièce maîtresse parmi tous les documents est certainement le Militär-Pass de Wilhelm ADENSTEDT. Mon interlocutrice n´a pas encore eu le temps de photographier l´intégralité du livret, uniquement les premières pages établissant son identité et son status. Elle m´a juste fait quelques photos de qualité médiocre de quelques pages intérieures de son parcours entre 1914 et 1918 sur lesquelles je peux déjà déchiffrer qu´après sa blessure, Wilhelm a bringballé d´Ersatz-Bataillon en Ersatz-Bataillon (celui du JR79, celui du JR136 et la compagnie de garnison de l´Ersatz-Bataillon du GR 89 de Schwerin) et d´Etappe en Etappe dans les zones loin du front (fin 1916 - début 1917, il fut envoyé dans une Etappe à l´Armeegruppe LITZMANN, aussi appelé Abschnitt Slonim, en Biélorussie). Il n´a jamais revu le secteur du front.
Mon interlocutrice m´a promis de me céder tous ces documents après qu´elle se soit faite elle-même quelques notices pour ses propres recherches généalogiques. Elle ne désire pas garder ces vieux papiers... Je ferai alors des photos plus détaillées et plus nettes de chaque page du livret militaire.
Mais voici déjà quelques clichés:
Nous apprenons que sa profession était à l´époque "Hausschlachter" (un boucher qui allait de ferme en ferme). Wilhelm s´est engagé volontairement à la 4/JR79 le 9 octobre 1906 (deux ans jour pour jour avant le jour de son mariage). Il porte la désignation de "Zweijährig Freiwilliger". Je ne connaissais pas encore cette désignation et grâce à un membre très féru en documentation que je tiens à remercier chaleureusement, j´ai appris dans la Wehrordnung de 1904 les choses suivantes sur ces recrues.
Dans l´Allemagne impériale, seulement un certain pourcentage des jeunes hommes (environ 50%) ayant atteint la fin de leur 17ème année effectuaient finalement leur service d´active du temps de paix. Les autres se retrouvaient pour différentes raisons (condition physique, situation professionelle, etc) dans l´Ersatz-Reserve, ensuite la "ungediente" Landwehr et finalement le Landsturm. Ils n´étaient appelés qu´en cas de guerre et subissaient alors une formation militaire accélérée.
Les Zweijährig Freiwillige (n´ayant rien à voir du tout avec les Einjährig Freiwillige bien dotés financièrement) étaient des gens du peuple, à même titre que ceux qui faisaient leur service de deux ans, à la seule différence que le fait de s´engager volontairement pour ces deux ans supprimait l´option de ne peut-être pas devoir faire son service militaire et de se retrouver directement dans l´Ersatz-Reserve. L´avantage de ce volontariat était le choix de l´unité alors que les autres simples recrues qui étaient considérées comme apte au service étaient envoyés là où le besoin était pressant, donc éventuellement très loin de leurs foyers. Ces volontaires devaient d´abord acquérir un "Meldeschein" (formulaire d´inscription stipulant officiellement leur disponibilité) auprès de leur Landwehrbezirk et ensuite présenter ce document au commandant de l´unité choisie. En fonction des effectifs du moment, ce dernier donnait son accord ou non. En cas d´accord, un "Annahmeschein" (document d´acceptation) était délivré par l´unité avec la date d´entrée en service prévue.
Dans le cas précis de Wilhelm ADENSTEDT, on peut s´imaginer que le choix de l´unité située à seulement 10kms de ses foyers et de sa future épouse a été prépondérant. Son mariage immédiat après sa libération en dit assez long...
Après sa blessure de septembre 1914, il passe au grade de Gefreiter der Landwehr Ier ban.
Voici une photo d´un document extrêmement intéressant placé dans le Militärpass:
Il est en date du 19.12.17 et prolongé le 29.6.1918. Ce document atteste que Wilhelm ADENSTEDT ne fut plus apte qu´à un service en garnison (vraisemblablement du à sa blessure du 6.9.14 devant les Marais de Saint-Gond).
Il a entre temps été promu au grade d´Unteroffizier et porte la désignation "
g.v.Etappe" (garnisonverwendungsfähig Etappe =uniquement apte à un service de garnison en Etappe).
L´article 1489 ci-dessous défini ce status de "g.v."
Il garda donc son casque après sa blessure et se retrouva un certain temps à l´Ersatz-Bataillon du JR79 dans la garnison de Hildesheim, une sorte de reconvalescence non loin de ses foyers dans lesquels il eut très certainement l´occasion de se rendre à plusieurs reprises, du fait de son service limité en garnison. Le CC n´étant pas porté en garnison (surtout entre temps avec des chiffres rouges démodés) , ce dernier du rapidement perdurer chez lui. Je ne pense pas que l´Ersatz-bataillon ait couru après chaque bout de tissu que constituait un CC.
Par contre je reste persuadé que le casque le suivi partout lors de ses tribulations d´Etappe en Etappe, de 1914 à fin 1917, ce qui explique l´intérieur assez usé du casque.
Le document-ci dessus est un ordre de l´armée libérant
provisoirement Wilhelm ADENSTEDT du service sous les armes et l´autorisant à rentrer dans ses foyers pour travailler aux mines de Groß Ilsede non loin de chez lui. Ce document stipule qu´il s´agit d´une mesure provisoire et limitée dans le temps et qu´il peut être ré-intégré sous les drapeaux à tout moment. De ce fait il était tenu de faire rapport immédiat auprès de l´administration de son lieu de domicile si son travail était terminé. Le Stahlhelm ayant fin 1917 depuis longtemps remplacé le Pickel au sein des unités combattantes, les unités de garnison et dans les Etappen n´eurent plus vraiment de pénurie de casques à pointe, ces derniers étant devenus obsolètes et retournés en masse au pays.
Comme ADENSTEDT ne fut libéré que provisoirement près de son domicile, il est tout à fait envisageable qu´il garda et entreposa son casque chez lui jusqu´à la fin de la guerre.
Et pour terminer aujourd´hui en beauté, voici quelques clichés de Wilhelm ADENSTEDT.
Une carte postale envoyée à ses futurs beaux parents de Bierbergen en mai 1907. On distingue très bien le numéro 79 sur une patte d´épaule et le bandeau GIBRALTAR sur la manche droite. Il raconte à son futur beau-père, Gustav HIMSTEDT, que 6 recrues ont été atteintes par la foudre lors d´une manoeuvre au camp d´exercice de Munsterlager. Deux soldats ont succombés et 4 ont été grièvement blessés.
Wilhelm dans la cour de la caserne en 1907 (carte postale envoyée à sa bien-aimée en juin 1907). Sur le bras droit, il porte l´insigne "Kaiserabzeichen für beste Schießleistung" qui récompensait la compagnie qui obtenait le meilleur résultat au concours de tir annuel organisé par chaque corps d’armée. Au JR79, ont obtenu ce prix, la 5ème compagnie en 1904 et
la 4ème en 1906. Les hommes portaient cet insigne pendant un an, les gradés, tant qu’ils restaient dans cette compagnie (merci staffy!). Tout est donc parfaitement cohérent!
Wilhelm assis au centre lors de son séjour à l´EB du JR79 après sa blessure. La patte d´épaule de l´homme de droite montre bien le 79 et la manche de l´homme de gauche la bande GIBRALTAR.
Cette photo a été prise vers 1916-17. Wilhelm porte maintenant les parements de manche et de col pour le grade d´Unteroffizier (merci une nouvelle fois à staffy!). Impossible de dire dans quel EB il se trouve alors, la photo n´est malheureusement pas annotée...
Mon interlocutrice trouve encore des documents dans la vieille bâtisse
Recue ce jour, une photo d´époque du lieu de trouvaille du casque, la "ferme ADENSTEDT", maison N° 91 (il n´y avait pas encore de noms de rue à l époque).
Photo prise à l´aube de la guerre avec l´épouse (Anna) et les trois enfants (des 4 en tout) du Wehrmann Wilhelm ADENSTEDT.
Avec la photo, il y avait le document officiel du Königl. Preuss. Amtsgericht de la ville de Peine (tribunal du district), attestant qu´en date du 12 juillet 1913, le dénommé Wilhelm ADENSTEDT devenait officiellement propriétaire de cette ferme.
La lettre officielle est adressée au " Maurer und Hausschlachter Wilhelm Adenstedt" (macon et boucher allant de ferme en ferme).
Rheinbaben