Populations en territoire envahi : "sympathisations" avec l'occupant

bonjour,

j'ouvre ce fil qui me paraît intéressant sur l'histoire des populations civiles en 1914-1918. Des faits dont on ne parle pas beaucoup : les "sympathisations"

pour commencer, quelques extraits tirés de "Les carnets du cardinal Alfred Baudrillart, 1er août 1914 - 31 décembre 1918", édités chez CERF. Cet homme d'église était en relation avec le monde politique, littéraire et scientifique, à la tête du "Comité catholique de propagande française à l'étranger", aumônier de l’hôpital de Thiers, recteur de l'Institut catholique de Paris. Il a donc rencontré de nombreuses personnalités et a tout mis par écrit au jour le jour. Comme dans tout témoignage il y a des informations à infirmer ou confirmer, à compléter, il faut garder un certain recul

Notes du 21 aout 1915
Je reçois la visite du R. P. Dom Thierry de Maredsous. Il vient de passer huit mois à Vouziers, après avoir été arreté et mis au mur pour être fusillé ; il a été sauvé par un officier supérieur. Il ne reste plus guère que 700 habitants, vieillards, femmes et enfants. Un dimanche, il a lu un sermon sur les dangers de l'occupation. Hélas! on s'humanise avec l'occupant et celui-ci se familiarise avec l'habitant. Il y aura beaucoup de petits Allemands-Français.
L'empereur est venu quatre fois passer des revues : il est vieilli et agité ; le Kronprinz passe aux yeux de tous pour un voyou et mérite sa réputation. Au contraire, le prince royal de Saxe est un jeune homme charmant qui se fait aimer. Le prince Max (l'abbé) a été très bon pour tous ; l'empereur l'a envoyé à Rethel, un peu plus loin du front.


Notes du 4 septembre 1915
Rébelliau a pu avoir certains détails sur la région occupée, Charleville, Mézières, Sedan. Il confirme ce que me disait l'autre jour Dom Thierry à propos de Vouziers. On s'habitue à l'occupation et on admire l'esprit organisateur des Allemands qui font vite et bien. Ils exécutent en quelques semaines ce que nos administrations anarchiques et tiraillées ne sont pas arrivées à faire en des années. Que de réflexions peuvent faire nos population!

Bonjour,

OH là !!!l'occupation allemande ne fut pas toujours idyllique !!!
Il suffit pour cela de lire mes 2 ouvrages déjà parus (Les ténèbres de l'occupation, et les Ronces de l'exil....), en attendant la sortie prochaine d'un 6è consacré à la résistance de 1914-18....
Cdlt.
J.Claude

Merci l'admin pour ces morceaux choisis qui ne peuvent que faire vibrer un Ardennais dont la famille était restée là-haut...

Citation :

On s'habitue à l'occupation et on admire l'esprit organisateur des
Allemands qui font vite et bien. Ils exécutent en quelques semaines ce
que nos administrations anarchiques et tiraillées ne sont pas arrivées
à faire en des années.

Eh oui !

Si la devise de Lénine était : "le communisme, ce sont les soviets plus l'électrification", les allemands, en 14-18, ce furent l'occupation et l'électrification ! Beaucoup de villages du Vouzinois la leur doivent.

Citation :

l'occupation allemande ne fut pas toujours idyllique

Oui, quelqu'un de très proche m'a souvent raconté que les coups de canne du chef de culture Nikolas n'étaient pas perdus pour tout le monde, Y compris pour des gamines de 6 ans. Là aussi, il y eut des salopards, mais aussi de très braves types.

Si vous parvenez à trouver le livre de Szymanski "les Ardennes, terre de France occupée en 14-18", n'hésitez pas ! Un excellent complément à "Invasion 14" de Maxence van Der Meersch.

Interessant !!!

Il a fallu des decennies pour qu on sorte, en France, du mythe "resistants contre collabos" pendant la seconde guerre mondiale, pour au final s apercevoir que la resistance comme la collaboration etaient des phenomenes marginaux alors que le gros de la population avait eu une attitude relativement passive.

Ce type d analyse au sujet des territoires occupes en 14-18 (ou de l Alsace Lorraine en 1871-1918) est encore tres discret, pour ne pas dire inexistant.

Ils serait temps, presque 100 ans plus tard, d avoir une approche dépassionnée pour SAVOIR ce qu a ete cette periode d occupation au quotidien, pour la majorite des personnes qui ont eu a la vivre et la subir.


Laurent

Bonjour,

Les témoins rencontrés, les écrits de l'époque révèlent que l'occupation de la 1ère guerre fut plus terrible que celle de la 2è GM.
Je n'inclus pas dans l'occupation, l'invasion et ses nombreuses victimes et dégâts dans les villes et villages envahis.

Je ne citerais que 2 exemples concernant la rudesse des allemands de 14-18.
- Les gosses, même les plus petits, obligés à travailler (par exemple aller ramasser les orties, les fruits sauvages, etc...) sans faire cas des douleurs des épines et orties engendrées par ces cueillettes.
- L'envoi en déportation de milliers de civils (hommes, femmes, enfants) en Allemagne, ou en Belgique ou autres régions occupées pour le travail...

Et je ne parle pas de celles et ceux que les allemands considéraient comme bouches inutiles... des otages civils envoyées dans des mouroirs, des civils fusillés pour détention d'un chien ou d'un pigeon, des résistants et résistantes lâchement assassinés, des femmes mises devant leur troupe en protection, des camps aux essais thérapeutiques, etc, etc...
J.Claude

Bonjour,

J'ai souhaité commencer ce sujet qui me paraît intéressant, nous connaissons les atrocités commises par les occupants, les résistances qu'on adopté certaines personnes, les collaborations etc. Ce témoignage non vécu par l'auteur du bouquin parle de sympathisations. Un sujet qui peut être abordé ici sans déchaîner les passions, entre passionnés d'Histoire.

Des collabos il y en a eu, des résistants également, des gens qui souffraient passivement de l'occupation aussi, mais il ne faut pas oublier qu'en 4 ans, des liens se sont également créés entre certains habitants et les soldats occupants leur villages...

Donc si vous avez des infos à apporter à ce sujet, n'hésitez pas. D'autres sujets peuvent s'ouvrir sur d'autres thèmes sur la population civile en 14-18
Rom

citation : "l'occupation allemande ne fut pas toujours idyllique !!!

Bonjour

voici deux cartes postales que je viens d 'acquérir , deux documents de pure propagande ...."Unsere Feldgrauen"

Bonne soirée






Pendant que devant c'était l'horreur des tranchées ,la boue , le sang ,les obus qui disloquent les corps ,des soldats allemands au repos comptaient fleurette aux demoiselles de la zone occupée , cette scène se situe à Lens en 1915 , ce soldat du 72 éme IR a emporté  dans ses souvenirs le portrait de ces deux demoiselles lensoises ....., hormis les cas avérés de viols ,il y a eu surement des naissances issues des amours  engendrés par la cohabitation des allemands et des populations féminines locales .

stcypre a écrit:

- Les gosses, même les plus petits, obligés à travailler (par exemple aller ramasser les orties, les fruits sauvages, etc...) sans faire cas des douleurs des épines et orties engendrées par ces cueillettes.

Bonsoir
Pour l'anecdote
L'année dernière, un cultivateur m'a montré comment arracher les orties à main nue sans se piquer ! Il suffit de les prendre depuis la base, faire un genre d'entonnoir entre le pouce et l'index et tirer une fois vers le haut. Ensuite, on peut reprendre et tirer comme on veut pour l'arracher Et ça marche !
Effectivement, m'est remonté à la mémoire l'image de ma vieille voisine qui dans les années cinquante faisait de même mais je ne m'en souvenait plus.
Cdlt

JFG

Bonjour,

le cas des régions annexées est particulier, car cette dernière a rendu tous les annexés sujets de l'empereur et donc Allemands.

Pour ma région, les anciens ne gardaient pas un souvenir trop négatif de cette annexion, qui a apporté également une embellie économique avec l'arrivée et le développement des secteurs miniers et sidérurgiques en Moselle avec la modernisation des villages et les installations des adductions d'eau ou de l'électricité. De plus les agriculteurs locaux trouvaient un large débouché pour leurs productions auprès des nombreux militaires et Allemands immigrés de la région. Sous l'impulsion allemande eût également lieu un large développement de l'activité viticole orientée vers la production de vins mousseux à destination de l'Allemagne. Seul l'état de guerre d'août 1914 a instauré une pression plus dure de la part des Allemands avec une germanisation plus marquée de la société, dès 1915 les villages ont été rebaptisés de noms allemands et l'enfermement des sujets hostiles au régime ou ayant une mauvaise influence sur les populations (prêtres par exemple internés durant toute la guerre). Les anciens m'ont toujours témoigné d'une vie plus difficile et d'une répression féroce lors de la seconde annexion par les nazis. Pour conclure, dans une population, et comme indiqué plus haut, l'attitude générale est assez passive, car il faut surtout continuer à vivre et à nourrir sa famille.

Cordialement.

P. Lamy