Bonjour,
voici un brouillon de lettre écrite le 7 décembre 1914. L'écriture étant extrêmement petite, il n'a pas était facile de la déchiffrer ; mais voici le résultat (les noms propres sont presques illisibles alors je n'écrirai que la première lettre, certains mots seront remplacés par des pointillés car je n'ai su les lire)
Bonne lecture,
Rom
Madame R.,
C'est avec un extrême plaisir que j'ai reçu votre lettre et suis très heureux de .... avec la plupart de vore famille. Certainement celui qui vous est principalement cher est absent en ce moment mais vous devez malgrè tout être contente de sa situation car elle est privilégiée à beaucoup d'autres, vous en avez .... dans votre famille voyant Madame L. bien triste du sort de son mari fait prisonnier avec tant d'autres dans les murs de notre ville. et cela n'est rien encore auprès de la triste fin qu'a trouvée le brave Monsieur D. en versant son sang pour nous tous et que de tristesse les jours à venir nous réservent.
Causons un peu de Maubeuge et avant je vais vous citer les quelques connaissances de notre ville que j'ai faites à Paris-Plage : si j'ai tardé quelques jours à répondre à votre lettre c'est à cause de l'arrivée toute récente à paris-Plage du grand Monsieur S. qui a quitté Maubeuge le 25 novembre, a traversé la Belgique pour se rendre en Hollande, de là à londres et ensuite à Boulogne et nous est arrivé le 6 décembre et voilà ce qu'il raconte :
Les Allemands au nombre de 300 environ gouvernent la ville et se conduisent assez bien. les habitants voyagent librement et sont bien ravitaillés. Les chefs boches se réunissent au café de la Bourse, les simples soldats au café du Théatre et anciennement chez Madame V. Les Français vont au café de la paix. C'est Monsieur B. qui s'occupe de tout ce qui concerne la ville en remplacement de Monsieur W., malade. Un tribunal est installé, composé de sept à huit Boches et de trois Français. Les dégâts causés par le bombardement sont les suivants : rue de Mons très peu de choses un obus chez H. et N., chez L. .... le dernier de l'église et le café Louis complètement détruits ainsi que le collège et la salle .... des débris de part et d'autre. La rue de France est fortement endommagée, la pharmacie M. ... la franco-belge et quelques autres maisons détruites. Beaucoup de dégats à cause de l'explosion de l'arsenal. le château de M' D. a reçu également quelques obus. La route d'Avesnes des obus un peu partout, nos propriétés n'ont pas beaucoup souffert. le château C. est brûlé ainsi que le château B. Les chantiers de bois Legrand-frères sont complètement détruits par le feu, ile ne reste qu'un amat de cendres, les dég^ts sont d'environ un million de francs. Louvroil a fortement souffert, beaucoup de maisons détruites, l'usine T. anéantie et combien d'autres dégâts non connus?
J'ai appris la mort du fils Robert de Ferrière et de son frère probablement décédé suite de chagrin. Madame L. m'a également anoncé la mort du fils de D. le boucher de la rue de Mons mais je ne sais de quelle source.
Maintenant je dois vous raconter mon évacuation, c'était le 1er octobre, jour où nous vivions contents dans notre petit village au milieu des troupes françaises lorsque tout à coup un ordre est donné à ces dernières de battre en retraite vers Lille, donc les militaires nous invitent à évacuer dans la direction de Lille afin d'échapper aux teutons et que dans quelques jours des renforts français se trouvant près de lille auraient tôt fait de débarasser notre village, de sortes que nous aurions pu rejoindre notre famille.
Nous quittons donc notre pays et partons à Lille pedestrement. Nou y restons deux jours et voilà que dans cette ville on nous annonce l'arrivée des Boches et, obligés d'évacuer à nouveau, nous nous dirigeons sur Calais ou nous séjournons quinze jours.
survint en cette ville un ordre ministériel invitant les réfugiés à évacuer immédiatement, et pour la troisième fois nous prenons la route. Cette fois ci la direction d'Etaples et ensuite Paris-Plage où nous sommes installés à quatre dans une petite maison et où nous vivons le plus économiquement possible. je suis blanchisseur (ce qu'il faut faire dans la vie!) Mon frère s'occupe du ravitaillement et des chambres.
Vous me demandez des nouvelles de ma femme et de mon petit garçon que j'avais tant de plaisir à dorlotter : lors de mon départ ils étaient aussi bien portants que possible mais depuis lors je ne puis avoir de nouvelles, c'est le Bon Dieu qui les voit....