Bonjour à tous, voilà déjà un certain temps que je suis inscrit sur ce forum et celà me tenait à coeur de dédier un post au sujet de mon arrière grand-père Albert Versquel, secrétaire de mairie et également instituteur comme celà se passait fréquemment à l'époque, dans un village de la région de Douai: Estrées. J'ai hérité de mon grand-père (autre Albert Versquel), tous ses journaux de guerre, tenus méthodiquement du 30 septembre 1914 au 18 avril 1917 (jour de l'évacuation complète du village), les registres de livraisons de farine et oeufs envoyés aux prisonniers, les décisions de commissions de contrôle pour la répartition des cultures tenues pour l'occupant, etc... L'intérêt de ces journaux, c'est qu'ils relatent la vie de ce village occupé avec toutes les contraintes et humiliations subies, mais aussi en arrière plan le rappel journalier de l'actualité internationale.
Photo de mon arrière grand-père (à l'extrême gauche de la photo avec mon grand-père sur ses genoux) dans la classe d'Estrées en 1915.
Extraits choisis au hasard de ces journaux:
Mardi 11 mai 1915. " Un grand nombre d'aéroplanes survolent, il a été donné rarement d'en voir autant.
Ils lancent des bombes. Le bruit court d'une défaite Allemande à Gavrelle. Mr Panner (lieutenant Allemand) vient me faire connaitre que le général accepte une réduction des oeufs. 300 suffiront pour les blessés et le Casino. J'envoie à la Commandanture de Douai les deux états pour les récoltes et les moissonneuses. Au commandant 16 réclamations pour des bons. Un soldat vient chercher 43 oeufs. J'envoie au juge de paix, l'acte de naissance de C... Gaston. "
Jeudi 26 août 1915. " Le garde publie que les habitants pourront glaner dans les champs sur lesquels les récoltes sont enlevées. Le bruit court que les Allemands auraient subi un grave échec à Angres (ouest de Lens). On parle d'une charge de cuirassiers ayant enlevé un état-major, 70 officiers et beaucoup de prisonniers. Quelques cuirassiers blessés auraient été ramenés à Douai. Le canon cesse toujours de se faire entendre. "
Lundi 13 septembre 1915. " Comme d'usage tirs manqués sur aéroplanes. Les Allemands se proposeraient une attaque sur Arras, en tout cas des renforts de troupes arrivent à Douai. 19 évacués de Feuchy (sud d'Arras) arrivent à Estrées vers 5 heures. Quel lamentable tableau. Le vétérinaire de la colonne refuse et s'oppose à ce que Mme Ed. D... en reçoive chez elle sous prétexte qu'il n'aurait plus sa tranquilité, et qu'il n'aime pas les enfants. Le pauvre homme !!! "
Mandats au profit des prisonniers Français acquittés par la commandanture.
Samedi 1er janvier 1916. "Il paraîtrait que des soldats Allemands se sont révoltés, qu'une soixantaine auraient été ramenés à Douai et que 4 auraient été fusillés... Le canon s'entend toujours avec beaucoup de violence. "
Jeudi 5 octobre 1916. " Le matin, une colonne de Croix-Rouge passe, se dirigeant sur Bellonne. Une autre colonne de pionniers avec barquettes vient de Gouy et part vers Cantin. Le canon s'entend toujours dans la direction de Bapaume et Lens. A 11 heures du matin a lieu la revue des chevaux de la colonne. Il m'est demandé combien de personnes décédées en octobre, ou tuées par des aéroplanes (bombes) ou parties ? ... Il paraîtrait qu'un soldat se serait suicidé à Férin ! "
Détail d'une liste de prisonniers Français bénéficiant de mandats.
Mercredi 18 avril 1917. " C'est le jour du départ. Chaque habitant, la mort dans l'âme, quitte sa demeure. Le commandant de Place aide au départ, les soldats aident les habitants à conduire leurs paquets. Le plus pénible fut le départ des vieillards de l'Hospice. A 2 heures a lieu le départ du train. C'est fini au 989eme jour de guerre. "
Un des journaux de guerre manuscrit extrêmement riche en détails de cette période douloureuse d'une partie occupée de la région du Nord.