La mort apprivoisée...

Bonjour à tous, une photo carte datée de juillet 1915, cliché pris sur le vif, de soldats français amassant sur un caisson d'attelage, les cadavres de leurs frères d'armes, quelque part sur le front ouest. La boue et le sang, telle  est l'année 1915. Aux massacres en mouvement de l'année 1914, où la stupéfaction saisit les soldats, succède la guerre de position. Il n'y a plus de champ de bataille, mais des tranchées séparées par un no man's land où pousse une nouvelle forme de végétation : le fil de fer barbelé. la réalité du conflit, c'est souvent la mort sans sépulture pour ceux qui tombent en 1915, c'est-à-dire 370 000 Français, c'est être pulvérisé par un obus ou enterré vivant, ou encore agoniser puis pourrir dans le no man's land après une offensive avortée.




Quand éclate la Première Guerre mondiale, la règle est l’inhumation en fosse commune dans l’armée française, par fosses de cent hommes, et dans l’armée britannique par fosses de six hommes ; les officiers disposant quant à eux de sépultures individuelles.
Les Allemands ont adopté l'inhumation en tombe individuelle quelques années plus tôt, à l'image des Américains, mais l’hécatombe des cinq premiers mois de la guerre les amène à y renoncer provisoirement.
Sur le front occidental, plus de 300.000 Français perdent la vie, dont 40.000 lors des premiers chocs des 20 au 23 août 1914, ainsi que 260.000 Allemands et plus de 12.000 soldats belges.
La plupart finissent dans des fosses communes. Ainsi de Charles Péguy, inhumé avec ses camarades dans les premiers jours de la bataille de la Marne. Aujourd’hui encore, les fosses communes pérennisées dans les cimetières militaires contiennent à 90 % des soldats tombés en 1914.



Toutefois, aux yeux des contemporains, l’image de ces morts anonymes amoncelés dans les fosses communes apparaît vite scandaleuse, tant du point de vue sanitaire que moral.
Ce qui n’avait pas suscité d’émotion particulière en 1870-1871 entraîne dès les premiers mois de la Grande Guerre une réaction populaire tant en France qu’en Allemagne : des milliers de lettres sont adressées aux états-majors demandant le droit de récupérer les corps des défunts ou leur inhumation dans le respect de leur individualité.
Le mouvement est tel que les états-majors français et allemands prennent des dispositions dès l’automne 1914 pour empêcher les exhumations hâtives afin de permettre une identification ultérieure.

En France, le droit à une tombe clairement individuelle et identifiée est inscrit dans la loi du 29 décembre 1915. Ainsi se construit ainsi une nouvelle pratique funéraire fondée sur l’identification des défunts, l’inhumation dans un cercueil, l’information de la famille, l’organisation si possible d’obsèques respectant la religion de l’individu, le suivi et l’entretien de la tombe, le regroupement (...).

(Sources: L'Express "La guerre à tombeau ouvert"/Herodote "De la fosse commune à la tombe individuelle")







Byng

Bonjour Byng,

Merci encore pour le partage de cette photo émouvante et ton p'tit texte.

Nous aussi "Ne les oublions pas"

Jean-Luc

Bonjour,
merci beaucoup pour ces documents terribles à voir mais qui montrent ce que fût le quotidien des Poilus de la Grande guerre.

Une photo de ma collection prise du côté allemand : https://photos1418.blogspot.com/2018/07/attention-cette-photographie-peut.html



Daneck

Bonjour,

cela me rappelle une vidéo sur la corvée des morts au Bois le Prêtre (soldats français chargeant les cadavres sur une carriole avec une quasi indifférence d'après mes souvenirs) , retrouvée par hasard il y a quelques années par le service Historique des armées, et ayant échappé miraculeusement à la destruction au temps de la censure.

Cordialement.

Vauquois a écrit:

cela me rappelle une vidéo sur la corvée des morts au Bois le Prêtre (soldats français chargeant les cadavres sur une carriole avec une quasi indifférence d'après mes souvenirs) , retrouvée par hasard il y a quelques années par le service Historique des armées, et ayant échappé miraculeusement à la destruction au temps de la censure.

Oui, je visualise bien le document auquel vous faites allusion, je l'avais enregistré en VHS dans les années 90, mais forcément toutes ces cassettes sont parties à la benne entretemps. De mémoire, la scène avait été filmée dans une clairière.

Byng

Bonsoir,

Tant de vies fauchées.. Merci Robin pour ce post. Voici, je pense, la vidéo dont vous faites allusion :




Romain

Metz a écrit:

Voici, je pense, la vidéo dont vous faites allusion

Salut Romain, oui il s'agit bien de ce document   , la méticulosité du poilu qui place les corps sur le tombereau est déconcertante .




Byng

Bonsoir,

c'est bien cette vidéo ; merci pour le lien.
Cordialement.

Bonjour,
merci Byng de cette photo qui en dit long.
Dans les récits, on prend aussi conscience de cette indifférence, non plutôt habituation à la mort, comme dans tous les classiques de la littérature de guerre de 14-18.
La perte d'un bon camarade est plus durement ressentie, mais cette habituation est particulière, dans le récit de Louis Schweitzer publié ici, ce dernier parle d'un bras dépassant de la tranchée auquel certains suspendaient leur musette.
1915 a été terrible, voici quelques photos de l'attaque de Champagne de l'automne 1915, on grignotait encore en cet automne tragique.
Marie Maire qui logeait des pionniers du 251e Pi. Bat. en décembre 1915 en son village mosellan de Vigy (Vigingen) raconte à son mari les propos de ces jeunes soldats : "ils viennent des tranchées de Champagne où il y a eu une grande bataille, et ils ont une peur terrible d'y retourner"








Cordialement.
P. Lamy

Byng-boys a écrit:

Vauquois a écrit:

cela me rappelle une vidéo sur la corvée des morts au Bois le Prêtre (soldats français chargeant les cadavres sur une carriole avec une quasi indifférence d'après mes souvenirs) , retrouvée par hasard il y a quelques années par le service Historique des armées, et ayant échappé miraculeusement à la destruction au temps de la censure.

Oui, je visualise bien le document auquel vous faites allusion, je l'avais enregistré en VHS dans les années 90, mais forcément toutes ces cassettes sont parties à la benne entretemps. De mémoire, la scène avait été filmée dans une clairière.

Byng

Bonjour,

Je viens aussi de jeter une bonne centaine de cassettes VHS... Il m'en reste une petite dizaine que je n'ai pas pu me résoudre à jeter "les oubliés de la grande guerre", "Victoire 18 Pierre Miquel", etc...

Quant à la vidéo en question, celle de la corvée de morts au Bois le Prêtre, on la retrouve aussi sur le site du gouvernement.

Quant aux images de morts, on en trouve évidemment des centaines, des dizaines de milliers de photos depuis l'avénement de l'internet.

Crémation de leurs soldats aussi, à Esternay...

Une image bien connue, mais qui vaut surtout par une des légendes qu'on lui a donnée : "Préparation de l'offensive" :

Là, la mort est bien apprivoisée : on partage un maigre repas avec elle... peut-être juste avant d'aller la rejoindre. En attendaant, elle sert de table de cuisine ![/color]

Bonsoir à tous.

Quelle boucherie.. et ça marchait des 2 côtés

Un petit extrait du poème de Prévert: "Barbara"


"Quelle connerie la guerre

Qu’es-tu devenue maintenant

Sous cette pluie de fer

De feu d’acier de sang

Et celui qui te serrait dans ses bras...."

Et on recommence.....

JP(quaren'tro)

Des photos horrible, malheureusement "le décor journalier", les pauvres devaient finir par s'y habituer.
Dur, très dur, comment ont ils vécu de la sorte. Survivre serait plus approprié.
Merci pour ce sujet même s'il et douloureux mais nous leur devons bien à tous de les honorer.
Bonne journée.