ANNONCE A CLOTURER
Bonsoir,
Vends ensemble (dolman avec trèfles et pantalon nominatifs) d'officier d'artillerie. Voir historique après les photos.
Bon état, juste une reprise sur bas pantalon à l'arrière d'une jambe. Boutons présent pour pattes de sous pieds.
Prix 580 € - prévoir port MR - règlement par chèque ou virement.
Cordialement.
Emmanuel LARROUY, polytechnicien, officier au 11e RA de Versailles en 1892, puis détaché à l'EM de l'armée service géographique en 1899.
Membre de la mission GENDRON au Congo puis de la mission GENTIL au Chari.
Décédé à bord du paquebot "ville de Maceio" le 20/11/1900.Cet officier, dont l'existence fut brève, participa à un événement important qui vit le regroupement des missions GENTIL, VOULET - CHANOINE et FOUREAU - LAMY, dans le but de combattre les forces de RABAH à KOUSSERI situé à proximité de l'actuelle capitale du TCHAD (N'DJAMENA anciennement FORT LAMY).
Avant de mourir, il fit parvenir une lettre relatant ces combats à sa famille, elle fit la une du FIGARO du 14/12/1900.
RÉCIT D'UN TÉMOINLes journaux ont annoncé la mort de M. Emmanuel Larrouy, lieutenant d'artillerie membre de la mission Gentil, décédé le 20 novembre dernier, à bord du paquebot Ville de Macéio, au moment où il allait pouvoir embrasser sa famille et revoir cette patrie qu'il venait de servir vaillamment et glorieusement.
Son corps a pu être remis à sa famille et repose aujourd'hui à Montesquieù Volvestre (Haute-Garonne), auprès des siens. Nous publions une de ses dernières lettres, dans laquelle il fait avec tant de simplicité et de modestie, avec cette précision animée de ceux qui peuvent dire : « J’étais là, telle chose m'advint », le récit du combat meurtrier de Koussouri, où le sultan Rabah fut tué et la force de ses bandes véritablement brisée.
Fort-Lamy, 23 mai 1900. Mon cher papa, Vous pouvez tout d'abord remercier Dieu de m'avoir sorti sain et sauf, sans une égratignure, d'une bataille, de l'explosion d'une poudrière et de l'incendie d'une ville entière. Vous voyez par, ce sommaire que le mois a été fertile en événements, et je vais reprendre la narration de notre voyage à Magbala, quand je remis mon dernier courrier à M. Foureau. Le 16 avril, nous nous mîmes en route pour Koussouri où étaient la mission Lamy (Sahariens) et le reste de la mission Voulet (Soudanais, capitaine Joaland). La marche se fit ainsi sur la rive gauche, les troupes du Chari protégeant la flottille contre les entreprises possibles de Rabah, qu'on savait installé tout près de Koussouri et de Padel-Allah, qui tenait Logone.
La flottille, commandée par Bunoust, comprenait environ 40 embarcations de toute nature, depuis un chaland en acier jusqu'à des pirogues minuscules creusées dans des troncs d'arbres Elle portait nos vivres, l'artillerie, les, munitions et des marchandises de toute nature. Sur la rive droite, notre allié, le sultan du Baghirmi et la horde qui l'accompagne. La marche fut pénible. Le chemin était encombré d'épines, de ronces qui rendaient l'allure très lente. J'étais chargé de la route et, comme tel, je marchais en tête de l'avant-garde. Nous avons fait six étapes qui ont été tranquilles. A peine un jour, près d'un endroit appelé Madba, avons-nous eu une légère alerte. Des cavaliers de Rabah, venus de Karnack-Logone, avaient envahi le village et blessé le chef, sans d'ailleurs nous inquiéter davantage. Le 21, à une heure de l'après-midi, nous fûmes rejoints par le capitaine Reibell, commandant la compagnie de tirailleurs algériens, qui nous apportait les souhaits de bienvenue du commandant Lamy. A deux heures et demie, nous arrivions devant Koussouri, au milieu des démonstrations joyeuses de la population indigène. Nous avons passé le Logone à gué et, vers trois heures, nous campions devant Koussouri. La flottille rejoignait à six heures du soir. Aussitôt commencent les préparatifs pour la marche contre Rabah. Les troupes devaient emporter huit jours de vivres, sans aucun animal de charge. L'artillerie avait 150 coups par pièce pour 3 pièces de 80 de montagne et une pièce de 42mm. Les hommes portaient leurs cartouches réglementaires et les chameaux transportaient un complément à 300 cartouches par homme. Notre effectif était de 750 hommes environ. Le lendemain 22, à cinq heures et demie, toute la colonne était rassemblée hors des murs de Kaussouri et le commandant Lamy rassemblait les officiers pour expliquer son plan à tout le monde.
La situation était la suivante Rabah était fortifiée à 4 kilomètres environ au nord de Koussouri, dans une grande redoute carrée entourée d'une palissade précédée d'un fossé. On savait qu'il avait dégagé les abords sur 400 mètres de largeur environ. On estimait à 2000 le nombre des hommes armés de bons fusils dont il disposait pour sa défense. Le terrain est complètement plat mais garni d'une brousse très épineuse et parfois assez dense. La marche devait se faire ainsi Au centre, les troupes du Chari (A) en colonne, la compagnie en tête, dans chaque compagnie les sections par le flanc à hauteur les unes des autres. A droite (B) la mission soudanaise en même formation. A gauche, les Sahariens, encore de même. L'artillerie en arrière des troupes du Chari. On devait marcher ainsi, en ayant soin de ne pas s'écarter les uns des autres, pour avoir le plus de cohésion possible. Les Soudanais devaient attaquer par le Sud, le Chari pivoter à droite et attaquer à l'Ouest, les Sahariens par le Nord. Ainsi, on enveloppait le tata et on devait jeter les gens de Rabah dans le fleuve.
A six heures et demie, nous partions pour le combat. Le plan du commandant fut rigoureusement suivi. A sept heures et demie environ, le, premier coup de fusil éclatait à droite et peu après nous faisions notre conversion et la compagnie s'engageait. On fit aussitôt venir l'artillerie. Voici un croquis indiquant la situation. Les Sahariens vinrent peu après sur la gauche. On avait réussi l'enveloppement. Au bout de trois quarts d'heure de feu à 400 mètres, par la 1e compagnie et l'artillerie, les Sénégalais du Chari criaient qu'il fallait aller à l'assaut. La 1e compagnie partait, suivie aussitôt des 2e et 3e et l’on escaladait galamment la palissade Durant tout cela, j'allais du capitaine Robillot aux compagnies et au commandant Lamy. J'ai été surpris de n'être pas plus troublé ni moins tranquille qu’aux manœuvres. Je fumais ma pipe et j'offrais du tabac. Quand on est allé à l'assaut, j'ai couru aussi et je suis entré par la porte. Pas glorieux, mais commode On a vivement nettoyé tout cela et tourné à droite pendant que la 2e compagnie traversait, et fusillait les fuyards. Mais, en A, nous avons eu un coup de chien. Des gens qui n'avaient pas pu fuir étaient dans le coin et ont fait un feu violent. A côté de moi est tombé raide mort le capitaine de Cointet; le commandant Lamy a reçu deux balles qui ont causé sa mort, un sergent de tirailleurs fut tué, Chambrun a eu le bras cassé, deux spahis ont été blessés. Ça a duré deux minutes, mais nous avons été très touchés. Le commandant de la 1e compagnie, Galland, ayant été blessé d'un coup de lance, le capitaine Robillot m'a donné le commandement de la 1e compagnie. Je l'ai rassemblée et nous avons occupé les faces du tata. Peu après, on sonnait « Cessez le feu !».
Il advint alors l'horrible bande des gens de Gaourang, qui enlevèrent promptement tout ce qu'il y avait. Nos hommes avaient d'ailleurs fortement pillé. Peu après, on laissa la 3e compagnie dans le tata, la 1e et la 2e, les Soudanais et les Sahariens à l'extérieur. Les gens de Gaourang poursuivaient l'ennemi en fuite, qui se noyait consciencieusement dans le Chari. A l'appel, nous avons constaté des pertes sensibles Morts commandant Lamy, capitaine de Cointet et sergent Rochet; Blessés sergent Galland (coup de lance), lieutenant Meynier (Soudanais, le compagnon du colonel Klobb), capitaine de Loquothe (rien), sergent-major Fournier. Pour les noirs, il y a eu à la 1e compagnie, 7 morts et 18 blessés sur 104 engagés autant aux Soudanais ; très peu aux tirailleurs algériens et aux 2e et 3e compagnies.
Peu après cet appel funèbre, nous déjeunions. Il était environ midi. La bataille avait duré une heure et demie. Pendant qu'on soignait les blessés et qu'on recueillait les morts, les Baghirmiens continuaient le pillage. Ces gens sont lâches et méprisables au dernier point. Jamais on ne les voit qu'à la fin du combat. Ils viennent en même temps que les vautours et les charognards et font le même office. Comme nous prenions le café, un sergent vint nous dire « Rabah est dans les morts ! » Nous fûmes agréablement surpris, mais incrédules. Tant de nos adversaires étaient morts, qu'on avait vus ensuite à Dikoa ou à Logone Je me rendis auprès du commissaire. La nouvelle était vraie. On avait apporté sa tête et sa main, dont un doigt était caractéristique.
A quatre heures et demie, les morts et les blessés étaient embarqués sur le Chari, nous reprîmes triomphants la route de Koussouri, précédé d’un spahi portant au bout d'une lance la tête de Rabah... Le lendemain, nous avons enterré nos morts. Le commandant Lamy et ses compagnons reposent dans Koussouri, au pied du mur d'enceinte. Le 24, préparatifs pour la poursuite des restes de l'armée de Rabah. Le 25, nous marchions sur Karnak Logone, où était Fadel -Allah. Une reconnaissance, envoyée en avant, revient à minuit Fadel -Allah a brûlé et évacué Logone, fuyant sur Dikoa. Le 26 nous revenons à Koussouri. Le 27 départ pour Dikoa.
Nous avons mis six jours pour faire cette route à travers un pays plat, pourvu d'une eau rare et mauvaise. Le 1er mai, à six heures du matin, nous quittions le village d'Orselé ou Guersela, pour nous rapprocher de Dikoa qu'on pensait attaquer le lendemain. Nous avions fait la veille 60 kilomètres en marche de nuit, de quatre heures et demie du soir à minuit et de quatre heures et demie à dix heures du matin. A mi-chemin, des gens vinrent nous annoncer que Fadel -Allah avait évacué la ville le matin et que les habitants des environs la mettaient au pillage. Le bruit se confirmant, on file droit sur Dikoa et, après une reconnaissance rapide du commandant, nous franchissions les portes et nous nous installions dans les différents locaux.
Les troupes du Chari occupaient le palais même de Rabah. On peut ainsi qualifier cette construction barbare, mais presque grandiose, dont voici un plan d'ensemble. Entrée 1 Poudrière. 2 Cartoucherie. 3 Magasins. 4 Magasin à fourrage, 5 Magasin à Mil. La 1e compagnie occupait le quartier 4 et 5 ; l'artillerie la cour d’entrée ; la 2e et la 3e, la droite. En entrant dans la cour de la poudrière, je fus stupéfait d'y voir des quantités de poudre en vrac, sur le sol en ballots ; des obus à la mélinite, tirés et même non tirés. Je signalai aussitôt au capitaine Robillot le danger de cette situation, et ce quartier fut consigne. Vers trois heures, on poussa des cris d’alarme : le feu prenait dans les cases voisines de la case 4. Je me précipitai avec une quinzaine d'hommes pour l'éteindre, mais un coup de vent fit partir comme une allumette la case voisine. Aussitôt, je cours à la case où était la compagnie, prévenir de l'imminence du danger et de la nécessité de fuir au plus tôt. A peine avais-je donné ce conseil qu'une explosion formidable ébranlait tout autour de nous. Une pluie de moellons, de poutres et de tisons nous tombait dessus. Un hangar occupé par les tirailleurs prenait feu instantanément, et nous eûmes juste le temps de filer. J'ai pu, heureusement, emporter le sac contenant mon lit et quelques rechanges. Mon cuisinier emportait sa cantine, et nous voilà détalant dans le feu. Impossible de rejoindre la porte de sortie. Pendant que nous nous en allions, les obus à la mélinite et autres éclataient à qui mieux mieux et nous voilà devant un mur de cinq mètres ; couronné d'épines On trouve des perches, on escalade et nous voilà, non sans quelque peine, hors du danger immédiat. Autour de moi, une dizaine d'hommes de la compagnie quelques-uns sans armes. Au milieu du vacarme, on entendait le crépitement des cartouches atteintes par le feu. Je renonce à vous décrire la confusion qui régnait dans la ville. Les troupeaux de chameaux et de bœufs que l'on faisait péniblement sortir par des portes étroites, le transport des munitions d'artillerie à dos d'homme, le défilé des fuyards Baghirmiens et Bornouans tout cela, ponctué de l'éclat des obus gisant dans la poudrière et chauffé du feu qui se répandait rapidement, est un spectacle inoubliable.
Enfin, à huit heures du soir, nous étions campés hors de la ville, dans une grande mosquée pourvue d'une immense cour. Nous étions harassés. Or, à ce moment, le capitaine Reibell, suivi d'environ 120 hommes à cheval, partait pour aller à la recherche des troupes de Fadel -Allah. Le lendemain, on mit un peu d'ordre et on passa son temps à enlever le mil qui était plus qu'abondant dans la ville. Cela a duré plusieurs jours. Nous sommes restés là du 1er au 16. Nous étions fort bien. La mosquée, construite en murs épais, était un local- très frais. Les nouvelles nous venaient. D'abord, première attaque de Fadel -Allah mis en fuite et à qui on prit 100 chameaux, des munitions et tout le matériel contenu dans son camp. Puis une demande de renforts et, au bout de quelques jours, une lettre annonçant la dispersion entière des forces de Fadel -Allah et la prise de son troupeau, de ses femmes et de beaucoup de ses richesses. Or, Fadel -Allah avait avec lui 2400 fusils et les nôtres étaient en tout 150 à peine.
Signé : Emmanuel LARROUY.
Ainsi se trouvait terminée, à l'avantage de la France, la campagne suivie contre Rabah, dans la région du Chari, par les troupes placées sous la direction de M. Gentil, commissaire du gouvernement on ces régions. Au combat de Kouno, le 29 octobre 1899, la mission Gentil avait infligé à Rabah une première défaite qui l'avait forcé d'abandonner le Baghirmi et de se replier vers le bas Chari, non loin du lac Tchad. L'heureuse réunion à la mission Gentil de la mission saharienne (Foureau-Lamy) et de la mission soudanaise (Jalland) permit au commissaire du gouvernement, M. Gentil, de décider qu'un effort serait tenté pour porter un dernier coup à la puissance de ce sultan Rabah qui, parti il y a vingt ans du Darfour, à l'époque de Gordon, terrorisait depuis le centre de l'Afrique, de Zinder jusqu'au Ouadaï.
C'est aux trois missions, réunies sous la haute autorité de M. Gentil, que la France doit sa reconnaissance pour l'œuvre dont l'avenir fera connaître l'importance, l'utilité et la grandeur. Toutes ont également été la peine, il est juste qu'elles soient toutes également honorées. Nous avons obtenu aussi de pouvoir publier une lettre dans laquelle le lieutenant Meynier parle à des parents désespérés de leur fils, le lieutenant Larrouy, son compagnon d'armes dans la lutte contre Rabah, son compagnon de route, hélas sur le chemin du retour. Nous relevons avec une douloureuse satisfaction, dans cette lettre, la mention d'un beau travail géographique exécuté par le lieutenant Larrouy, sur le cours de l'Oubanghi, cette rivière importante qui, avec le Chari, conduit à ce lac Tchad, devenu enfin, grâce à des officiers comme Lamy, de Cointet, Larrouy pour ne parler que des morts français.
Bordeaux, 22 novembre 1900. Madame, Permettez à un camarade de route de votre malheureux fils, de vous envoyer l'expression de sa douloureuse sympathie, à l'occasion du cruel événement.
Partis ensemble du Tchad, ensemble nous avions fait toute la route du retour, et nous nous contions réciproquement nos espérances dont la première était de revoir nos pauvres parents. Et quel vaillant et tendre cœur il avait, ce pauvre camarade, tombé si près de France, si près de vous, madame. Jamais ses compagnons d'armes ne pourront l'oublier, si bon aux autres, si attentionné lorsqu'il s'agissait de porter aide ou assistance. A vous, madame, j'exprimerai toute la reconnaissance que je lui dois pour les soins, les attentions fraternelles dont il ne cessait de m'entourer.
Pauvre ami Que n'ai-je pu lui rendre mieux ces attentions ! Il avait su merveilleusement s'attirer l'estime de tous par sa haute valeur personnelle et son intelligence si vive. Il y a quelques jours encore, émerveillé devant un travail topographique sur le cours de L’Oubanghi, le gouverneur du Congo avait résolu de faire graver aux frais de la colonie cet utile document et aujourd'hui, mon pauvre Larrouy est loin, bien loin de sa pauvre et digne maman !
Ah madame, que je comprends votre douleur, ayant causé moi-même à mes pauvres parents de ces atroces tortures ! Je ne veux pas vous exprimer mon admiration pour votre attitude admirable devant l'épouvantable malheur, ce serait là une bien petite consolation ; mais, si de penser que quelques-uns souffrent comme vous de sa mort pouvait calmer un peu la souffrance, soyez sûre que tous ceux qui ont connu votre fils le pleureront aussi.
Il est mort une fois son devoir, plus que son devoir accompli. Il est mort chrétiennement et sa dernière pensée a été pour ses parents bien aimés. J'aurais voulu pouvoir vous dire moi-même, madame, toutes ces choses que j'exprime si mal. J'espère que, lorsque ma blessure et mon état général ne donneront plus d'inquiétude, je pourrai aller vous parler plus longuement de lui. Veuillez recevoir, madame, encore une fois, l'expression de mes sincères condoléances. Lieutenant Meynier.
Documents disponibles sous Gallica, album photo de la mission Gentil (Larrouy est photographié), dossier et photo base école Polytechnique.