Bonjour,
Après être passé à Rupt en Woëvre avec mon appareil photo, voici une présentation sans prétention de ce village, en lien avec la Grande guerre.
Pour faire simple, Rupt se trouve à peu près à mi-chemin entre Verdun et Saint Mihiel, à l’Ouest de la tranchée de Calonne (c’est une route qui traverse les Côtes de Meuse du Nord au sud entre Verdun et Vigneulles les Hattonchatel) et des Hauts de Meuse. Les allemands atteignent le village le 9 septembre 1914 lors de l’attaque du fort de Troyon et dans leur première tentative d’encerclement de Verdun ; ils abandonnent les lieux lors de leur repli quelques jours plus tard, et Rupt restera français jusqu’à la fin de la guerre.
La particularité de Rupt est d’avoir des soldats Morts pour la France (MPF) dans deux cimetières distincts.
Ils sont d’abord enterrés dans le cimetière civil ; le premier soldat est décédé le 24 septembre 1914, le dernier le 25 avril 1915. Les tombes, peu nombreuses (une quinzaine tout au plus), sont disposées uniquement contre le mur d’enceinte du cimetière, de manière discontinue, entre les concessions civiles, lorsque la place était disponible. Le premier MPF se trouve à l’entrée à gauche, et en suivant le mur d’enceinte, on voit que les suivants ont été enterrés de manière chronologique.
Les dates indiquées ci-dessus ne sont pas dues au hasard. Entre le 18 et le 25 septembre 1914, les allemands lancent une offensive depuis la Woëvre vers Saint-Mihiel (IIIè Corps bavarois). La Vè Armée protège au Nord le flanc des bavarois et progresse sur les bois Hauts et la tranchée de Calonne jusqu’au carrefour de la route allant de Vaux-les-Palameix à Saint-Rémy, à proximité de l’endroit où Alain Fournier est tué avec ses camarades le 22 septembre, en tentant de stopper l’avancée des allemands. Rupt en Woëvre sert alors de zone de cantonnement aux français, et un hôpital militaire s’y trouve. Après consultation de fiches MPF de quelques uns de ces hommes, on constate que ces derniers sont décédés des suites de leurs blessures, très certainement dans cet hôpital, ou lors de leur transport vers ce dernier.
L’attaque allemande sur Saint-Mihiel en septembre 1914 :
Source : Général Rouquerol, les Hauts de Meuse et Saint-Mihiel
Vu générales des cimetières :
A l’intérieur du cimetière civil : seul le drapeau français sur son mat permet de deviner la présence du cimetière militaire :
A l’intérieur du cimetière civil, des tombes de soldats :
Exemple de fiches MPF de soldats enterrés dans le cimetière civil :
A partir de fin avril 1915, et bien que le cimetière civil ait encore de la place pour servir de lieux de sépulture pour d’autres soldats, un nouveau cimetière, uniquement réservé aux militaire, voit le jour au dessus du cimetière civil. Il contient actuellement 170 corps, et a été rénové en 2019. Là aussi, les corps sont enterrés de manière chronologique, avec cependant de manière régulière des soldats décédés entre 1916 et 1918 ; je suppose que des familles ont récupéré les corps après guerre, et que les emplacements disponibles ont servi à replacer des dépouilles isolées ou retrouvées sur le champ de bataille après la guerre. Le premier soldat à y être enterré est décédé le 24 avril 1915.
Le cimetière militaire :
Les circonstances de la guerre expliquent très certainement le choix de la création de ce nouveau cimetière. En effet, c’est le 24 avril 1915 que les allemands lancent une puissante offensive sur la tranchée de Calonne et les bois Hauts vers le Nord, dans le but d’exposer la Crête des Eparges, alors presque entièrement aux mains des français, sur un troisième flanc (Ouest ; la plaine de la Woëvre à l’Est et le Sud de la Crête sont également aux mains des allemands), pour rendre intenable les positions françaises sur la Crête, et tenter de la reprendre. La brutalité de l’attaque et le nombre de morts (et surtout de blessés) français obligent ces derniers à trouver un lieu de sépulture plus grand. J’ai consulté aussi quelques fiches MPF qui indiquent que les soldats ont été « tués à l’ennemi » (je suppose au cours de leur transport vers l’hôpital militaire du village), ou décédé de « blessure de guerre » (certainement à l’hôpital).
Pour information, c’est au cours de cette attaque de fin avril 1915 que Maurice Genevoix côté français, et Ernst Jünger côté allemand sont blessés.
L’attaque du 24 avril 1915 (source : les armées Françaises dans la Grande Guerre) :
Le canon de 155 présent à côté de la mairie a été retrouvé dans les années 1980, non loin de la tranchée de Calonne. La profondeur de la progression allemande lors de l’attaque du 24 avril 1915 et des jours suivants a surpris les artilleurs français (du 3è RAC si l’on en croit les indications placées devant le canon) qui ont été obligés d’abandonner sur place leurs canons, non sans avoir réussi cependant à les rendre inutilisables. Ce canon exposé est l’un d’entre eux.
Canon de 155 (source :
https://www.tourismevaldemeusevoiesacree.fr/canon-de-rupt_fr.html)Autres vues du canon : on voit bien les traces de sabotages des artilleurs français) :
url=https://servimg.com/view/19523865/959]
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En conclusion, on se rend ici compte à quel point la simple lecture des dates de décès, les choix des lieux d’enterrement de nos soldats permettent de comprendre les moments forts des combats qui ont coûté la vie a ces héros.