Les juges du conseil de guerre de Suippes 1915

Bonjour à tous,

Suite à une trouvaille de chine que je vous présenterai d'ici quelques jours, et sur laquelle je fais actuellement des recherches, j'aurais aimé savoir si les noms des trois juges du conseil de guerre de Suippes (rendus "célèbres" pour avoir condamnés les caporaux de Souain notamment) sont connus ?
Je cherche je cherche et ne tombe que sur le nom de condamnés, jamais des juges ...

Merci d'avance,
Clément

Et d'ailleurs connait on aussi la composition entière du conseil de guerre ? Avocat de la défense, accusateur etc ..

Amicalement,
Clément

Salut,

Sur le sujet, si ce n'est déjà fait, tu devrais regarder le travail du collectif PRISME 14-18 ou les contacter.

Benoît

Bonjour,

Merci de votre aide ! Je ne connaissais pas, je leur envoie donc une petite demande :-)

Amicalement,
Clément

De rien.

Ils étudient tout ce qui est des fusillés, conseil de guerre..... peut être que ce que tu as pourra aussi les intéresser.

Benoît

Voici le document en question, on retrouve les trois juges du conseil spécial, l'auteur pourrait être un membre du conseil peut être ?
Quant à Paul Villé il s'agit d'un acteur

Amicalement,
Clément

Salut Clément,
As-tu regardé la thèse du général Bach sur les Fusillés pour l'exemple 1914-1915 ? Il en parle peut-être. Je ne l'ai pas sous la main hélas
A+

Bonsoir,

j'ai trouvé quelques infos dans ce livre :











C'est sûr que ça ne répond pas entièrement à ta question mais ça donne une piste.

Daneck

Bonjour,

pour résumer et mieux comprendre la justice militaire française mise en place dès la mobilisation et renforcée lors de la retraite de septembre 1914, cette petite synthèse explicative :

Le code de justice militaire jusqu’en 1914
En 1914, la nation entre en guerre avec un code de justice militaire de 1062 pages quasiment inchangé depuis 1857. Ce code n’était pas adapté au temps de guerre, mais plutôt conçu pour restaurer l’ordre intérieur dans une situation insurrectionnelle. En 1870, le ministre de la guerre accorde un allègement du code en créant les cours martiales : pas de plaidoirie, un jury ramené à 5 officiers et non plus sept comme prévu dans le code, l’interdiction d’appel et l’exécution immédiate de la sentence.
En juillet 1904, le ministre de la guerre Louis André introduit les circonstances atténuantes, et en avril 1906, le droit de se pourvoir en cassation est reconnu aux soldats condamnés au conseil de guerre.

Durcissement de la justice en 1914
Le 2 août 1914, l’état de siège est proclamé, qui, et conformément à la loi du 9 août 1849, confie des pouvoirs exceptionnels à l’armée, en matière de police et justice. Le 10 août, le ministre de la guerre Adolphe Messimy suspend le recours en révision dans les cas précis de trahison, espionnage et provocation à la désertion. Cette concession limitée est suivie le 17 août d’une plus grande qui étend la suppression de l’appel à toutes les condamnations. Les militaires jugés n’ont alors plus aucun recours, à l’exception de la grâce présidentielle. Le 1er septembre, (dans la panique de la retraite française) le nouveau ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, autorise les généraux à procéder à l’exécution sans en référer au président de la République, afin « d’assurer au fonctionnement de la justice la rapidité qui est une des conditions essentielles de son efficacité ».
Le 2 septembre, lors de la retraite, le général Joffre prescrit des jugements expéditifs, « les fuyards, s’il s’en trouve, seront pourchassés et passés par les armes ». Le 3 septembre, Joffre se plaint à Millerand du caractère inapplicable du code de justice militaire, par suite de délais trop longs entre l’instruction, la comparution et l’exécution de la peine. Le 6 septembre, dans un décret cosigné par le président de la République, Millerand cède et accepte la création de cours martiales que l’on appelle aussi conseils de guerre spéciaux. Avec 3 juges seulement, en donnant la majorité à 2 contre 1, sans instruction préalable, sans délai à la citation à comparaître et la réunion du tribunal, sans recours ni pourvoi en cassation et sans même droit de grâce (rendue facultative dès le 1er septembre). Les droits à la défense sont réduits à portion congrue, l’avocat commis d’office découvrant parfois le dossier une heure avant la formation du conseil de guerre.
En septembre 1914, devant la multiplication des blessures aux mains, le commandement prend peur et décide de réévaluer la punition de la mutilation volontaire pour éviter la contagion (Absente du code de 1857, elle fit son entrée en 1905 dans l’article 80 qui prévoit de 6 mois à 1 an de prison pour ceux qui auraient cherché à se soustraire à leurs devoirs).
Millerand annonce le 9 septembre : « …Suivant les espèces et d’après les circonstances particulières à chaque affaire, la mutilation volontaire est de nature à constituer l’élément essentiel du crime de « refus d’obéissance » ou du crime « d’abandon de poste » prévus et punis par le code de justice militaire ».

Vers l’assouplissement
Le 27 novembre suite à l’affaire de Verdun (6 coupables examinés trop vite par un médecin qui conclut trop facilement à des blessures volontaires, dans la nuit du 10 au 11 septembre 1914), il s’est avéré dès le 11 octobre que l’un d’eux avait été blessé par un shrapnel et deux exécutés dès la sentence du conseil de guerre. Le GQG réagit et Joffre demande aux généraux de faire procéder à une contre-expertise dans tous les cas signalés comme des mutilations volontaires.
Le 5 mars 1915, une circulaire indique que les officiers siégeant en conseil de guerre doivent « être aptes à remplir cette fonction : des hommes de conscience et de jugement droit, profondément pénétrés, en même temps que des idées de justice, des nécessités primordiales du maintien de l’ordre et de la discipline » Cette circulaire est complétée le 12 février 1916 en indiquant que les défenseurs devront être choisis parmi les mobilisés issus de la magistrature, avocats, avoués, juges ou professeurs de droit.
Le 1er septembre 1914 Millerand préconise d’user de l’article 150 qui donne droit de suspendre la peine pour la durée de la guerre. Le 15 janvier 1915, la circulaire du 1er septembre est supprimée et la grâce présidentielle rétablie. Le 27 août 1915, le ministre de la guerre appelle à plus de prudence dans les affaires de mutilations volontaires. Le 1er septembre 1915, le gouvernement lève l’état de siège.
Le 27 avril 1916, la Chambre et le Sénat suppriment les cours martiales. Cette loi stipule que les condamnés pourront faire appel devant un conseil de révision, mais ceux-ci n’existent pas. Le 8 juin suivant, le ministre de la guerre, le général Roques, rétablit la révision pour les condamnés à la peine capitale. Le 8 juin 1917, le gouvernement suspend le recours en révision, sur la demande pressante de Pétain et le 13 juillet 1917, l’ordre revenu, Paul Painlevé, ministre de la guerre, rétablit l’appel pour les condamnés à la peine capitale. Le 22 décembre 1917, la règle de la mise en liberté provisoire entre dans le code militaire et le 26 février 1918, le recours en révision est autorisé par décret pour les condamnés aux travaux forcés et non plus que pour les condamnés à mort.
Le 13 mai 1918, le vote à bulletins secrets est adopté dans les conseils de guerre, renforçant ainsi l’indépendance des juges, comme le souhaitait Paul Meunier qui avait fait voter le principe par la Chambre le 3 octobre 1916. Enfin, le 24 décembre 1918, Clémenceau abolit par décret toutes les mesures exceptionnelles du temps de guerre, notamment l’interdiction des recours en révision pour les peines autres que la mort et les travaux forcés.

Source : Fusillés – J-Y Le Naour – Larousse 2010

A lire aussi sur 1917 : La Grève des Tranchées, de Denis Rolland.

Bien cordialement.
P. Lamy

Bonjour

Pour ma part, j'ai un extrait de carnets de l'un d'entre eux qui a présidé le Conseil de guerre à Suippes en 17 ou 18, je peux rechercher si vous le souhaitez.

Bonjour JP,

il y aurait peut-être des infos intéressantes dans ce carnets ?
Pour mieux comprendre ces cours si particulières de temps de guerre, maintes fois décriées...


Cordialement.
P. Lamy

Re-

Ok je recherche dès que possible.

Bonjour

Voici un premier élément.
A suivre, en fonction d'autres recherches en cours.

Bonjour

Le même, en fevrier 1918.

Je crois que le conseil de guerre était pénible à cette personne, surtout en fin de guerre et connaissant les souffrances endurées des poilus depuis des années...
Cordialement.
P. Lamy

Bonjour à tous,
Le sujet est passionnant. Merci des partages...quelle triste époque  

Au début de la guerre, c'est là qu'on fusille le plus, je me permets de rappeler le livre très documenté du Général André BACH:

"Fusillés pour l'exemple 1914-1915"
Publié par Taillandier en 2003....

Bonne journée.

Quaren'tro.

On a beaucoup parlé des fusillés de 1917, mais ils ont été bien plus nombreux en 1915, plus de 600 contre 76 fusillés durant la fameuse période des mutineries. Le commandement a été très sévère en 1915, sans recours possible, alors qu'en 1917 la grâce présidentielle a souvent été accordée.
Pour l'affaire de Beuvardes au 70e BCA le 2 juin, seuls deux des trois condamnés ont été exécutés, le 6 juin, un des 3 chasseurs ayant obtenu la grâce présidentielle.
Cordialement.
P. Lamy

Bonjour,

Je constate que j'avais oublié de remercier les differents participants à l'époque je répare donc mon erreur : merci à tous !
Vous avez lancé un sujet passionnant que j'ai plaisir à lire

Amicalement,
Clément

Bonjour,
lors de la crise de 1917, 629 condamnations à mort ont été prononcées mais  75 exécutions ont eu lieu.

Le milieu le plus touché par les condamnations est celui ouvrier, commerçant, artisan avec 67 p 100 des condamnations (58.5 pc des mobilisés), 22.2 p cent d'agriculteurs (30 pc des mob), employés 10.7 (11.5 pc des mob). Chiffres pour tout le conflit.

Les condamnations pour refus d'obéissance sont 509 en1914, 2433 en 1915, 8924 en 1916.

En 1917, 78 incidents ont concerné 54 divisions. On estime à 1929 le nombre d'hommes embarqués à Marseille pour rejoindre des lieux de détention en Afrique, Indochine,entre le 21 juin et le 21 juillet 1917.
Le nombre de soldats impliqués dans les incidents de 1917 est estimé entre 59000 et 80000.

Par ailleurs, il eût des officiers sanctionnés (blâmes, mutations, mise en disponibilité, mise en retraite).

Source : Denis Rolland, la grève des tranchées.
Imago 2005.

Cordialement.
P. Lamy