Le Lieutenant Colonel DriantLe 20 février 1916, à la veille du déclenchement de la bataille de Verdun, le lieutenant-colonel Driant adresse ce dernier courrier à sa femme
« je ne t'écris que quelques lignes hâtives, car je monte là-haut, encourager tout mon monde, voir les derniers préparatifs ; l'ordre du général Bapst que je t'envoie, la visite de Joffre, hier, prouvent que l'heure est proche et au fond, j'éprouve une satisfaction à voir que je ne me suis pas trompé en annonçant il y a un mois ce qui arrive, par l'ordre du bataillon que je t'ai envoyé.A la grâce de Dieu ! Vois-tu, je ferai de mon mieux et je me sens très calme. J'ai toujours eu une telle chance que j'y crois encore pour cette fois.
Leur assaut peut avoir lieu cette nuit comme il peut encore reculer de plusieurs jours. Mais il est certain. Notre bois aura ses premières tranchées prises dès les premières minutes, car ils y emploieront flammes et gaz. Nous le savons, par un prisonnier de ce matin. Mes pauvres bataillons si épargnés jusqu'ici ! Enfin, eux aussi ont eu de la chance jusqu'à présent… Qui sait! Mais comme on se sent peu de choses à ces heures là. »
Le 21 février 1916, à 7h15, la Ve armée allemande déclenche un orage d’acier d’une puissance inouïe. Les positions de la Côte de Brabant, des bois d’Haumont, des Caures, de Ville et de l’Herbevois. Le tir laboure la première et en même temps la deuxième ligne. Des obus à gaz explosent dans les ravins séparant le bois d’Haumont de Vacherauville. Les chasseurs de Driant attendent l’assaut.
Au bois des Caures, c’est le 59e Bataillon de Chasseurs qui est en ligne. La première ligne est complètement désorganisée. De nombreux chasseurs périssent ensevelis par le bombardement. À la ferme de Mormont, le 56e B.C.P. se prépare à appuyer le 59e. Vers 16 heures, le feu se reporte sur l’arrière, signe de l’assaut imminent.
Les régiments du 18e Corps surgissent devant le bois des Caures et les bois voisins. Au bois d’Haumont, il ne reste rien des deux bataillons en ligne. L’ennemi occupe le terrain sans difficulté.
Or au bois des Caures, les chasseurs de Driant sont toujours là et accueillent les Allemands. Trois compagnies sur quatre finissent par céder. Driant fait monter en ligne le 56e B.C.P. Ses chasseurs contre-attaquent à la nuit tombée et reprennent presque toutes les tranchées perdues. Mais il faut tenir, et Driant réclame des renforts qui arrivent sous les obus allemands.
Toute la nuit du 21 au 22 février, les renforts affluent sous la neige et les obus. En pleine nuit, l’artillerie allemande redouble de violence. Au matin, elle suspend son tir et l’infanterie attaque à nouveau. Lancée en masse, elle submerge les chasseurs. Le 59e B.C.P. disparaît presque sur place.
Le lieutenant-colonel Driant, un fusil à la main, se tient sur la ligne de repli avec les survivants de ses bataillons alors que l’ennemi enveloppe ses positions.
Vers 16 heures, il décide le repli vers le sud-ouest, en direction de Beaumont. Les chasseurs partent en quatre colonnes. Une seule parviendra à peu près intacte. Driant part dans les derniers, accompagné des sergents Coisne et Hacquin, sautant de trous d’obus en trou d’obus. Driant s’arrête pour faire un pansement provisoire à l’un de ses hommes, blessé au fond d’un entonnoir. Alors qu’il repartait et qu’il allait sauter dans un nouveau trou d’obus, une balle de mitrailleuse le frappe à la tempe. « Oh, là, là, mon Dieu » entendent les deux sergents !
Le bois des Caures a été pris par les allemands avec deux divisions contre les deux bataillons de chasseurs. Il ne reste pas le tiers des effectifs de ces unités, mais leur sacrifice est sans prix pour l’armée française : le 56e et le 59e bataillons de chasseurs ont suffisamment ralenti l’ennemi, dès son premier assaut, pour permettre aux troupes envoyées en renfort de contenir peu à peu la poussée allemande et de protéger Verdun.
Le lieutenant-colonel Driant est inhumé par les Allemands à proximité des lieux de son trépas, alors que ses effets sont retournés à sa veuve via la Suisse. En octobre 1922, le corps de Driant est exhumé. Un mausolée, décidé par d'anciens combattants dont Castelnau y est érigé. Sur le monument, on peut lire "Ils sont tombés, silencieux sous le choc, comme une muraille." Chaque année, une cérémonie y est célébrée le 21 février, en souvenir du colonel Driant et de ses chasseurs tombés pour la défense de Verdun.
Le bruit de la mort du lieutenant-colonel Driant circule à Paris dès les 24 et 25 février. Maurice Barrès, qui prit une part décisive dans la construction du « mythe Driant », refusa tout d’abord de croire aux « premières rumeurs ».
Il attend le 8 avril pour écrire dans l’Écho de Paris : « le lieutenant-colonel Driant, député de Nancy, demeure allongé sur la terre lorraine, baignée de son sang. » Mais « il respire, il agit, il crée ; il est l’exemple vivant », ajoute le lendemain Barrès.
Sa mort a un retentissement d’autant plus important que pour beaucoup, elle est celle du « capitaine Danrit », dont les ouvrages ont été la lecture de la jeunesse française avant la Grande Guerre. La mort de l’écrivain a dépassé et magnifié celle du soldat.
Son sacrifice est récupéré par la presse et les publications de la guerre, pour galvaniser les troupes. La Chambre des députés annonce officiellement sa mort, son éloge funèbre est prononcé le 7 avril par Paul Deschanel, le 28 juin, la Ligue des patriotes de Maurice Barrès fait célébrer un service solennel à Notre-Dame (Paris) présidé par le cardinal Amette. Il est inhumé par les Allemands à proximité des lieux de son trépas, alors que ses effets sont retournés à sa veuve via la Suisse.
Après la Grande Guerre, le lieutenant-colonel Driant est élevé au rang de gloire nationale au même titre que les maréchaux Joffre, Gallieni, Pétain et Foch…
En octobre 1922, le corps de Driant est exhumé. Un mausolée, décidé par d'anciens combattants dont Castelnau y est érigé. Chaque année, une cérémonie y est célébrée le 21 février, en souvenir du colonel Driant et de ses chasseurs tombés pour la défense de Verdun.
La résistance héroïque des ses chasseurs et sa mort sont aussi l’illustration d’une bataille, celle de Verdun, où les hommes furent opposés aux canons (163 000 français tués, 143 000 du côté allemand), 80% des pertes furent causées par des obus. Cette bataille accrédita l’idée que la guerre avait été gagnée par les simples soldats, en dehors du commandement et parfois contre celui-ci…
Le lieutenant-colonel Driant fut un officier dévoué à son pays. Il illustre, par la fidélité à ses principes, par la défense de la grandeur de la France dans sa carrière d’écrivain ou d’officier, par l’influence des idées du début du XXe siècle sur ses écrits et ses pensées, un homme français de son temps, attaché à la défense de son pays, honnête et courageux. Il ne fut jamais pris en contradiction entre ses idéaux et ses actes.
Sa mort est, sous cet aspect, un aboutissement.
( source Wikipedia)
Pour en savoir plus sur ' le Bois des Caures"...
http://www.cheminsdememoire.gouv.fr//page/affichepage.php?idLang=nl&idPage=5706