prise du drapeau du II/RJR 94 le 9 septembre 1914

J’ai récupéré l’historique du RIR 94 et ai lu la totalité de la partie relative à la guerre de mouvement et propose de présenter le contexte de la perte du drapeau du II/RJR 94 le 9 septembre 1914 lors du baptême du feu du régiment.

En effet, le régiment n’a pas tiré un coup de feu jusqu’à cette date.

Un régiment épargné par les combats jusqu’au 9 septembre

Le RJR 94 est mobilisé en août 1914 et fait partie de la 43. Reserve Infanterie Brigade / 22 Reserve Division / IV. Res AK, qui est rattachée à la I. Armee. Il ne quitte Weimar que le 11 août par train. Il franchit la frontière le 16 août et marche à travers la Belgique jusqu’au 23 août pour arriver à Hal dans la grande banlieue de Bruxelles, où la I. Armee est entrée le 20 août. Le RIR 94 s’y installe comme troupe d’occupation jusqu’au 30 août avec le II/RIR 71 mais aussi les I et III/RIR 72. Mais l’artillerie et les MGK restent avec le IV Res AK.  Ces 3 unité vont former la Brigade Lepel.

Le 30 août, la brigade reçoit l’ordre de marcher vers le sud pour rejoindre la I. Armee qui est alors dans le secteur de Roye-Noyon-Montdidier. Le 31 août, le régiment entame sa marche

En 10 jours, le RIR 94 parcourt 250 km à pied via Soignies, Quiévrain, Péronne, Noyon Compiègne, jusqu’à Verberie (sud de Compiègne) où il arrive le soir du 8 septembre. A part les malades, suite aux marches éprouvantes, le régiment, à deux bataillons seulement, est pleinement opérationnel mais sans sa MGK. Durant ces 10 jours, la situation de la I Armee a largement évolué et la bataille de la Marne est en cours.
Emporter la décision sur l’Ourcq

Le RIR 94 ne participe pas à la bataille de la Marne dans le cadre de son corps d’attache, le Res IV Korps qui subit le choc de la 6ème Armee sur l’Ourcq depuis plusieurs jours. Il va pourtant prendre part à cette bataille mais à la toute fin des combats, le 9 septembre et loin du Res IV Korps, puisqu’à l’extrémité de l’aile droite de la I Armee. En effet, le 8, le front remonte jusqu’à la route Crépy-en-Valois Villers-Cotteret. Pour le commandement de la I. Armee, la décision doit être emportée à tout prix sur l’aile gauche (Ourcq) car d’inquiétantes nouvelles proviennent de la trouée entre la I et II Armee tenue par les divisions de cavalerie.

Dans cette optique, pour emporter la décision, une attaque présentée comme décisive de débordement de l’aile gauche française de la 6ème Armee est prévue le 9 septembre, dans le secteur au nord d’Antheuil-le-Haudoin. Cette attaque doit être menée par les unités du IX. Korps, la 6 Division et la 4 KavDivision (et la 16 IB) qui font face aux Français dans le secteur nord Gondreville-Antilly. Quant à la Brigade Lepel, elle doit attaquer simultanément  les Français par l’ouest, c’est-à-dire dans leur dos, en marchant dès 5H30 le matin du 9 vers le SE sur Rully-Baron puis Nanteuil-le Haudouin. La Brigade est renforcée des moyens du bord, un escadron de Landwehr et deux batteries du Landsturm provenant de la 10. Landwehr Brigade dont l’infanterie suit à une demi-journée de marche. Près de 10 000 Allemands peuvent ainsi se jeter  sur les arrières des troupes françaises alors qu’elles feront face aux attaques des IX. et III. Korps.

Le 9 septembre : le RIR 94 attaque


La carte issue de Der Weltkrieg montrant l'avancée réelle des Allemands sur Nanteuil et prenant en étau les Français. La Bridage Lepel y est dénommée 43 RJBr. Ses flèches bleues de son avancée passent par Rully, Droiselles, Nanteuil.On voit nettement la cavalerie française (1 u 1/3 3 ) en rouge sur ses flancs


L’attaque démarre en début de matinée. Face aux IX et III. Korps, les Français reculent, perdent Gondreville, Ormoy-le-Damien puis vers 12 H Betz, Lévignan

A 10H, le QG de la I Armee reçoit des nouvelles encourageantes des premiers succès de la Brigade Lepel qui atteint vers 8H45 les hauteurs entre Rully et Baron sans combat et arrivent donc dans le dos des Français, qui semblent surpris puisqu’il n’y a pas eu de combats pour la possession de ces hauteurs importantes. Mais il est également rapporté vers 11H l’apparition de cavalerie ennemie dans le secteur de Crépy-en-Valois. Le RIR 94 s’arrête près de la ferme de Beaulieu. Les éclaireurs de la brigade Lepel signalent de la cavalerie ennemie vers Rozières. Le premier engagement du RIR 94 a lieu peu de temps après contre des dragons de la 11ème brigade (32ème régiment de Dragons) pour la prise de Rozières. Baron tombe sans combat. Malgré ces premiers succès, la brigade comprend qu’elle fait face à des brigades de cavalerie qui se trouvent sur ses flancs et ses arrières. C’est effectivement une grosse division de cavalerie qui se déplace sur le flanc gauche de la brigade. En effet, à 10H45, suite à la détection par les Français du mouvement de la brigade Lepel, la 13ème  Brigade de Dragons et la 1ère Division de Cavalerie (DC) ont reçu l’ordre d’aller vers le plateau de Rozières déloger la cavalerie ennemie signalée en ces lieux dès le matin et couvrir le flanc droit du 4ème Corps

Le RIR 94 marche ensuite sur Droiselle. Dans ce village, le RIR 94 doit faire face à une première résistance sérieuse de la part de l’infanterie française (317ème RI). Droiselle est pris à 15H. Le II/RIR 94 et la 4 K restent en réserve dans le village et le I/RIR 94 (avec le II/RIR71 et le RIR 72) marche vers l’est pour attaquer Nanteuil, l’importante voie ferrée et la chaussée vers Paris. Malgré l’artillerie française, les hommes du RIR 94 réussissent à avancer jusqu’à  la ligne de chemin de fer à l’ouest de Nanteuil et prennent vers 16 H avec le RIR 72 la gare de Nanteuil. Le I/RIR 94 moins la 4K voit d’importantes forces françaises retraiter vers Paris mais également de nombreuses batteries continuer à tirer sur les assaillants. Mais l’attaque n’arrive plus à progresser.

Une retraite précipitée

Or à ce moment-là, suite à la rupture du front sur la Marne, le QG de la I. Armee est en train de donner l’ordre général de repli. Qui n’atteint pas la brigade Lepel. Celle-ci se trouve dans une situation inconfortable : il n’y a pas de liaison sûre avec la I Armee, la présence de cavalerie ennemie dans le dos de la brigade est avérée et il n’y pas de nouvelle du IX Korps (alors que celui-ci est pourtant au nord-est de Nanteuil à Boissy Fresnois vers 18H, les troupes allemandes ne sont pas loin de faire leur jonction). Lepel décide donc le retrait vers 18H, il s’agit de reculer les troupes sur Rully et d’attendre car l’ordre général de retraite ne parviendra à la brigade que le lendemain.

A la merci de la cavalerie française

L’historique décrit les conditions difficiles de cette retraite et surtout de très intéressants faits en rapport avec le casque objet de ce post, que j’ai recoupé avec les JMO des unités de la 1ère DC, 13ème brigade de Dragons, Der Weltkrieg et l’historique des armées françaises dans la Grande guerre.

Le I/RIR 94 moins la 4 K couvre la retraite des autres unités encore à Droiselle. Cette protection et la quasi-disparition de tirs ennemis met en confiance les hommes du II B et de la 4 K qui pensent que les combats sont terminés pour ce jour. Ils n’ont de plus par vraiment eu le temps de manger depuis le matin.

Le II/RIR 94 part en premier. Mais entre Droiselle et Rozières, avant le bois, un escadron français surgit de l’orée du bois et se précipite sur les deux batteries de Landsturm. En effet, les unités allemandes laissées à Rozières ont été attaquées et rejetées vers Baron-Versigny suite à l’arrivée vers 14H de toute la 1 DC et du reste de la 13 BD. Même si le gros de la division de cavalerie a décidé de partir vers l’ouest rejoindre ses convois, certains de ses éléments sont encore présents près du plateau et ont détecté le mouvement de retraite. L’historique du 6ème Dragons l’indique expressément : « A 17 H , le corps de cavalerie attaque au canon et au fusil, une forte colonne ennemie de toutes armes qui sort de Nantueil-le-Haudouin en retraite vers le Nord  et lui cause de fortes pertes ». Le 5ème Dragons prend également part au combat en tirant avec ses MG et canons sur les Allemands depuis le plateau de Rozières. Les fantassins du II/RIR 94 doivent tirer sur des dragons qui chargent les batteries de Landsturm, mais avec peu de réussite car seul dix chevaux de la charge sont abattus. Sous les tirs de MG et de canon, le II/RIR 94 est fractionné en une multitude de petits groupes qui s’ouvrent un chemin en combattant jusqu’à Rozières et gagnent ensuite Rully. Les régiments de dragons ont en effet décidé de quitter les lieux vers 20H pour rallier le gros de la division vers Ermenonville au sud.

La 4 K est alors seulement en train de partir du château de Droiselle. Elle est encombrée par les voitures à munitions du RIR 72, une voiture sanitaire et 12 prisonniers français. Mais surtout elle emporte avec elle les deux drapeaux du régiment, ceux des I et II Bataillon. Entendant les tirs contre le II/RIR 94, elle décide d’obliquer vers l’est pour éviter ces combats et se déploie en tirailleur. Mais au moment où la compagnie franchit la route Baron - ferme de Beaulieu, elle aperçoit à 900 m vers le SW un autre escadron de dragons français. Les armées françaises dans la Grande guerre - Tome premier cite effectivement cette rencontre de hasard : « Le général Bridoux décide de rentrer dans les lignes par l’itinéraire Fourcheret, Fontaine-Chaalis, Ermenonville. Vers 20H, le détachement se heurte à Fourcheret, à trois bataillons allemands venus d’Ormoy-Villers, après avoir contourné le plateau de Rozières par le sud ». Le 32ème régiment de dragons combat également dans ce secteur (Baron) vers 18H. La 4K ouvre le feu mais les mitrailleuses et artillerie de Dragons ripostent immédiatement. S’en suit une grande confusion et de multiples combats. La majeure partie de la 4 K avec les chariots, prisonniers et le drapeau du I/RIR 94 réussit à fuir vers l’ouest à Borest puis Verberie  et Compiègne où elle arrive vers 5 H. Le 32ème Dragons repart vers le nord (Montépilloy) puis Senlis avant d’obliquer vers le sud-est (Ermenonville).

Quant aux autres unités du I/RIR 94 restées d’abord près de Nanteuil, elles retraitent également de nuit mais en remontant les bois situés à l’est de la route Droiselles-Rozières. Le témoignage du commandant de cet ensemble, le commandant de la 1K, indique qu’il se perd, tombe sur Rozières par hasard et rejoint ensuite Rully. Il ne fait mention d’aucune rencontre avec des ennemis. Le 23ème Dragons indique avoir tiraillé contre cette colonne allemande dans le secteur à l’est de Rozières (Ermitage) vers 18H30 mais uniquement à pied et en se retirant rapidement. Mais la confusion est grande puisque par exemple seuls 69 hommes sur les 250 hommes de la 1 K arrivent dans un premier temps à Rully. La plupart des autres arrive après mais quelques hommes isolés ont pu faire de mauvaises rencontres.

Des escarmouches entre petits groupes isolés et perdus

Cette nuit du 9 au 10 septembre est d’une grande confusion dans le secteur du RIR 94. De nombreuses unités tant allemandes que françaises traversent le secteur et déclenchent souvent malgré elles des combats de rencontre qui morcellent et mélangent les unités. Par exemple, le JMO du 1er cuirassiers comporte le rapport du lieutenant d’Ocagne qui relate, du côté français, l’odyssée d’un petit groupe de cavaliers français isolés qui tente aussi cette nuit-là de retrouver son chemin, tombant tantôt sur des Allemands, tantôt sur des camarades d’autres unités, et ne sachant plus qui est où. De multiples escarmouches jalonnent son récit dont une où il est persuadé que ce sont d’autres Français qui leur ont tiré dessus. Les autres JMO français citent souvent des escarmouches très brefs. A l’inverse, alors que le RIR 94 retraite dès le 9 au soir, d’autres éléments de la brigade Lepel restent en position au sud de Nanteuil et ne retraitent que le lendemain matin.

Durant cette nuit, des groupes importants du RIR 94 réussissent à passer mais des petits groupes désorientés ont pu faire une mauvaise rencontre avec des unités plus ou moins importantes de cavalerie française. En effet, le chemin emprunté par la 4 K par exemple, Borest-Verberie, recoupe la route empruntée par les cavaliers de la 1 DC, qui vont vers Ermenonville. De plus le 3ème escadron du 3ème régiment de hussards est également dans le secteur Senlis – Borest.


Carte recoupant les itinéraires de retraite du RIR 94 et de la 1ère DC.

Il n’y a pas de récit de l’odyssée de ces groupes. Sauf un :

La perte du drapeau du II/RIR 94.

En effet, à l’issue de la rencontre entre la 4/RIR94 et le 32ème Dragons, un petit groupe de la 4/RIR 94 se retrouve isolé et ne peut suivre le gros de la 4 K qui part vers l’ouest. Il a avec lui le drapeau du II/RIR 94. Dans la confusion, il part vers le sud et se cache dans la sucrerie de Baron où il attend la tombée de la nuit. Il est rejoint par une patrouille d’officiers de l’escadron de Landwehr. Ils partent ensemble vers l’ouest mais constatent rapidement qu’ils sont perdus. Une heure plus tard, à l’approche d’un village, certainement Borest, le groupe essuie des coups de feu, qui séparent les cavaliers de la petite troupe d’infanterie. Celle-ci continue à errer dans la nuit. La capture de trois des hommes de ce groupe est restée dans l’Histoire car elle a permis la capture d’un drapeau allemand. C’est le capitaine Sonnois du 3ème Escadron du 3ème Hussard qui a réussi cet exploit et il l’a relaté dans un témoignage parvenu jusqu’à nous. Le capitaine accompagné d’un maréchal des logis quitte Mont L’Evêque le 10 tôt le matin lorsque « le garde de la commune (…) nous apprenait qu’une quinzaine d’Allemands, avec un drapeau, suivait la voie du chemin de fer vers Senlis. (…) J’arrive à un passage à niveau et j’aperçois, appuyé au mur à côté de la porte de la maison du garde-barrière, un drapeau dans sa gaine. (…) je saute à terre et ouvre la porte. La pièce était pleine d’Allemands qui voulaient, de toute évidence, se faire remettre par la femme quelques provisions. Or en face de la porte, était une fenêtre, qui, le premier moment de stupeur passé, fut en vitesse utilisée par la majeure partie des Allemands pour fuir ». Seuls 3 hommes sont faits prisonniers. Les autres soldats ont dû également être pourchassés. Leur brigade n’est qu’à une grosse dizaine de km et certains ont peut-être réussi à regagner leur ligne mais certainement pas tous.

A noter que les textes d'époque parlent souvent de la prise du drapeau du II/LIR 94 car le II/RIR 94 s'était vu confié à la mobilisation ce drapeau car le LIR 94 ne fut pas formé.

Bonsoir Francois,

Tout simplement excellent et de haut niveau!
Merci du partage!

Rheinbaben

Bonsoir

Merci beaucoup pour ce travail de recherche et de recoupement des sources des plus intéressant!

Stabs

Bonsoir, félicitations pour ce travail de recherche et comme mes amis, merci du partage. Je me permets de l'illustrer avec deux cartes postales. Alain

Belles illustrations. J'y retrouve cet amalgame avec la Poméranie, je ne sais quelle est la cause de cette association à tort du 94ème avec la Poméranie

Bonsoir,

En effet, cette allusion à la Poméranie est pour le moins obsolète...

J´ai aussi trouvé ceci sur le net. Le drapeau est cette fois montré comme déchiré..



Et ceci. Les 6 drapeaux sont devenus 7. Cette fois, c´est le FR36 magdebourgeois (à droite) qui est titulé comme étant poméranien



Et on fait encore plus fort dans le fouillis avec cette carte postale où se trouvent maintenant 10 drapeaux Le 94ème y est de nouveau mentionné comme poméranien (à droite), mais celui du II/LJR/RJR94 se trouve au milieu...Le drapeau du 87ème est aussi dénommé poméranien... Seul le 49ème est bel et bien poméranien (Gnesen). Peut-être une erreur dûe à l´inversion des chiffres 49 et 94?



Les légendes de ce cliché me semblent les plus fidèles á la réalité:



Rheinbaben

Que c'est plaisant à lire François, il y a un véritable travail de recherche et d'implication personnelle

Merci du partage

Magnifique travail
Que sont devenus les drapeaux?

Bonjour à tous, repris par les Allemands en 40, ils ont été expédiés en URSS en 45 lors de la défaite de L'Allemagne. Je crois qu'ils y sont encore.

Voici un petit reportage photographique du secteur permettant de mieux saisir la retraite du RIR 94 et ses combats avec la cavalerie ennemie.

Par ordre chronologique,

Le « château » de Droiselles. En réalité, une construction quasi neuve en 1914 car achevée en 1911.



Le château lui-même a manifestement disparu. Reste par contre le portail d’entrée/ communs, visibles depuis la route et par lequel les hommes du RIR 94 ont dû, assez logiquement, rentrer lors de l’occupation du village.



La 4/RJR 94, qui est restée en réserve au château, a dû entré/sortir par ce portail.


La gare de Nanteuil le Haudoin, qui est celle qui existait en 1914, et qui marque l’avance extrême du RIR 94.



Le chemin Droiselles vers Rozières, juste avant l’orée du bois d’où surgit un escadron du 6ème Dragon. Profitant du couvert des bois situés en position dominante, les Dragons ont eu tout à loisir de surprendre la colonne du II/RJR 94, gênée par les canons de la Landsturm qu’elle escortait.



Un chemin partant vers l’ouest peu après la sortie de Droizelles vers Versigny, peut-être celui emprunté par la 4/RIR 94 lorsque, sortie de Droizelles, elle a entendu le II/RJR 94 pris à partie. J’imagine bien les chariots sur le chemins et l’infanterie en tirailleur de part et d’autre du chemin.



Le secteur entre la route Baron – ferme de Beaulieu (vers la droite de la photo) et la route allant vers ferme Fourcheret –Montépilloy (vers la gauche). C’est ici, au centre de la photo, que la 4/RIR 94, venant de la droite (Est) a été surprise par un escadron du 32ème Dragons. On voit bien au fond (nord) les limites boisées du plateau de Rozières où se trouvait encore en partie la cavalerie française. 9914



Cette vue prise depuis les toutes premières pentes avant le plateau au niveau de la route Baron Beaulieu montre que, depuis le plateau, la cavalerie maîtrisait parfaitement les vues sur la plaine, dans laquelle les différentes éléments de la 4/RIR 94 retraitaient. On voit au centre de la photo la route Baron Beaulieu (avec un tournant prononcé au premier plan) que la 4/RIR 94 franchit au loin dans la plaine avant d’apercevoir les dragons ennemis. Ces hauteurs sont également idéales pour mettre en batterie des pièces d’artillerie ou MG pour tirer sur de l’infanterie déployée dans la plaine. Les combats ont dû se développer à droite de la route sur cette photo.



Autre vue prise depuis l’entrée sud de Montepilloy. On voit à droite la ferme de Fourcheret et à gauche la plaine par laquelle la 4/RJR 94 avance vers l’ouest, ie vers cette ferme.



Le plan de retraite de la cavalerie française passait initialement par la route Montépilloy Ferme de Fourcheret. L’escarmouche entre le 4/RJR 94 et les Dragons du 32ème Dragons est donc un pur combat de rencontre, des éléments du 32ème marchant vers le sud ont dû, entre Montépilloy et la ferme de Fourcheret, apercevoir les tirailleurs de la 4/RJR 94 avec les chariots au centre. Ces combats ont dû certainement avoir lieu au niveau du boqueteau d'arbres visibles au loin sur cette photo à gauche de la ferme de Fourcheret.

Bonjour Feste Wagner,

Merci pour ces clichés, on s'y croirait ! Un complément très utile pour mieux comprendre les cartes. Ah le terrain, y a pas mieux !

Cordialement

Stabs

Bonjour Francois,

Je suis scotché par cette synthèse
Rien de mieux que des clichés de la topographie pour compléter les récits et les cartes. Celà donne une dimension à l´histoire. C´est presque comme pouvoir déchiffrer un nom sur un casque

Rheinbaben

Bonjour Philippe

Et je rajouterai que se rendre sur place aide énormément à la compréhension, notamment d'un point de vue topographique. Et émotionnellement, c'est également très fort, surtout quand on peut avoir avec soi des objets qui étaient là au moment de ces combats.

festwagner a écrit:

se rendre sur place aide énormément à la compréhension, notamment d'un point de vue topographique. Et émotionnellement, c'est également très fort, surtout quand on peut avoir avec soi des objets qui étaient là au moment de ces combats.

Je plussoye! Déjà en temps de paix, la comparaison entre une carte et la véritable topographie des lieux peut parfois sacrément porter à confusion dans l´orientation. Imaginons alors en temps de guerre où il fallait réagir très vite, en tenant compte de son propre mouvement, de celui des unités voisines et surtout de celui de l´ennemi. Et des facteurs climatiques....Les officiers devaient subir une sacrée formation pour acquérir ce don de l´orientation rapide et efficace!

Rheinbaben


PS: pour ce qui est de l´émotion liée à l´objet ayant déjà vu ces lieux dans de toutes autres circonstances, je te suis totalement aussi. Comme le temps semble être maussade sur tes photos, il a du rester bien au chaud sur la banquette arrière Il l´a mérité, il a déjà assez donné, il y a 102 ans et demi

Bonsoir

Superbe c'est exactement mes zones d'intérêts
félicitations......

Bonjour à tous. En complément du post sur la prise de ce drapeau, voici un rapport du SHD établi en 1919 sur celui du IR 36 (ou RIR). Alain

Exécution de la note de la 14° D.I. N° 1098/1 en date du 4 Mars 1919

Prise d’un drapeau ennemi
par le sous-lieutenant de Réserve Colin, du 60° R.I.

Le 7 septembre 1914, à la tombée de la nuit, après le combat livré dans la journée, dans la zone de Bouillancy-Acy-en-Multien, l’ordre d’opérations prescrivait, d’une manière générale pour l’armée de Paris, de poursuivre l’offensive dans la direction de l’Ourcq, et, pour le 60° R.I., vers Vincy-Manoeuvre par la ferme Nogeon.
A cet effet, le Régiment réduit par les pertes des journées précédentes à 6 Compagnies, sous le commandement du Chef de bataillon De Pirey, se portait sur la ferme Nogeon.
 Après entente avec le commandant du Régiment de réserve voisin, une attaque de nuit devait être menée de concert par les deux régiments contre l’ennemi établi au Sud de la ferme, à cheval sur la route de Vincy.
Pendant la mise en place préparatoire à l’attaque des unités du 60°, une compagnie, (la 1°, Commandant, Lt Kah ), était porté en avant-garde au Sud de la ferme, un peu à l’ouest de la route de Vincy : 3 sections déployées, celle du lieutenant Colin, au centre, s’arrêtait à 300 m. environ de la ferme, la gauche appuyée à la route. Cette ligne déployée avait dépassé, en se portant en avant, une section du 298° déjà placée en avance avant l’arrivée du 60°. Une partie de la ferme Nogeon, (la Raperie) incendiée dans la journée par les obus, continuait à brûler et éclairait au Sud, à une certaine distance, le terrain d’action. De la position d’arrêt, où les sections de la 1ère Cie s’étaient couchées, dans un champ de betteraves à la limite d’un champ de blé, on apercevait des taches sombres mobiles à 3 ou 400 mètres en avant ; on entendait des commandements en allemand et surtout, on percevait à plusieurs reprises la sonnerie : “baïonnette au canon pour la charge”. Cette sonnerie était très nettement reconnue par un soldat alsacien (Schwander) de la section Colin, qui en fit part à cet officier. A la lueur de l’incendie, on remarquait dans un groupe ennemi une sorte d’étendart dont la couleur paraissait brune et nettement rayée par une large croix noire. Quelques instants après , on distingua les mouvements en avant des sections en ordre dense et le Lt Colin fit exécuter alors un ou deux feux par salve.
Malgré cette rafale , la ligne allemande continuait à avancer, excitée par ses officiers, et on entendait distinctement crier en français à diverses reprises : “ amis anglais, ne tirez pas !”
S’étant approché de 50 à 60 mètres environ, et après avoir subi un nouveau feu de la 1ère Cie, la ligne ennemie, sur un signal, se coucha sans tirer et l‘on vit distinctement en arrière, tout près, une section qui faisait de son côté la même sommation, la ligne de la 1ère Cie enlevée par le Lt Colin se porta en avant à la baïonnette jusqu’au corps à corps.
A ce moment, le Lt Colin ayant auprès de lui les soldats : Bouchacourt, Coulet, et Schwander, Buette, Perdrix et Boutrand, se trouva face à face avec l’officier allemand, qui, à demi soulevé de terre au milieu de sa section couchée, maintenait sous lui un drapeau, et cherchait à se défendre avec son revolver dont une balle blessa à la main le soldat Coulet.
Le soldat Perdrix, à la gauche du Lt Colin, dans un mouvement rapide comme l’éclair, transperça d’un coup de baïonnette le casque et la tête de l’officier allemand, en même temps que le Lt Colin, armé de son sabre, le lui enfonçait dans la poitrine et saisissait ensuite, de la main gauche, le drapeau étendu à terre ne sachant exactement si c’était un drapeau ou un fanion. Il le passa alors de la main gauche, sans quitter des yeux son adversaire, à l’homme immédiatement derrière lui et qu’il croyait être un soldat de sa section. Dans la ruée en avant, quelques hommes de la section du 298° qui étaient restés en arrière de la section Colin, avaient rejoint cette dernière et s’étaient mélangés à elle. Un soldat du 298°, nommé Guillemard, reçut le drapeau passé par le Lt Colin et refusa de le rendre au soldat du 60° qui le lui réclamait avec de vives protestations. Ce soldat se sauva précipitamment en arrière vers la ferme Nogeon entouré de quelques hommes de son régiment qui se retiraient en désordre en poussant des cris de joie, clameurs insolites mêlées à une vive fusillade et que le Colonel Bourquin, Cdt la 27° Brigade entendait en arrivant vers 20 heures à la ferme Nogeon.
A la suite de cet assaut, la ligne ennemie menacée sur sa droite par des groupes, notamment une section du génie qui la débordait, et soumise à des feux partant de divers côtés, commença sa retraite sans avoir pu faire usage de ses mitrailleuses et se replia sans précipitation vers ses tranchées, en chantant en coeur le “Wacht Am rhein”, pendant que les officiers sonnaient de la corne pour le ralliement.
Après le rétablissement de l’ordre, les sections de la 1ère Cie restaient sur le front occupé, y passaient la nuit en avant-poste de combat, jusqu’à la reprise de la bataille, le 8, à 3 heures du matin.
Le Commandant De Pirey avait été blessé vers 22 heures d’une balle qui lui avait traversé la jambe droite, et avait passé le commandement au Capitaine Doillon. Transporté à la ferme Nogeon, il se faisait panser, quand vers minuit, le sous-lieutenant Colin vint le trouver et lui raconta la prise du drapeau par lui-même et sa section, et l’incident avec le 298°.
Le Commandant De Pirey avant d’être évacué, consigna en quelques mots le compte-rendu du Lt Colin, signa, et data le papier qui est encore entre les mains de la famille Colin, et dit au Lieutenant de faire un rapport dès le lendemain à son Commandant de Cie et au Cdt de Régiment. Par suite de la continuation de la bataille, de la poursuite qui dura plusieurs jours, de la mort du Lt Colin tué à Autreches, le 17 septembre 1914, ce fait ne fut connu que tardivement. Pendant ce temps, le soldat Guillemard présentait le drapeau comme pris par lui et recevait la Médaille Militaire, et le Drapeau du 298° était décoré de la Légion d’Honneur.
Pourtant, de cet exposé, dont les détails sont certifiés par de nombreux témoignages écrits, et quelques témoins encore présents : Perdrix, Boutrand, le Colonel De Pirey, il résulte que le drapeau du 36° R.I. allemand a été pris par le 60°R.I.
Toutes les demandes tardives, (rapports du Colonel Bourquin, en date du 15 novembre 1914 au Général De Villaret, et au Général Vauthier, réponse de ces deux officiers généraux en date des 17 novembre et 1er décembre 1914) tendant à faire rectifier cette regrettable erreur, se sont heurtées à un fait acquis, sur lequel il n’a pas été possible au commandement de revenir, mais l’honneur et le bénéfice de la capture de ce trophée, auraient dû appartenir à ses auteurs : le Lieutenant Colin, le soldat Perdrix, de le 2° section de la 1ère Compagnie et au 60° Régiment d’Infanterie.

TÉMOINS : soldat Bouchacourt Pierre
: soldat Coulet Aimé
: caporal Schwander
: soldat Buette Louis
: soldat Perdrix
de le 1ère Compagnie du 60° Régiment d’Infanterie


Besançon, le 30 Mai 1919

Le Colonel De Pirey, Commandant le 60° R.I.
signé : G. De Pirey.

Bonjour Alain,

merci pour cette autre histoire ! Quelle tragédie pour le Lt Colin et les gars du 60e RI...et quelle attitude peu glorieuse du soldat du 298e... bigre.

Stabs

POur ma part, je n'ose imaginé l'état du casque de l'officier dont la tête a également été transpercée par une baillonette...

Bonjour,

Merci à Alain pour ce récit de la prise du drapeau qui semble bien être du I/FR36, si on se réfère à l´une des photos des drapeaux exposés aux Invalides, dont les légendes semblent être assez fiables.

J´ai consulté les Verlustlisten pour cette journée du 7.9.14 du côté de Vincy-Manoeuvre. Le I/FR36 est bien mentionné comme ayant participé aux combats dans ce village, cette journée précise du 7.9.14.

http://files.genealogy.net/verlustlisten/01031.jpeg

Le I/RJR36, lui, était à cette période à Acy (du 5 au 9 septembre), je ne saurais dire lequel des deux Acy, celui près de Soissons (40 kms au Nord-Est de Vincy) ou bien Acy en Multien, (2 kms en arrière de Vincy-Manoeuvre)

http://files.genealogy.net/verlustlisten/02165.jpeg

En me focussant sur les officiers du I/FR36, je pense avoir retrouvé le nom de l´officier allemand ayant essayé de sauver le drapeau de son bataillon en se prenant une baionette dans la tête et un sabre dans la poitrine. Il n´y a qu´un seul officier qui puisse entrer en ligne de compte:

Le Leutnant Knut von LINDE-SUDEN, 2/FR36, originaire de Charlottenburg. Il est d´abord mentionné comme disparu pour ces combats:

http://des.genealogy.net/search/show/210903

Et dans un rectificatif du 1.6.15, il est mentionné comme avoir été fait prisonnier après avoir été blessé, pour ensuite décéder en captivité:

http://des.genealogy.net/search/show/1162334

Aucun autre officier de ce bataiilon est décédé ou bien a été fait prisonnier à cette période.

Rheinbaben

Bonsoir, j'ajoute à ce  rapport un extrait du guide Michelin "L'Ourcq". Alain

Merci François pour ce morceau d'Histoire , un sacré travail que celà représente.

Merci Bertrand
Il y avait (évidemment) un casque derrière cette recherche. Mais a priori ce n'est pas celui du porteur du drapeau mais d'un de ces soldats du RIR 94 traqué dans la nuit par les cavaliers français.